35 | Évidente signature

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Jeffrey White. Trentenaire blond aux yeux bleus follement amoureux de son épouse, discret et peu sûr de lui malgré un indéniable talent, voilà comment je le décrirais en quelques mots. Il a été mon principal interlocuteur lors de l'élaboration des plans de l'hôtel, ainsi qu'un allié de poids lorsque j'ai bataillé pour en faire une structure la plus respectueuse de l'environnement possible. Autant vous dire que j'étais ravie de le rencontrer, lui parler et qu'il s'est avéré être le soutien inespéré dont j'avais besoin pour affronter la soirée. Je l'ai donc regagné le sourire aux lèvres, jouant parfaitement mon rôle lorsque j'ai été présentée par ses soins à l'architecte principal du projet, un personnage du genre antipathique, par contre. Luke était là, autant professionnel qu'impassible, sans un regard ni un mot de trop à mon égard.

Dieu merci.

J'ai finalement passé un agréable moment au bar en compagnie de cet adorable collègue éphémère, discutant des passionnants projets sur lesquels il travaille, de nos idées communes et de l'amour de sa vie. C'était une bouffée d'oxygène dans mon univers autant qu'un coup de poignard, pour être honnête. Car un homme avec une sincérité désarmante et des iris ne déviant pas des miens lorsque nous parlions... un sourire ne sous-entendant rien d'autre que sa profonde sympathie, une attention n'attendant que la mienne en retour ? C'était aussi doux qu'amer, me faisant toutefois plus de bien que de mal, rappelant que cela existait. Tout simplement. Puisque j'en avais tant besoin. De rire sans crainte de laisser filtrer un aveu de faiblesse pouvant se retourner contre moi, autorisant mes lèvres à s'étendre plus de fois que je n'ai pu le compter, le cœur quelque peu allégé, profitant de ce répit accordé pendant que les heures de la nuit s'égrenaient trop vite. C'est à regret que nous avons finalement pris congé, se souhaitant une bonne continuation en espérant d'autres collaborations dans le futur. In fine, c'est l'estomac à nouveau noué que j'ai rejoint ma suite avant de me rendre sur la terrasse. Appuyée sur la rambarde en bois, j'ai fermé les paupières afin d'écouter la mer.

J'attends le soleil, papa.

J'ai entendu Luke rentrer alors suis restée immobile dans la pénombre, patientant fébrilement afin d'être sûre qu'il soit dans sa chambre avant de m'autoriser à respirer. Le bruit de sa douche me parvenant, je me suis accordé une brève inspiration, allant chercher mon enceinte malgré tout sur le qui-vive. Dans la foulée, EZI a commencé à accompagner quelques mouvements de danse destinés à me détendre avant de dormir au son d'« Anxious ».

Développé. Un. Et deux.

En vain. Lentement, sûrement, j'ai délié mes membres crispés au rythme de la mélodie, mon cœur refusant de lâcher prise. Douloureux. Misérable. Inconsolable.

Temps lié, revenir.

Aurais-je voulu qu'il s'impose ? S'excuse malgré mon rejet ? Cherche sincèrement à se faire pardonner son sordide propos ? Cette insupportable accusation.... l'a-t-il réellement pensée ? Ne me connaît-il pas assez en dépit de tous les moments que nous avons partagés ? Surtout ces derniers jours ?

Développé à la seconde.

Heureusement qu'il s'est abstenu étant donné que je n'aurais su lui résister, je le crains. Hélas cela n'a fait qu'accroître mon pathétique chagrin, m'octroyant malgré tout du temps pour m'ancrer fermement dans cette résolution prise quelques heures plus tôt.

Demi-pointes, plié.

Neutralité. Pondération. Équilibre. Voilà les qualificatifs pour lesquels j'ai opté pendant une arabesque des plus réussies. Résolue, j'ai esquissé une révérence à l'attention de l'océan avant d'aller me démaquiller et rejoindre mes draps. Demain serait un nouveau jour. Un rôle neuf ne cédant sa place à aucun autre jeu malsain.

Après la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant