Chapitre 18

1.3K 142 26
                                    

Après un dernier accrochage avec quelques personnes, j'ai finalement prit la sage décision de rentrer chez moi.

Ma main tâtonne sur le mur à la recherche de l'interrupteur tandis que j'essaye de défaire mes lacets avec l'autre ce qui me demande d'ailleurs un équilibre parfait.

La lumière enfin allumée, j'avance dans ma cuisine ouverte sur mon salon et me sers un énorme verre d'eau en dénouant légèrement la cravate qui a failli m'étrangler toute la soirée tout en m'effondrant sur mon canapé.

J'ai eu énormément de temps pour imaginer nos retrouvailles, ce qu'il pourrait me dire, les regards qu'il me lancerait ou bien même ce que mon corps pourrait me faire ressentir en sa présence.

Des centaines de scénarios étaient déjà planifiés dans ma tête et pourtant, à la seule vue d'Haru, je n'ai pas su faire le moindre geste pour l'empêcher de m'approcher.

J'ai tout fait assez soigneusement pour qu'il me déteste que ce soit les mots choisis pour le blesser ou bien mes voyages répétés mais maintenant que son regard est gravé dans ma mémoire, c'est comme si le fruit de mon travail acharné était en train de pourrir dans ma poitrine.

J'ai l'impression que tout mon être pourrit en réalité, que rien ne me retient en vie. Après tout, je suis le fils mal-aimé d'un homme obsédé par l'argent et le pouvoir, le frère d'un pervers aux tendances incestueuses et l'ennemi du futur empereur.

Je sais bien que ce ne sont que des titres, qu'au-delà de ça je suis censé être une "personne" qui vit et mérite de vivre, une personne qui a ses propres passions, ses propres défauts et dont chacun des choix a permis de faire d'elle un être unique.

Mais je ne le suis pas, loin de là.

J'ai passé mon temps à vivre et agir en fonction de ceux qui m'entouraient, dés mon tout jeune âge d'ailleurs.

J'ai commencé en primaire lorsque mes camarades me questionnaient sur mon deuxième parent disparu, je ne savais pas quoi répondre alors je me contentais de sourire en disant que je le voyais souvent alors que je ne connais même pas son visage ni son nom.

Puis au collège, les remarques sur le physique commencent à pleuvoir et je n'avais d'autres choix que de me plier à elles.

Mes cheveux étaient à la fois jamais assez longs  et toujours trop, voilà l'un des milliers d'exemples que je pourrais citer.

Alors j'ai appris à en rire, faire croire que je partageais leur façon de m'humilier et de me pointer du doigt.

Mais je retenais chacune de leur phrase, la laissant me poignarder assez fort pour me faire culpabiliser de choses que je ne contrôle même pas.

Avec le temps, mon père s'est mit à me reprocher toute sorte de choses lui aussi, en commençant par ma naissance ce qui est assez drôle en sachant que c'est lui qui m'a foutu sur cette Terre.

Et finalement, on m'a fait culpabiliser d'être moi jusqu'à ce que j'en vienne à m'excuser d'être qui je suis sans vraiment savoir ce que cela signifiait réellement.

Je ne sais toujours pas si je m'excuse d'être un oméga, un fils, un frère, un camarade, je ne sais pas.. je suis juste Kaori mais je ne sais même pas ce que cela signifie.

Après tout Haru a raison, la seule chose qui me définit est mon travail et n'importe quel polyglotte pourrait me remplacer.

Il m'arrive parfois de me demander si la présence de ma mère aurait pu changer les choses.

À entendre mon père, elle est partie en emportant tout sur son passage alors pourquoi m'a-t-elle laissé et pourquoi lui ne voit pas que je suis encore là ?

D'une certaine manière, j'ai toujours sur me faire oublier, même par mes parents visiblement, être transparent et pourtant, j'ai beau essayé de l'être à ses yeux depuis tant d'années, Haru ne semble pas vouloir effacer nos souvenirs.

J'ai l'impression de ne rien savoir, de ne rien comprendre. Je ne me connais même pas après tout.

Je ne saurais pas vous citer une seule chose que j'apprécie ni une seule que je déteste.

Je n'ai aucun film ni genre musical préféré et cela sans parler de mon ignorance total dans tous les autres sujets classiques qui créent la personnalité de quelqu'un.

Je ne comprends pas non plus ce que je ressens, si la compression de mon organe à la vue d'Haru traduit un manque profond ou bien une rancoeur partagée, si mes jambes tremblaient de peur ou de stress, s'il me manque à mourir ou si j'ai envie de le tuer.. je n'en ai aucune idée.

Je ne peux faire confiance à personne visiblement, même pas à mes propres sentiments.

Je ne sais pas ce qui bloque au fond de moi, ce qui me rend la vie si dure mais s'il y a une chose dont je suis sûr c'est que mon corps a gardé en mémoire chacun des souvenirs, des paroles ou des gestes de celui que je suis censé détester.

Et il semble prendre un malin plaisir à se tordre en douleur pour me rappeler que cela fait des années que je ne semble pas vouloir l'écouter et me libérer de ce poids horrible qui m'oppresse et me comprime sans arrêt.

Finalement, il se pourrait que je ne sois qu'un lâche incapable de se comprendre lui-même à force d'avoir négligé ce qu'il ressentait en commençant par ses peines.

Je suis devenu ceux dont j'ai un jour méprisé ce que je pensais être de la faiblesse mais qui n'est en réalité qu'un énorme appel à l'aide.

En comprenant cela, j'en ai voulu à l'univers tout entier de m'avoir délaissé et fait souffrir mais je devais surtout m'en vouloir à moi-même, seulement à moi-même..

L'humain est si complexe que ses propres sentiments peuvent le détruire, et leur absence tout autant...

Je soupire longuement en me rendant compte qu'encore une fois, je me suis perdu dans mes pensées que j'essaye de fuir pourtant elles arrivent toujours à me rattraper.

Et ce soir à nouveau, je me retrouve recroquevillé dans ma douche sans trop savoir comment j'ai atterri là, ses sales pensées en tête et mes vêtements toujours sur moi tandis que l'eau gelée se mélange à mes larmes brûlantes.

Désolé d'être moi.

Aime-moi autant que je te haisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant