Sachez que je me suis retenue de pleurer davantage. D'une part il n'en vaut pas la peine et de l'autre, je me refusais à faire preuve de faiblesse en me présentant à la soirée dans un état lamentable. Puisque lorsque des larmes s'en échappent, mes yeux restent rouges des heures durant.
Hors de question.
Les poings serrés, forçant une inspiration aussi lente que profonde, j'ai laissé l'eau tiède ruisseler sur ma peau jusqu'à ce que je parvienne à me ressaisir. Que ma respiration se normalise. Je sais faire semblant, de toute façon. J'ai appris, dans l'antre de Lucifer. La gorge cependant toujours nouée, je me suis crémée avec soin, songeant un instant à ses mots au sujet de mon parfum avant de les chasser.
Ça pourrait être pire.
Es-tu sûre, Charlie ?
Certaine. J'aurais pu aller trop loin, être rongée par le regret.
In fine, le souvenir de mon père m'aura préservée. Sauvée. Car si mon âme est meurtrie en l'état actuel des choses, je suis néanmoins soulagée de n'avoir accordé à Luke plus de pouvoir pour la blesser. Piétiner. Broyer. Anéantir. Il a cependant eu la décence de quitter les lieux sans rien ajouter et j'ai suffisamment traîné dans la salle de bain afin d'être sûre qu'il serait à la réception lorsque j'en sortirais. Non. Que dis-je ? Soyons clair que je n'ai nullement perdu mon temps, là-dedans, me préparant avec une application jamais égalée. Après avoir natté mes cheveux sur le côté avec un ruban blanc, j'ai réalisé un maquillage léger mettant en valeur mes yeux, rehaussant mes pommettes ainsi que mes lèvres d'un rose frais éclairant mon teint nouvellement doré. Imaginant Mia s'extasiant à mes côtés, j'ai opté pour une longue et vaporeuse jupe bleue marine en mousseline de soie faisant ressortir la couleur de mes iris, l'accompagnant d'un débardeur de coton blanc aux bretelles tressées. Me chaussant d'une fine paire de sandales dorées, j'ai fait l'impasse sur les bijoux. Satisfaite, j'ai pris quelques secondes pour me jauger dans le miroir, en profitant pour me parer de l'indifférence dont j'allais avoir besoin pour affronter la suite. Le revoir. Faire face. Laissant les éclats de mon cœur brisé dans ma chambre, j'ai épinglé un sourire ingénu sur mon visage, sortant en feignant la légèreté. Celle de l'assistante heureuse du travail accompli. De la jeune femme envoyée en vacances au paradis par le diable.
Il y a pourtant du soleil ici, papa.
Oliver et Luke se partageaient estrade ainsi que discours lors de mon entrée, me remarquant immédiatement malgré tout. Arrêtée sur le seuil – derrière la foule amassée devant eux – j'ai laissé mes lèvres s'étendre davantage à l'attention du premier, ignorant délibérément l'autre avant de commander un verre d'eau pétillante au bar. Cependant, être au milieu d'une cohue m'ayant toujours paru inconfortable, j'ai tôt fait de m'éclipser au calme dans une pièce adjacente. Ma préférée de l'hôtel, pour tout vous dire. Celle où trône un piano avec vue sur la mer. Un écrin d'intimité et de charme. Laissant mes doigts glisser sur les touches, je n'ai su résister, posant ma boisson pour m'installer. Impulsivement, je commence à jouer « Monday » – de Ludovico Einaudi – me rappelant que ces notes sont celles ayant précédées ma rencontre avec lui. Fermant les paupières, je me remémore cette improbable scène. Mon audace. Sa suffisance.
Notre arrogance.
Ma folie. Son intérêt.
Notre attirance.
Mon incitation. Sa réaction.
Notre désir.
Ma langueur. Son rejet.
Notre jeu.
Mes. Défaites.
Fronçant le nez et bien que cela soit stupide, je souhaite de toutes mes forces pouvoir revenir à ce jour, recommencer différemment. Rester à distance. Me présenter directement. Comment notre relation aurait-elle tournée si je n'avais eu la déplorable idée d'endosser un rôle ?
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Après la pluie
RomanceAyant vécu une enfance teintée de galères, Charlie n'a nullement ménagé ses efforts afin de mettre sa vie sur les rails de la sérénité. Aspirant à un futur fait de bonheurs simples, elle voit son rêve voler en éclats d'un seul coup de téléphone. « D...