Une fois encore je n'aurais pas hésité, voyez-vous. Je ferais n'importe quoi puisqu'elle est tout ce qu'il me reste. Celle me faisant tenir, rêvant à la liberté. Nos retrouvailles. Mais alors que je vends mon âme au petit frère du diable en désespoir de cause, la lumière des phares d'une autre voiture fait dévier mon attention. Retenant mon souffle, laissant mes bras retomber le long de mon corps sans retenir un nouveau gémissement, je réalise qu'un taxi vient de s'arrêter devant son domicile. Expulsant un sanglot, perdant définitivement le contrôle de ma respiration, je la regarde en sortir à la hâte, un sac en papier à la main.
Oh. Mon. Dieu.
Oubliant la présence de Luke, je me précipite contre la vitre dans le but de mieux la voir, laissant un soupir douloureux m'échapper maintenant que je comprends qu'elle est indemne. En bonne santé. Vivante. Juste là, tellement près mais pourtant si loin. Inaccessible. Battant des cils pour tenter de juguler le flot de larmes s'écoulant en continu, je l'observe s'affairer à l'intérieur, m'offrant la raison de son impossibilité à décrocher.
— Elle est la destinataire de ces appels, déclare Luke d'un ton redevenu neutre pendant qu'elle déballe nerveusement un nouveau téléphone.
Assimilant que je suis littéralement montée sur ses genoux pour accéder à la fenêtre côté conducteur, je déglutis lentement, commençant à reculer pour rejoindre l'autre siège. Sauf qu'il attrape mon coude avant que je ne m'éloigne, glissant ses doigts dans le col de mon manteau pour tirer sur mon collier. Figée, je n'essaye pas de l'en empêcher lorsqu'il attrape mon pendentif, l'ouvre et contemple la photo de mariage de mes parents. Leurs sourires heureux. Cet amour les auréolant. Ce bonheur mort il y a longtemps ne cessant de m'apporter du réconfort malgré tout. Ce bijou qu'elle n'avait jamais arrêté de porter, maman l'a mis dans ma main en embrassant mon front lors de nos adieux sous la mine indifférente de Peter. Finalement son regard remonte pour retrouver le mien, me scrutant un instant avant de dévier vers la maison. Elle est désormais à la fenêtre dans une posture brisant mon cœur. En pleurs, elle a son téléphone neuf entre ses doigts crispés, l'attention dardée sur l'Audi aux vitres teintées. Quand l'une de ses paumes se lève pour rejoindre le verre, je m'avance impulsivement en effectuant le même geste, si proche mais pourtant tellement éloignée. Hors de portée.
— Ta mère, lâche-t-il en rompant le silence, me faisant sursauter et reculer jusqu'à rencontrer la portière passager.
Ce n'est nullement une question, juste un constat énoncé d'une voix impassible que je jurerais teintée d'incrédulité. Et maintenant que j'essuie nerveusement mes joues mouillées, il se penche sur moi en fronçant les sourcils, avance sa main jusqu'à effleurer ma pommette, puis se ravise, serrant son poing avant de se carrer dans son siège sans rompre notre connexion visuelle.
Que vas-tu faire pour me punir de cette incartade ?
Comment Peter va-t-il réagir en l'apprenant ? Comprendra-t-il ? Je n'ai jamais fait le moindre écart concernant cet ordre de ne pas chercher à la contacter, quand bien même est-ce insupportable.
— Quelle est ta véritable histoire, Charlie Alvarez ? demande-t-il en mettant le contact.
Une autre que celle que tu avais imaginée, je suppose. Toutefois...
— Il n'y a qu'une personne habilitée à te répondre, chuchoté-je, me détournant afin de me murer dans un silence qu'il partage.
Fermant les paupières pour résister à la folie d'essayer d'aller la rejoindre, je remonte mes jambes – encore sur ses sièges en cuir, oui – enfouissant mon visage entre mes bras jusqu'à ce que le véhicule s'immobilise pour de bon. Me redressant lentement, vide de toute énergie, je suis saisie par le coude avant même d'être sortie.
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Après la pluie
RomanceAyant vécu une enfance teintée de galères, Charlie n'a nullement ménagé ses efforts afin de mettre sa vie sur les rails de la sérénité. Aspirant à un futur fait de bonheurs simples, elle voit son rêve voler en éclats d'un seul coup de téléphone. « D...