Le malaise

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Un mois.

Ça faisait un mois que Buck était en couple avec ce connard. Eddie devenait dingue de le savoir avec lui.

Buck semblait épanoui, presque heureux.

Et Eddie fulminait de le savoir avec un autre homme que lui. Il n'était pas fait pour lui et de les imaginer ensemble en train de...

Ça le rendait malade.

Il ne supportait pas l'idée qu'il puisse le toucher, l'embrasser. Il refusait de les voir ensemble et c'était pour ça qu'il refusait toutes les invitations de Buck à rencontrer son petit-ami, officiellement. C'était bien trop dur et il en voulait à Buck de ne pas avoir tenu sa promesse de passer toujours autant de temps avec lui, avec eux.

Il le comprenait, il avait un petit-ami maintenant, il devait passer du temps avec lui mais il ne l'acceptait pas.

Et c'était pour ça que depuis un mois, il avait trouvé un défouloir.

Il cognait des inconnus dans des combats clandestins, organisés par des mecs louches. Eddie s'en fichait qu'ils ne soient pas net. Du moment qu'il pouvait venir frapper des mecs qu'il imaginait être cet enfoiré de Miguel, ça lui allait.

Il venait de mettre un grand type, deux fois plus costaud que lui, au tapis et ça lui avait fait du bien de se battre contre lui, de lui donner des coups mais aussi d'en recevoir.

C'était comme s'il se punissait lui-même d'avoir commis autant d'erreurs, d'avoir perdu l'homme qu'il aimait au profit d'un autre. Finalement, c'était lui, c'était son putain de comportement contradictoire, qui avait poussé Buck dans les bras de ce type.

C'était de sa propre faute s'il était malheureux.

- Ta paie, lui lâcha l'organisateur en lui tendant une enveloppe pleine de billets.

- C'est mon jour de chance, affirma Eddie en la récupérant.

- Les gens ont parié contre toi. Et personne n'a vu venir ton sacré crochet du droit.

- Soumission ou KO, lui rappela-t-il. Ce sont tes règles.

Eddie enfila son t-shirt.

Il grimaça quand ses côtes le rappelèrent à l'ordre. Il avait pris l'habitude de laisser ses adversaires le frapper au début du combat. Il voulait souffrir, se punir et ce gars lui en avait fait baver, avant qu'il ne l'envoie au tapis.

Mais il ferait avec.

- Je peux revenir quand ? s'enquit-il.

Il en avait besoin.

C'était devenu vital. Temps que Buck resterait loin de lui, inaccessible à cause de ses conneries, alors il se punirait.

- T'aime ça en fait ! lâcha l'organisateur.

- Bah, ça fait pas de mal, admit-il en rangeant son argent. Une amie m'a dit de trouver un truc pour me défouler. Je pense que je l'ai trouvé.

- Et bien si t'as besoin de te défouler vendredi soir, je te mets en première partie.

- Vendu, répondit-il. Et j'ai envie de dire « enfin » !

- Hey, le reprit-il. Soumission ou KO, ça vaut pour toi aussi.

Eddie calma sa colère.

Si ce type le foutait dehors parce qu'il ne le respectait pas, il n'aurait plus de moyen de se défouler.

- Ouais, confirma-t-il. À plus.

Il quitta le site et rentra tout droit jusqu'à chez lui.

Quand il arriva, il vit immédiatement le regard réprobateur que lui lança Carla et il détourna les yeux. Il embrassa son fils et raccompagna son amie jusqu'à la porte.

- Alors, c'est tout ? lui demanda-t-elle. Vous n'allez pas me dire ce qui se passe ?

- Il ne se passe rien.

- Donc les bleus sur votre mâchoire sont apparus comme par magie.

- Je n'ai pas besoin d'une leçon de morale, la prévint-il.

- Oh mais bien sûr que si, trancha-t-elle. Mais ce n'est pas à moi de m'en charger. Eddie, je m'inquiète pour vous, parce que si quelque chose cloche chez vous, alors ça va forcément affecter cet ange dans la pièce d'à côté. Et ça, je refuse que ça arrive.

Eddie eut du mal à retenir ses larmes.

Il se laissa aller contre le mur et ferma les yeux. Il était tellement fatigué de tout ça, il en avait tellement marre de souffrir, de s'infliger cette torture, jour après jour, il voulait juste que ça s'arrête.

- Qu'est-ce qui se passe ? lui demanda Carla en posant une main sur son bras.

- Je suis en train de perdre pieds, admit-il. La mort de Shannon, l'accident de Buck, le tsunami, je... Je ne sais plus très bien où j'en suis mais... Je vais me reprendre.

- Il le faut Eddie mais... vous avez le droit de pleurer.

- Je ne peux pas me laisser aller.

- Il le faut pourtant, répéta-t-elle. Vous en avez clairement besoin.

- Je ne dois pas, résista-t-il en se redressant. Je dois rester fort, pour Chris.

Et c'était tellement difficile.

La mort de Shannon avait été compliquée à gérer. Il ne savait même pas pourquoi ils s'étaient remis ensemble tous les deux.

Quand il avait atterrit à la 118, quand il avait reconnu Buck, il n'y avait pas cru au début. Puis, il s'était sentit envahit pas l'euphorie. Après huit années, il était parvenu à retrouver sa trace, il allait enfin pouvoir mettre un terme à ces sentiments qui le rongeaient, qui avaient détruit son mariage.

Mais il était retombé amoureux de lui en un clin d'œil et finalement c'était peut-être pour ça qu'il avait fait revenir Shannon dans sa vie. Il s'était servi d'elle au final. Il n'était qu'un putain de connard hypocrite.

- Vous avez besoin de tourner la page, affirma Carla.

- Ce n'est pas si facile.

- Ce n'est pas si difficile, affirma-t-elle avec un sourire. Il suffit d'écouter votre cœur.

C'était bien à cause de son cœur qu'il en était là.

Il en crevait de savoir Buck entre les bras d'un autre. Sa jalousie le consumait. Il faisait de son mieux pour se rapprocher de lui et les quelques soirées qu'ils passaient ensemble l'apaisaient.

Il se montrait avenant, disponible et il parvenait toujours à engrainer le jeune homme sur un terrain miné mais Buck était passé maître dans l'art de revenir sur les sentiers battus.

Carla effectua une pression sur son épaule et quitta la maison.

Eddie ravala ses larmes. Il se redressa en se passant la main sur les côtes. Il se figea quelques instants chassant l'étourdissement. Il devait avoir une ou deux côtes de fêlées. Il allait devoir faire attention à ses mouvements les dix prochains jours le temps qu'elles se re-solidarisent.

Il revint vers son fils et lui fit un petit sourire en coin.

- C'est l'heure bonhomme, murmura-t-il.

- Je peux dormir sur le canapé ?

- Tu serais mieux dans ton lit non ?

- Mais ici je peux faire une tente avec mon drap, lui sourit-il.

- D'accord, céda-t-il avec le sourire.

Il se dirigea vers la chambre de son fils et récupéra ses draps et ses couvertures.

Il chancela et dû poser un genou sur le sol, en se maintenant au lit. Il se força à respirer plus calmement afin d'apaiser la douleur. Il voulut se redresser mais tomba sur le sol. La douleur le transperça et il lutta autant qu'il le pouvait pour garder conscience.

Il attrapa son téléphone dans sa poche dans l'espoir d'appeler à l'aide mais il perdit connaissance avant d'avoir pu composer un numéro.

9-1-1 - Je te prometsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant