Après la pluie

51 | L'ombre d'un doute

Après être rentrée d'Englewood – car oui, j'ai ressenti le besoin d'y aller malgré tout, imaginant Mia me tirer par la main dans un éclat de rire joyeux – je me suis fait violence, allant jusqu'à pousser la porte du bar. Je n'y avais pas remis les pieds depuis que... Vous avez compris. Toutefois il fallait bien y retourner un jour, non ?

La vie continue, chantonnerais-tu.

Retenant mon souffle, mes larmes ainsi que d'instinctifs sanglots, j'ai fixé la pointe de ma paire de Converse afin d'éviter de croiser le moindre regard, me dirigeant directement vers le piano. Ai-je renvoyé une parfaite image de vulnérabilité lorsque j'ai effleuré son violon traînant toujours là ? Sans doute et peu m'importe, en vérité. Au fond ils me connaissent tous, j'en suis consciente. D'être aussi fragile que transparente.

Je t'aime pour toujours.

À quoi bon cacher ma souffrance quand je sais que même les plus placides d'entre eux sont touchés par sa mort ? Que son aura nous manque à tous ? Parce que sa lumière était sublime dans les ténèbres de ce sombre univers. Malgré son travail si souvent jugé par autrui, elle était une créature si douce et gracieuse qu'on ne pouvait qu'être touché en la côtoyant.

Comment vais-je y arriver sans toi ?!

Mes doigts courant sur les touches au rythme de « Corale Solo » – par Ludovico Einaudi – j'ai songé à elle ainsi qu'à cette gentillesse m'ayant enveloppée dès mon arrivée. Son empathie, Gloria y a fait écho, aujourd'hui. Bien que j'ai noué mes cheveux en une natte camouflant ma tempe blessée, elle a vu à quel point j'allais mal en dépit de mes efforts pour paraître sereine, je le sais.

— Si un jour vous en avez besoin, vous connaissez notre adresse, a-t-elle chuchoté, Willy s'éloignant en sautillant, accompagné par Lisa.

Quoi ?!

Je n'ai pu empêcher mes yeux de s'écarquiller alors elle a attrapé ma main, la pressant brièvement.

— Le jour, la nuit, n'importe quand. Je saurai qui appeler pour vous protéger.

Pu-naise.

Incapable de démentir ou faire davantage semblant, je me suis contentée d'opiner, essuyant furtivement une larme échappée pendant qu'elle se détournait comme si rien d'inhabituel n'avait été énoncé. Moi, je suis restée quelques secondes figée, assimilant la puissance de ces quelques mots d'un soutien inestimable, quand bien même les mettre en danger m'est inenvisageable.

Merci quand même.

J'ai toute la peine du monde à m'empêcher de m'effondrer dans la pénombre de cette salle, donc la paume de Noah se posant sur ma nuque est la bienvenue. Levant le nez, je lui adresse un sourire hésitant l'invitant à s'asseoir, ce qu'il fait afin de permettre à ma joue de rejoindre son épaule dans un soupir tremblant. Finalement je m'arrête pour accrocher mes bras autour de son cou, m'y cachant, pleurant pour de bon. Il commence par accueillir mon étreinte avec compréhension, caressant mes cheveux et mon dos de ce geste amical qu'il a eu si souvent.

— Cha, chuchote-t-il finalement à mon oreille à présent que je me calme. J'ai peur que mes rapports avec le second aille de mal en pis si tu continues à faire ça.

Euh...

— Ne dis pas n'importe quoi, protesté-je, laissant échapper un rire nerveux en resserrant mon étreinte, reconnaissante qu'il tente de me distraire.

Très amusant, vraiment.

— Sauf que ce n'est pas une blague.

Hum ?