Grosse dispute

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Buck devenait fou enfermé ici.

Ce n'était pas comme ça qu'il voulait vivre ses derniers jours. Il aurait préféré être loin, très loin dans un pays où les gens l'auraient laissé mourir sans revenir sur sa décision.

Il zappait en cherchant quelque chose à regarder, qui lui ferait oublier pour quelques instants où il se trouvait et pourquoi. Il aurait préféré être à la maison, à dormir dans les bras d'Eddie, encore quelques nuits, avant de s'éteindre. Mais Eddie lui avait mentit.

Encore.

Il avait l'impression qu'il ne faisait que ça de lui mentir, que leur relation, que leur amour même était basé sur un foutu mensonge et ça Buck avait dû mal à l'accepter.

Il revint en arrière lorsqu'il vit un visage connu et s'arrêta sur l'image de Taylor Kelly, une journaliste avec laquelle il avait eu une aventure. Buck y avait mis fin lorsqu'il s'était rendu compte qu'il n'était pour elle qu'un sex-friend.

Il monta le son de la télévision.

« Il se trouve dans l'hôpital, qui est derrière moi. C'est un pompier courageux qui m'a sauvé la vie à moi aussi et je viens de faire un test de compatibilité. Même mon cameraman en a fait un et nous attendons les résultats, en espérant être compatible pour cette greffe. »

Buck se redressa dans son lit.

Ses yeux n'avaient de cesse de relire l'intitulé du reportage sous la jeune femme et il avait du mal à comprendre ce qui se passait.

« Alors si comme nous, vous avez été sauvé par les membres de l'unité de pompiers 118, par le pompier Evan Buckley, venez faire un test de compatibilité à l'hôpital. Ce ne sont que cinq minutes de votre temps mais peut-être que vous pourrez sauver une vie. Sa vie. »

Buck était figé.

Comment avait-elle pu apprendre ça ? Qu'est-ce qu'elle était en train de faire ? De quel droit affichait-elle son état de santé à la télévision ? Les larmes de rage roulèrent sur ses joues.

Maintenant toute la ville était au courant de sa maladie.

Lui, qui s'était évertué à le cacher, qui voulait mourir dans un recoin sombre de la planète, allait s'étreindre en pleine lumière sous les regards d'inconnus qui allaient se régaler de sa fin prématurée.

Oh quel drame un pompier si jeune !

Putain mais laissez-moi mourir en paix !

Il attrapa son téléphone et composa son numéro.

Il bascula sur messagerie et il fulmina de sa lâcheté. Elle n'avait même pas le courage de l'affronter, d'assumer ses bêtises.

– Taylor, je te conseille d'arrêter ça tout de suite, lâcha-t-il sur sa messagerie. C'est ma vie, mon problème, arrête de raconter ça à toute la ville.

Comment avait-elle pu apprendre pour lui d'ailleurs ? Ils n'étaient plus en contact depuis des lustres.

Eddie !

Il raccrocha fou de rage.

Il allait l'entendre.

Il se dégagea des draps et arracha sa perfusion. Il se redressa précautionneusement pour ne pas chanceler. Ça faisait un moment qu'il n'avait pas marché. Il sentit une douleur poindre dans son bas-ventre mais il ferait avec.

Il sortit de sa chambre, légèrement boiteux.

Il se dirigea tout droit vers la salle d'attente. Il savait qu'il était là. Il n'en bougeait plus depuis une semaine. Tant mieux, il avait des comptes à régler avec lui.

– Toi, rugit-il le faisant sursauter.

– Buck ? Tu devrais être allongé, s'inquiéta-t-il.

– Ne fais pas ça, gronda-t-il. Comment t'as pu me faire ça ? Comment t'as pu prévenir Taylor ?

– J'essaie juste de te sauver, plaida-t-il.

– En racontant à toute la ville que je suis malade ? Tu n'avais pas le droit.

– Buck, s'il te plait...

– Et puis qui te dit que je veux être sauvé ?

– Ne dis pas de bêtises !

Buck était vraiment fou de rage.

Il se passa la main dans les cheveux en secouant la tête. Il était si en colère contre lui et pourtant il avait seulement envie de le prendre dans ses bras, de le serrer contre lui, de l'embrasser aussi.

Mais il ne devait pas craquer maintenant.

Eddie devait le laisser partir, penser qu'il ne l'aimait plus pour survivre. Leur relation, leur amour de dix ans était trop fusionnel pour qu'Eddie puisse un jour s'en remettre. Sauf si Buck mettait le temps qui lui restait à se faire détester.

Et c'était ce qu'il essayait de faire mais Eddie tenait bon.

C'était un coriace.

– Pourquoi tu n'acceptes pas ?

– Parce que je ne suis pas prêt, pleura-t-il. Je refuse de te perdre.

– Parce que tu crois que je suis prêt moi ? Parce que tu crois que j'ai envie de mourir maintenant ?

– Buck...

– Arrête d'essayer de me sauver, c'est perdu d'avance.

– Peut-être pas...

– T'es cruel, lui reprocha-t-il.

– Pourquoi tu dis ça ? Je veux juste t'aider.

– Me donner de l'espoir en sachant que de toute façon, c'est foutu, t'appelle ça comment ?

– Je ne baisserai pas les bras et tu n'as pas le droit de le faire non plus.

– Pourquoi tu t'accroches autant ? Pourquoi tu ne me laisse pas partir ?

– Parce que je t'aime.

– Et pourtant tu m'as mentis, tu n'as fait que me mentir, encore et encore tout le long de notre relation.

– Non, souffla-t-il. Bien sûr que non.

– Sors de ma vie ou de ce qu'il en reste.

Buck tourna les talons.

Il essaya de continuer d'ignorer la douleur mais elle lui perçait le ventre. Il avança encore de deux pas et dû se maintenir au mur lorsque l'étourdissement devint trop sévère.

– Buck ! l'appela Eddie en venant l'aider.

– Laisse-moi tranquille, lâcha-t-il le souffle court. Je ne t'aime plus, Eddie.

Eddie le relâcha, choqué.

Et ce mensonge qu'il venait de lui sortir lui fit autant de mal qu'à lui mais Eddie devait lâcher prise, il devait s'éloigner maintenant. Buck fit un pas supplémentaire avant que ses jambes ne le lâchent et il sentit Eddie à ses côtés.

Il l'entendit hurler à l'aide.

Putain, même le protéger il ne savait pas faire. Il avait quoi ? Dix pas supplémentaires à faire avant de s'écrouler et de mourir à l'abri des regards ? Non, même ça il en était incapable.

Il fallait qu'il meure dans ce putain de couloir

– Ne me lâche pas, le supplia-t-il.

Buck eut le réflexe de tourner la tête lorsque la nausée le submergea et il régurgita le vide de son estomac sur le sol de l'hôpital.

C'était douloureux, vraiment douloureux.

Il eut le temps de voir qu'il vomissait du sang. Du sang presque noir, avant de perdre connaissance dans les bras de l'homme qu'il aimait plus que tout au monde.

9-1-1 - Je te prometsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant