15 | L'autre version de toi

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Pour tout vous dire, je fais quelque chose de résolument stupide. La colère nous pousse parfois à des actions invraisemblables, non ? Me concernant, j'ai tout simplement décidé de joindre le geste à la parole. Comprenez-vous déjà de quoi je parle ? Si ce n'est pas encore le cas, vous le saurez bientôt. Pour le moment, sachez qu'après notre altercation, j'ai filé loin de l'antre du diable, submergée par le dégoût. À cause de plusieurs choses. Le comportement de Luke vis-à-vis de cette femme, bien-sûr. De ses odieux propos... Ceux tenus envers moi, évidemment. Quel était son intérêt, à me mentir dans l'unique but de me provoquer ? Choquer. Que peut-il bien chercher ? Mais ce n'est pas tout, hélas. Je suis autant outrée par ma propre naïveté. Oui. Écœurée d'avoir pu espérer – après seulement quelques minutes, une citation et des pâtes au fromage – qu'il soit autre chose que ce dont il m'a fait la démonstration la majorité du temps. Autrement dit, qu'il ne soit pas seulement...

Arrogant, suffisant, vaniteux, orgueilleux...

Hum. Ça commence à faire beaucoup de synonymes Charlie, non ?

Certes.

C'était absurde, n'est-ce pas ? Cela étant dit, je suis quand même obligée de reconnaître qu'avant lui, personne n'avait su me déstabiliser à ce point. M'atteindre. Je frémissais parfois sous les regards insistants, c'est vrai. Aucun ne m'ayant réellement troublée. Certains – beaucoup – ont essayé, soyons honnêtes. Peut-être suis-je être intouchable, toutefois si je décide d'avoir une relation avec n'importe lequel... Peter n'objectera guère. Alors d'une certaine façon, je suis la fille à séduire. Le trophée à remporter. Néanmoins, j'ai débouté chacun d'entre eux avec une inaltérable constance. Remarquable aisance. Honnêtement ? C'était facile. Car jamais le moindre frisson ne m'a parcourue en leur présence. Je n'avais nullement besoin de feindre mon indifférence.

Et cette fois, Charlie ?

C'est différent.

Inexplicablement, cet homme me fait retenir mon souffle depuis la première seconde, rappelez-vous. Me pousse dans mes retranchements, m'incitant à revoir mes limites. Peut-être pas pour le meilleur, vu l'improbable situation dans laquelle je me trouve actuellement...

Tu as vrillé, Charlie !

Fatalement, ça devait arriver !

Comment rester saine d'esprit dans un milieu comme celui-ci, de toute façon ? C'est précisément ce que je me suis demandée, assise sur le sol de l'immense serre de Garfield Park. Tandis que je grelottais, trempée car ayant été surprise par une averse. Posant mon menton sur mes genoux repliés, j'ai regardé la pluie ruisseler contre le vitrage en pensant...

J'attends le soleil, papa.

Mes parents m'emmenant régulièrement ici lorsque j'étais petite, c'est une sorte de refuge dans lequel je viens souvent. L'un de mes endroits préférés dans cette ville. En conséquence, c'est sans surprise que...

— Évidemment, je te trouve là.

— Ce n'est pas comme s'il n'y avait personne pour t'informer de chacun de mes mouvements, ai-je rétorqué, faussement arrogante en attrapant sa main tendue.

C'était Noah. Il avait respecté mon besoin de solitude, cette importante illusion de liberté. Chacune de mes sorties étant programmées selon des horaires strictes, je sais que je suis toujours suivie, bien que j'ignore par qui. Je croise parfois des regards dans la rue, me demandant si... n'ayant jamais la réponse. Peu importe, au fond, je crois m'être fait une raison. C'est ainsi et...

Ça pourrait être pire.

Me tirant derrière lui avec cette improbable bienveillance compte-tenu de qui il est – un talentueux sous-fifre du diable – il m'a ramenée « à la maison », me réprimandant comme si j'étais une enfant.

Après la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant