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Les yeux dans le vide, je tenais péniblement mon menton avec la paume de ma main pour éviter de laisser tomber ma tête sur la caisse devant moi. J'savais qu'en emménageant chez mamie, elle allait me faire travailler dur pour que j'lui vienne en aide mais finir caissier dans l'supermarché du coin, c'était la honte.
J'avais pas dit à mes potes que j'taffais là, pas envie qu'ils arrivent en bande pour se foutre de ma gueule devant mon responsable. J'devais garder ce travail pour arrondir les fins de mois de ma grand-mère qui m'avait directement pris sous son aile quand je lui avais dit qu'on m'avait jeté de chez moi.
J'avais bien évidemment pas précisé que l'une des raisons qui avait poussé ma mère à me faire dégager était parce-qu'elle était tombée sur un pochon pas très légal, sinon mamie m'laisserait même pas dormir sur son paillasson tellement elle serait dég de moi. Et y avait de quoi aussi.
- Bonsoir. je sursautais en entendant le bruit d'un truc qu'on jetait sur le tapis roulant à ma gauche et me redressais d'un bond, dévisageant la nana qui s'cachait derrière une paire de lunettes de soleil.
- Bonsoir. répondais-je d'une voix grave en faisant genre de ne pas avoir eu peur.
Mais à la vue du sourire en coin de cette meuf, j'devinais que c'était peine perdue.
- Pièce d'identité s'te plaît. décrétais-je après avoir passé tous les articles au scan, gardant près de moi le pack de bière contre moi.
- Pourquoi faire ? me demandait-elle limite de manière agressive.
- On vend pas d'alcools aux mineurs ici, c'est écrit. je pointais du menton la petite pancarte collée devant ma caisse qui l'démontrait.
- D'habitude à cette heure-ci, c'est pas toi qui est à la caisse, l'autre gars me laisse toujours passer.
- P't-être mais là c'est moi donc pièce d'identité.
- J'rêve ou tu vas m'empêcher de payer ma boisson ? rigolait-elle en me dévisageant.
- Nan tu rêves pas. J'ai un taff à garder, j'veux pas avoir de problèmes parce-qu'une p'tite conne dans ton genre s'amuse à donner des sueurs froides à papa et maman. les sourcils parfaitement épilés de la brune face à moi se haussait avant qu'un sourire espiègle ne se peigne sur son visage.
- Papa, maman ? répétait-elle en croisant ses bras sous sa poitrine. Ce que tu sais pas, p'tit con, c'est qu'au-delà d'une certaine heure, les caméras de surveillance ne sont plus en fonctionnement, pour qu'elles puissent se recharger. Donc personne ne le saura qu'une pauvre petite fille du seizième est venue se ravitailler dans le trou du cul du monde.
- Y avait plus rien à boire dans le buffet d'tes darons ? crachais-je en dévisageant le billet d'vingt qu'elle m'tendait. C'est pas ta carte d'identité ça.
