Cela fait plusieurs heures qu'il neige. Rien d'étonnant à Chicago début décembre, me direz-vous. Personnellement, j'aime ce moment où la ville ralentit, le silence se faisant une place lorsqu'elle se pare de blanc immaculé. Trouvant cela apaisant, je songe à la douceur d'une promenade sur les rives du lac afin de profiter du paysage et cette sérénité qu'il m'inspire irrémédiablement.
Et si je proposais cette sortie aux filles ?
Assise sur le rebord d'une fenêtre de ma suite, j'ai passé la fin de l'après-midi sous un plaid en compagnie d'une tasse de chocolat chaud. Plongée dans « Orgueil et préjugés » de Jane Austen, j'ai pris des notes qui serviront à Mia pour l'un de ses devoirs. Après avoir grignoté un cookie, j'ai finalement abandonné le roman sur le piano afin de m'exercer. Nous sommes vendredi et vous n'êtes pas sans savoir à quel point mon rituel est sacré. Essentiel à mon équilibre. Ce moment précieux où – à dix-neuf heures précises – je suis liée à ma mère le temps d'une mélodie. Je veux que tout soit parfait alors m'entraîne encore et encore sans me lasser. Ludovico Einaudi m'accompagnant une nouvelle fois au rythme de « Samba », je sursaute à peine le morceau terminé, trois coups secs étant frappés à ma porte. Un homme peut-il être à la fois le diable et bon ? Je n'irai pas jusque là. Jetant un coup d'œil à ma montre, je me répète que Peter est aussi ponctuel que cruel, cette séparation qu'il nous impose étant viscéralement insupportable. La menace qu'il a proférée une monstruosité innommable. Néanmoins, bien sûr que j'aurais refusé de le suivre s'il m'avait laissé le choix, bien que jamais je n'aurais pu économiser assez d'argent pour le rembourser. Me laissera-t-il vraiment partir dans trois ans compte tenu de cette implacable réalité ? L'estomac noué, je me lève pour aller ouvrir, forçant un sourire routinier. Il m'arrive de lui en adresser de sincères, mais pas dans ce contexte. Ce soir ce dernier se fige, se fanant face à l'air indifférent de Luke. Je me ressaisis immédiatement, m'effaçant afin de le laisser entrer, n'ayant nullement de temps à perdre en protestation ni en jeu d'aucune sorte.
Elle est ma seule et unique priorité.
— Peter m'a prévenu qu'il est retenu à cause de la météo.
— Je l'ai bien compris, réponds-je d'un ton neutre, retournant prendre place.
Mes doigts sur les marches, je le regarde sortir son téléphone et s'arrêter un instant.
Évite de traîner s'il te plaît !
Ses yeux parcourent lentement l'instrument, puis viennent se fixer dans les miens pendant que je retiens mon souffle.
— En vain ai-je lutté. Rien n'y fait. Je ne puis réprimer mes sentiments. Laissez-moi vous dire l'ardeur avec laquelle je vous admire et je vous aime.
Comment ?!
Ma bouche s'entrouvre sous le coup de la stupeur, mais a tôt fait de se pincer pour former une grimace en dépit de mon pouls s'emballant ridiculement.
Très amusant, vraiment !
— Nous savons comment Elisabeth a éconduit ce cher Darcy dans la suite du chapitre, énoncé-je, arquant un sourcil pendant qu'il m'adresse un rictus suffisant.
Vas-tu déclamer un extrait de chacun des ouvrages que je lis ?
Inutile de vous préciser qu'il vient encore de me troubler, si ? Sans même me toucher, ce qui est d'autant plus irritant. Heureusement, il ne me laisse guère l'occasion de m'étendre sur l'idée d'à quel point il est intriguant, portant son portable à son oreille. Rassemblant mes esprits en un quart de seconde, j'attends. Prête. Impatiente.
Je t'aime, maman.
Sauf que son expression insensible se mue en autre chose, nouant instinctivement mon estomac.
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Après la pluie
RomanceAyant vécu une enfance teintée de galères, Charlie n'a nullement ménagé ses efforts afin de mettre sa vie sur les rails de la sérénité. Aspirant à un futur fait de bonheurs simples, elle voit son rêve voler en éclats d'un seul coup de téléphone. « D...