47 | Reviens-moi

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C'est la guerre.

Non, je ne suis nullement en train de vous citer le roman de Louis Calaferte, étant incapable de me concentrer sur un livre en l'état actuel des choses, soyons honnêtes. L'esprit embrumé, je ne cesse de penser à eux, lui, terrorisée. Atterrée. Paniquée. Ces mots raisonnant en boucle dans ma tête sont ceux de Lucifer.

— C'est la guerre et je ne m'arrêterai que lorsqu'il ne restera aucun Riviero pour te menacer, a-t-il affirmé, le regard aussi fermé que sa mâchoire était crispée.

Implacable. Effroyable. Redoutable. Un homme peut-il être à la fois le diable et bon ? Je n'irai pas jusque là. Même s'il le fait pour moi. Uniquement pour ma protection car il semble que cette décision aura un impact négatif sur ses affaires illégales. Sauf qu'à priori il ne reculera devant rien, n'ayant aucunement hésité avant d'envoyer de nombreux soldats au Mexique, organisant une riposte sans tarder pour les surprendre. Autant vous dire que j'étouffe un peu plus à chaque seconde, me sentant responsable de toute cette abominable situation. Ayant l'impression d'avoir du sang sur mes mains en dépit du fait que je n'ai rien souhaité de tel. Mais Peter a été formel, certifiant que c'est la seule façon d'en finir avec les risques planant au-dessus de ma tête.

Rien ne serait arrivé si tu m'avais laissée en paix.

Après le départ de la chair à canon du diable ainsi que de leurs supérieurs, j'ai erré sans but de la bibliothèque en passant par la salle de sport, éteinte. Apathique. Vide. Je me suis finalement recroquevillée dans le confort de mon canapé, scrutant mon piano blanc, espérant vainement une nouvelle apparition du spectre de Mia.

Estimes-tu que je dois apprendre à me débrouiller sans toi ? Je ne suis pas prête ! Pour preuve, je suis allée jusqu'à me raccrocher à Luke !

La jolie blonde aurait été tellement ravie que je lui confie mon improbable rapprochement avec le bras droit de mon oncle. Cette nuit contre lui à mon initiative, cette fois. C'est finalement à Lys et Yun que je l'ai racontée après que nous ayons enfin pu pleurer ensemble la mort de notre amie. Blotties les unes contre les autres, nous sommes restées des heures sans bouger au rythme d'anecdotes ayant réussi à nous arracher quelques rires parmi les larmes.

Tu nous manques pour toujours.

Sauf qu'après avoir tenu des propos du même acabit que ceux de Mia – autrement dit lui et moi craquons mutuellement l'un pour l'autre et il serait grand temps de l'assumer – elles ont été obligées de partir travailler, bien qu'à priori les sous-fifres du parrain se montrent magnanimes compte tenu de cette douloureuse épreuve. À partir de là j'ai recommencé à paniquer, tournant en rond dans ma suite tel un animal en cage. Aussi blessée qu'effrayée. Suffoquant sans savoir me calmer, consciente qu'elles avaient raison et d'à quel point cela augmentait ma détresse. Mon désespoir.

J'avais besoin que tu restes ! J'ai peur pour toi !

À défaut de sa présence, je me suis faufilée dans le couloir sous l'œil attentif de mon garde du corps, la clé qu'il m'a confiée à la main.

Pourquoi l'as-tu fait ? Les filles ont-elles vu juste à ton sujet aussi ?

Me glissant instinctivement entre ses draps, j'ai cherché son odeur pour m'y blottir, m'endormant quelques heures d'un sommeil agité entrecoupé de cauchemars où ils mourraient eux aussi.

Revenez je vous en supplie ! Reviens-moi !

***

— Allez s'il te plaît, dis oui ! supplié-je à nouveau.

Sincèrement ? J'ai notion d'à quel point l'idée est mauvaise, toutefois voilà quarante-huit heures qu'ils sont partis – nous laissant sans nouvelles – donc je vrille littéralement.

Après la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant