C'est au son d' «Opus » – d'Eric Prydz – que je pousse la porte, ma cible en tête. Il s'appelle Nils Strauss, si vous voulez des détails. Trente-deux ans et bien placé dans la hiérarchie du trafic de drogue de l'Illinois, pour vous situer le personnage. Un crétin, à mon humble avis. Car un homme intelligent essayerait-il de piéger le diable en personne ? Espérerait-il le doubler sans se faire prendre ? Laissez-moi rire, d'accord ? Enfin bon... Au moins y a-t-il un morceau que je connais dans la playlist du club qu'il fréquente. Ce qui est déjà pas mal, étant donné que je n'ai aucunement envie d'être là. J'aurais amplement préféré rester plus longtemps auprès des membres de l'association œuvrant pour la réinsertion des prostituées, voyez-vous. Là-bas, je me sens dans mon élément. Réellement utile. Aidant à la rédaction de démarches administratives ou prêtant une oreille attentive aux confidences qu'elles acceptent de me faire, conscientes que je garderai leurs secrets sans jamais les juger. Distribuant des sourires sincères ainsi que des mots d'encouragement auxquels je crois vraiment. Accueillant les doutes, l'estomac noué, essuyant les larmes du bout de mes doigts en leur souhaitant des jours meilleurs.
J'attends le soleil, papa.
Étudiant rapidement les lieux – ayant auparavant appris par cœur le plan et vu des photos – je le repère immédiatement à la table qu'il occupe toujours, donc me dirige vers le bar pour commander un classique whisky soda sans glaçons. Moulée dans ma robe décolletée dans le dos, je contemple le liquide quelques instants. Jetant ensuite un coup d'œil à ma montre, je constate qu'il est temps pour moi d'entrer en scène.
Encore.
Un micro caché entre mes seins – afin que les soldats assurent ma sécurité – je suis l'appât.
Encore.
Satan étant magnanime, parfois. Ou plutôt ne veut-il guère s'embêter à recruter une nouvelle équipe après avoir abattu tout le monde, préférant isoler le traître de son groupe avant de l'éliminer pour faire passer un message. Un rappel à l'ordre d'une limpidité exceptionnelle leur passant l'envie de le défier. Je suis son ange de la mort affirme-t-il, et ce soir Nils Strauss va payer de sa vie d'avoir provoqué Peter Alvarez. C'est horrible, ne trouvez-vous pas ? Mais j'ai été très claire dès le départ, rappelez-vous. Le jour où j'ai appris le décès de mon père, j'aurais dit oui à n'importe quoi afin de sauver ma mère. Cette réalité est restée inébranlable, qu'importe combien de cadavres jonchent mon chemin depuis. Un homme peut-il être à la fois le diable et bon ? Je n'irai pas jusque là. Néanmoins je suis toujours loin lorsque ces hommes finissent par tomber, comme s'il cherchait à me préserver. Et même si je suis consciente d'être la dernière femme ayant croisé leur route avant qu'ils ne rendent leur dernier souffle, je peux rester dans le déni, d'une certaine façon. Sachant aussi qu'avec ou sans mon intervention leur fin aurait été la même. Me faufilant parmi la foule en mouvement, je finis par croiser son regard mais me détourne immédiatement, relevant finalement les yeux pour le dévisager longuement. Bien sûr, il m'observe aussi. Il faut dire que je suis coiffée, maquillée à la perfection, n'ayant aucune hésitation quant à mon rôle à interpréter. Puisque si je dois choisir entre elle et eux...
Ce sera toujours toi, maman.
Ma boisson à la main, je poursuis mon chemin dans sa direction, m'installant à proximité. Vous avez compris l'idée, n'est-ce pas ? Je suis une femme. Isolée. Donc après avoir repoussé trois hommes non mentionnés sur la liste des personnes à abattre, tandis que le dernier s'est attardé jusqu'à ce que je le menace d'appeler un videur, la victime s'empresse de me rejoindre.
— Une créature comme vous ne devrait pas être seule, chuchote-t-il à mon oreille pendant que je feins le ravissement.
On me l'a déjà faite, celle-là.
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Après la pluie
RomanceAyant vécu une enfance teintée de galères, Charlie n'a nullement ménagé ses efforts afin de mettre sa vie sur les rails de la sérénité. Aspirant à un futur fait de bonheurs simples, elle voit son rêve voler en éclats d'un seul coup de téléphone. « D...