38 | Choisis ton camp

457 64 3
                                    

Je n'aurais jamais dû faire ça.

Laisser à Mia le contrôle de mon enceinte dans la bibliothèque, par exemple. Ou accepter de monter ce fichu koala ailleurs qu'en privé, peut-être. Probablement les deux, je suppose. Car me voilà à assembler les pièces grises au rythme de « Can you feel the heat now » – par Tommee Profitt & Fleurie – faisant face à son petit sourire en coin ainsi que juste sous le nez de Luke, nonchalamment installé dans le fauteuil près de la fenêtre, un roman à la main. Et je sens bien un truc qui chauffe, là. Ouais. Mes joues, entre autre. Ma nervosité, aussi. Exaspération. Frustration. Hélas que voulez-vous ? Je crois que je ne peux rien refuser à la jolie blonde après avoir eu si peur de la perdre. Vêtue d'une large sweat-shirt écru et d'un legging sombre, assise en tailleur à même le plancher foncé, mon menton appuyé sur mon avant-bras posé sur une table basse ancienne, je lance à mon – insupportable – amie une œillade chargée de reproches puisqu'elle me toise depuis la méridienne vintage, l'air totalement satisfait.

Sympa, merci.

Un homme peut-il être à la fois le diable et bon ? Je n'irai pas jusque là. Néanmoins mon oncle a octroyé plusieurs jours de repos à la jeune prostituée, l'autorisant à rester au manoir. Sachant que d'ordinaire une pute inutile aurait directement été réexpédiée à Chicago, je suis consciente qu'il a eu cette magnanimité par égard pour moi. Étant d'ailleurs passé s'assurer de mon état de santé dans ma chambre à peine étais-je sortie de la salle de bain, j'ai sauté sur cette occasion pour trouver le courage d'esquiver l'injonction de son bras droit à le rejoindre dans la cuisine. Pour tout vous dire, je ne lui ai pas reparlé depuis et il n'a nullement cherché à le faire non plus bien que nous nous soyons croisés quelques fois ces deux derniers jours. Ce retour à notre étrange normalité me confirme qu'il s'est occupé de mon hypothermie uniquement parce qu'il était présent sur les lieux au moment de l'accident. Tentant de nier les nœuds se créant – stupidement – dans mon estomac à cette idée, je pince les lèvres, me concentrant sur ma construction. Ce cadeau est-il vraiment de lui ? Cela me paraissait évident, pourtant l'idée n'en reste non moins déroutante en regard de son attitude.

À quoi joues-tu, Luke ? J'ai cru que tu souhaitais te faire pardonner ton infâme propos !

Quant à toi, tu ne sais guère ce que tu veux, Charlie !

Si, toutefois je n'ai jamais prétendu que c'était facile.

Hum. Ok.

— Désirez-vous un chocolat chaud, mademoiselle Alvarez ?

Tirée de ma frustrante torpeur, je sursaute au son de la voix légère de Jane, levant brutalement la tête dans sa direction. Une vive douleur se développant dans mon crâne, je pose mon poing contre ma tempe en grimaçant.

Aïe.

— Quelque chose ne va pas ? s'inquiète immédiatement la gouvernante.

Mia plisse le nez tandis que j'esquisse un rictus rassurant.

— Si si, mens-je. Tout va bien. Juste une légère migraine. Et un chocolat me plairait beaucoup, merci.

— Allez vous installer près de la cheminée, m'exhorte-t-elle, attrapant un plaid.

Regrettant une nouvelle fois que cette cinquantenaire refuse de me tutoyer ainsi que d'employer mon prénom, je me relève péniblement, m'échouant dans le confort de la banquette près du feu crépitant. La couverture rejoignant mes jambes, je lui adresse un sourire fatigué en guise de remerciement.

— Je viens t'aider ! annonce promptement Mia.

Pardon ?!

Oui, vous avez bien compris. La blonde vient de filer après avoir bondi sur ses pieds, m'abandonnant dans la même pièce que Luke. Seule.

Après la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant