16 | Ce qui est fait n'est plus à faire.

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Je suis inexplicablement restée contre la cloison, écoutant le rythme redevenu lent de sa respiration jusqu'à ce que ses pas s'éloignent sans un mot supplémentaire. Ensuite, j'ai rejoint mes draps et me suis immédiatement endormie, satisfaite. D'une certaine façon, j'avais l'impression d'avoir fait entendre ma voix pour la première fois. C'était grisant. Exaltant.

Enivrant.

Réveillée à l'aube par le bruit de la pluie ricochant contre les vitres, je noue un ruban noir dans mes cheveux afin de maintenir un chignon flou dont s'échappent quelques mèches éternellement rebelles. Esquissant un sourire ravi, j'ajoute une touche de rose sur mes joues avant de me glisser dans une robe pull blanche à col roulé – défaisant quelque peu ma coiffure, ouais – des chaussettes sombres et... Ma paire de Converse, évidemment. Me jaugeant dans le miroir après avoir enfilé cette chaîne en or et son pendentif que je porte sans relâche, je prends une profonde inspiration.

Impossible de te dégonfler, Charlie !

Exact.

J'ignore quel sera le comportement de Luke suite à mon invraisemblable mais ô combien amusante – de mon point de vue, j'entends – attaque de cette nuit, mais me sens prête à l'affronter.

Il est peu probable qu'il ait trouvé drôle ton petit numéro !

Qu'importe !

Après tout, le but était de passer un message, non de le faire rire. Et pour tout vous dire, je ne ressens aucune crainte. Juste un intense sentiment de plénitude.

Maintenant, tu sais à quoi t'en tenir !

Car bien que ce culot soit tout nouveau, je compte le garder, l'exploitant encore si besoin est. À tel point qu'après avoir déverrouillé puis entrouvert ma porte, je m'installe au piano, optant pour un morceau aux sonorités positives et adaptées à la météo. C'est ainsi que j'attaque avec entrain « A pearl for every drops of rain » de Brian Crain, sans me soucier de l'heure matinale. Vous vous en doutez, j'espère qu'il est dans le coin et m'entendra. Peut-être même que j'aimerais le réveiller. En prime, je suis sûre qu'il est assez futé pour comprendre le sens de cette déclaration supplémentaire.

Je ne te crains aucunement !

Alors d'accord, ce n'est pas vraiment exact, je suis certaine que vous le savez. L'homme est effrayant, c'est une réalité. Enfin... Disons plutôt qu'il est diablement beau mais que son comportement le rend terrifiant. Sauf que je ne me laisserai plus impressionner.

Rendant chacun de tes prochains coups si tu oses en porter encore !

Parée de cette assurance toute neuve, je sors pour rejoindre la cuisine quelques minutes plus tard. Esquissant une poignée de pas de danse dans le couloir tant mon humeur est légère, j'effectue une pirouette en dedans – vestige de mon enfance – et...

Pu-naise.

Ma volonté n'empêche en rien mon cœur de faire une violente embardée, mes yeux rencontrant ceux de Luke pendant que je tourne. Habillé d'un jeans brut et d'un pull noir – Ai-je déjà précisé qu'il est si séduisant que c'en est écœurant ? – il n'est qu'à quelques mètres derrière et s'avance – les bras dans le dos – sans laisser filtrer l'ombre d'une émotion.

Angoissant !

Il est redoutable, oui. Néanmoins...

J'arque un sourcil en esquissant un rictus suffisant, poursuivant ma route en feignant l'indifférence. J'entre la première, et il ne lui faut que quelques secondes pour me rejoindre, silencieux.

Éprouvant !

Je. Sais !

Cette façon qu'il a d'être inexpressif – parfois – est davantage stressante que lorsqu'il s'énerve. Je retiens une crispation nerveuse, craignant qu'il ne m'attaque par surprise, un peu comme lorsque j'ai fait une réflexion sur sa façon de traiter cette femme hier matin, rappelez-vous. Et vous savez quoi ?

Après la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant