63 | La dernière fois

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Merde.

J'ai fait une erreur. Énorme. Monumentale.

Quel con !

Est-ce irréversible, Elijah ?

Maintenant qu'elle me dévisage sans dissimuler son trouble alors que mes doigts sont incapables de la quitter, je l'ignore, en réalité. Tout comme je ne sais pas ce qui m'a pris de me comporter ainsi.

C'est ça ! Qui espères-tu convaincre, au juste ?

Putain.

Personne, c'est clair. Vous le savez tous, à quel point je suis amoureux d'elle. Sauf qu'afin de la protéger, il est plus sûr qu'elle l'ignore. Il faut que je la garde à distance pour éviter de perdre ce qu'il me reste de sang-froid et rester apte à mener ma mission jusqu'au terme. À défaut d'avoir obtenu la réparation à laquelle j'aspirais depuis l'enfance, je me dois à minima de faire tomber son oncle. Après tout, il est celui à la tête de l'organisation depuis le tout début. Le vrai responsable, au fond. L'unique coupable de...

Sans parler du fait que c'est ton travail, mon pote.

Je sais.

En dévoilant le fond de ma pensée, aurais-je le courage d'aller jusqu'au bout, ou ne resterait-il que ce besoin viscéral de la garder en sécurité envers et contre tout ? Ce désir aussi brut qu'inattendu pourrait me faire renoncer au reste, j'en suis conscient. Mais si je demeure silencieux, le déni peut-il perdurer ? J'ai de la chance qu'elle soit si innocente, dites-vous. À ce point inexpérimentée. Autrement elle m'aurait déjà percé à jour, c'est évident. Autour de nous, tous l'ont vu et d'une certaine façon tant mieux, cela rendant notre jeu totalement crédible. En conséquence, il n'y a que Kat trouvant à y redire.

Tu as raison d'être inquiète.

Elle qui a sauvé ma peau par le passé et que j'ai entraîné dans cette histoire, la plaçant avantageusement au plus près de Peter dans le but de mieux le piéger. Le prendre par surprise. Elle ne mérite guère que je me plante après avoir pris autant de risques pour m'épauler. D'autant que si elle n'avait pas été là pour me fournir un alibi quand j'ai abattu plusieurs trafiquants à San Francisco il y a huit ans, je ne serais plus là à en parler.

— Es-tu bientôt prête ? m'informé-je avec décontraction après un nouveau baiser sur sa tempe, feignant une situation des plus banales.

Pinçant les lèvres – visiblement ébranlée – Charlie avise mes paumes placées sur ses hanches avant de remonter lentement ses jolis yeux bleus, rencontrant la – fausse – placidité des miens.

Laisse tomber, mon ange.

— Habille-toi, continué-je, me détachant péniblement d'elle alors que je crève de l'inverse. Mets la noire s'il te plaît.

Même si je doute que ce soit une bonne idée.

Heureusement qu'elle n'a aucune idée de son sex-appeal, sinon je serais fichu depuis un bout de temps. Le premier jour, sûrement, vu comme ce n'était pas passé loin. C'est une arme dont elle pourrait aisément se servir pour obtenir n'importe quoi de ma part. Sans l'ombre d'un effort. Juste du bout de ses lèvres posées sur ma bouche ou d'un murmure au creux de mon oreille.

Il n'y a plus qu'à espérer qu'elle ne l'apprenne jamais, Elijah.

Entre autres choses, ouais.

C'est insupportable de savoir qu'elle partage mes sentiments mais de ne pouvoir la rassurer à propos des miens. De lire ses espoirs dans l'hésitation de ses sourires, l'adorable coloration de ses pommettes. De l'entendre dans le rythme altéré de sa respiration quand je l'attire entre mes bras, que ce soit devant les autres ou tandis que je la sors de ses mauvais rêves. De le sentir lorsque sa peau réagit inlassablement sous mes doigts. Mon souffle.

Après la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant