LINGUÈRE DIAW LOPEZ

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     Se sentir comblé.
  Je ne sais pas ce que c'est.
       Étant petite, c'était de recevoir la dernière poupée qui était tendance. Étant ado, le dernier téléphone ou les derniers habits.
Mais lorsqu'on grandit, l'objet de nos désirs change. Certains scientifiques diront que l'homme est juste un éternel insatisfait. Peut-être.

       Je possède tout ce qu'une personne désire dans ce monde. L'argent. Le pouvoir. La gloire. Une famille parfaite.
       Alors pourquoi est-ce que ce poids qui pèse mon âme ne peut-il pas s'envoler ? Pourquoi est-ce que je suis debout à deux heures du matin à penser ? Pourquoi ne puis-je pas tout simplement oublier et être heureuse ? Pourquoi est-ce que je me sens si vide alors que je suis si entourée ?

       Je m'assois sur le lit et prends les cachets que je prépare au préalable pour chaque nuit. Je m'allonge sur le lit et fixe le plafond. Les images qui défilent dans ma tête créent une bille amère au fond de ma gorge. Au nom de ces nuits d'insomnie, ces larmes, cette solitude, cette rage, je le jure, je te le ferai payer Nasir Mbaye. Je te ferai payer tout ce que tu m'as fait.

*
* *

— Madame Lopez, notre entreprise est la première société d'exploitation et de raffinage du pétrole au Sénégal et cinquième en Afrique, alors je pense que nous pouvons être fier de notre travail acharné durant cette année, dit un des associés de l'entreprise.

— Alors vous allez vous contenter de cela ? lui demandais-je.

— Pardon ? Je ne comprends pas...

— Ma mère a créé cette entreprise, seule, elle l'a construite dans un monde où si tu n'es pas un homme personne ne reconnaîtra ta valeur. Elle a dédié sa vie à cette entreprise et vous, voulez vous contenter d'être seulement cinquième en Afrique ! lui crachais-je.

— Ce... ce n'est pas ce que je voulais dire, nous sommes premier au Sénégal, ce n'est pas rien, rajoute-t-il.

— Cela ne me surprend pas que vous soyez autant satisfait, lorsque l'entreprise tombait en faillite et croulait sous les dettes vous n'avez pas daigné lever le petit doigt, c'est moi qui me suis débrouillée pour la remettre sur pieds alors non, je ne vais pas me contenter d'être cinquième sur le marché.

— Évidemment Madame Lopez, souffle-t-il, les yeux baissés.

— Passons, nous avons conclu un important marché avec l'Arabie Saoudite pour une exploitation de leurs gisements alors je veux des équipes qui s'y rendront pour tâter le terrain, ordonnais-je au reste de l'assemblée.

— Ce sera fait, répond le directeur des ressources humaines.

— Bien, alors vous pouvez disposer, leur intimais-je.

Tout le monde sort tandis qu' Ablaye entre, ce petit est le seul qui me soutient dans mon combat, mon petit soldat. Son père était un ami, un frère et la seule personne en qui j'avais confiance et il a été tué par ma faute. Ablaye lui ressemble tellement.

— Madame, vous m'avez demandé ? Me demande-t-il, droit comme une pique.

Ces années passées à l'armée l'ont bien forgé.

— Le ministre des affaires étrangères fait des siennes ces temps, je crois que je lui manque, dis-je, un sourire narquois qui n'a pu s'empêcher d'apparaître sur mon visage.

— Bien Madame, me dit-il comprenant le sous-entendu de ma phrase.

       Ce jeune homme de seulement vingt-six ans est devenu mon homme de confiance et mon garde du corps. Nous sommes animés par la même chose qui nous ronge jour et nuit: la haine. Mafaye, son père, m'aidait à chercher Nasir lorsqu'il a été mystérieusement assassiné dans une chambre d'hôtel en Côte d'Ivoire. Je suis sûre et certaine que cet enfoiré y est pour quelque chose.

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