LINGUÈRE DIAW LOPEZ

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          — Alors vous voulez dire que notre contrat avec le Nigéria ne tient plus ? demandais-je en jaugeant mes employés du regard.

          — Oui Madame.

          — Pourquoi ?

          — Ils ont pour alibi que nous les exploitons et que le pourcentage qu'ils perçoivent est trop minime, m'informe la directrice comptable.

       Ces connards de nigérians commencent vraiment à m'agacer. Qu'ils s'estiment heureux que je m'intéresse un minimum à eux.
      Mon téléphone sonne au même moment et voit le numéro de ma mère. Je décroche à la seconde.

          — Je suis en réunion maman, je te rappelle, dis-je simplement.

          — Je te jure que si tu raccroches ce téléphone, je vais te retrouver et te donner une bonne leçon, me crie ma mère à travers le combiné.

       Je lève automatiquement les yeux au ciel.

          — Linguère Diaw Lopez donne moi une bonne raison de ne pas être venue à la cérémonie de remise de diplômes de ta fille.

       Ça m'est sorti de l'esprit.

          — Notre contrat avec nos clients nigérians à été résilié, j'ai été occupée, dis-je d'un ton agacé.

          — Ces connards de nigérians peuvent attendre lorsque ta fille fête son diplôme. Franchement, c'est quoi un contrat quand on peut faire le bonheur de ses enfants ! me lance-t-elle, je veux que tu fasses quelque chose pour elle, je me fous de ce que c'est mais fais vite, ne me fait pas me répéter nak.

     Elle raccroche le téléphone sans attendre ma réponse. Elle sait ce que j'aime pas et ne se gêne pas pour le faire avec plaisir.
       Je lève les yeux vers mes employés et les associés qui me lançaient des regards perplexes.

          — C'est qui le chef de projet qui était en charge de ce marché ? Leur demandais-je.

       Une main se lève timidement d'un côté de la salle de réunion.

          — Moi madame, me dit-il.

          — Vous êtes viré, vous et votre équipe, je vais gérer le problème moi-même, lançais-je avant de prendre congé.

       Ablaye m'attend derrière la porte comme à son habitude.

          — Madame, j'ai commandé une voiture pour Khadija et aussi j'ai demandé aux domestiques de préparer à manger pour une trentaine de personnes pour recevoir des invités, m'informe-t-il.

        J'acquiesce avant d'entrer dans la voiture dont il me tenait la portière. Ce petit est tellement avenant que je n'ai même plus besoin de lui demander. Il se charge de tout. Comme son père le faisait.

          Nous roulons jusqu'à la maison. Arrivés, je trouve la maison décorée en bleu et dorée et les domestiques qui servent les invités qui étaient déjà arrivés.  Ces derniers se levaient pour me saluer et essayaient de brosser dans le sens du poil pour être dans mes bonnes grâces.

       Je me réfugie dans mon bureau et congédie Ablaye pour qu'il aille chercher Fatima dans sa nouvelle voiture, ce genre d'événement m'exaspère. C'est normal que ma fille soit major de sa promo.

                                     *
                             *              *

          — We're your only option for this, I give you three days to reconsider your decision, dis-je avant de raccrocher.

       Ces satanés nigérians.
Ablaye m'envoie un message au même moment m'informant de leur arrivée. Je descend donc les marches d'escaliers, résignée.
La taille des invités avait triplé, certains discutaient, d'autres se goinfraient sur le buffet mais tous s'étaient tus à mon arrivée. Je marche, tête haute, jusqu'à mon siège.

       Personne n'a daigné placer un mot depuis mon arrivée. Et je me délecte de cela.
       La porte s'ouvre sur Ablaye qui laisse entrer Fatima et Khadija. Toute l'assemblée crie en même temps: " SURPRISE"
       Ma fille semble émue, elle salue tous les invités avec le sourire avant d'arriver timidement devant moi.

          — Maman, j'ai réussi ! me dit-elle fièrement en me tendant ce qui semblait être son diplôme.

       Je la regarde quelques instants et lui dit:

          — Ne te réjouis pas trop, ce n'est que le début et tu as beaucoup de chemin à faire.
       Son sourire disparaît.

          — Oui Maman, me dit-elle timidement.
Je me lève pour prendre congé, ce genre de chose c'est son père qui devait s'en charger, c'est lui qui joue le parent modèle, moi je ne sais pas comment faire.

       Je pénètre dans mon havre de paix et m'appuie sur mon bureau puis prends une grande inspiration. La porte de mon bureau s'ouvre en grand laissant entrer ma cousine.

          — Alors là, je n'ai jamais vu une félicitation aussi lamentable de toute ma magnifique vie, me lance-t-elle en riant.

          — Je suis occupée Sofia.

          — Tu es tout le temps occupée de toute façon, dit-elle en s'asseyant, tu devrais être en bas à être heureuse pour ta fille.

— C'est le truc de Salif ce genre de chose, dis-je simplement en m'asseyant à mon tour.

— Faut croire ! Alors où est mon filleul préféré ? me demande-t-elle.

— Probablement en train de vider les bouteilles d'un bar.

— Attends, Linguère t'es sérieuse là ? Ton fils est je ne sais où à faire je ne sais quoi et toi ça t'es égal ? m'hurle-t-elle.

— C'est bon Sofia ! Épargne-moi ta leçon de morale, j'ai fait tout ce que je pouvais pour ce petit.

— Tout ce que tu pouvais ? Payer des sommes colossales pour des fichus cures de désintoxication ? C'est ça ?

— Sofia, écoute...

— Non toi écoute, je ne suis pas comme ces larbins qui te cirent les bottes, je suis ta meilleure amie et ta cousine et je vais te dire ce que tu as besoin d'entendre. Si tu continues à délaisser ta famille, tu finiras seule et crois-moi, la solitude est une putain connasse car elle n'est que le miroir de tes actes, me dit-elle.

— Dit la femme qui n'est pas capable de garder un homme plus de deux mois, tu n'as pas le droit de venir me juger alors que tu n'es pas fichue d'avoir ta propre famille, lui crachais-je.

Elle me regarde, les yeux grands ouverts, la mine blessée.

— Oui tu as raison, je n'ai pas eu la chance de me marier et d'avoir des enfants mais j'ai la chance d'avoir tes enfants qui t'appellent la reine et m'appelle maman, me crache-t-elle à son tour avant de sortir en claquant la porte.

J'ai envie de lui foutre mon poing dans sa gueule mais je ne peux pas et cela me met encore plus en colère. Sofia a toujours été comme cela, une excentrique frivole. Elle aime jouer aux ados et collectionne les hommes alors qu'elle a deux ans de plus que moi et devrait penser à trouver un foyer stable. Alors pourquoi je suis si jalouse d'elle ? Pourquoi je donnerai tout ce que j'ai pour avoir ce qu'elle a ? Peut-être que parce qu'elle vit au jour le jour ou parce qu'elle a su réussir là où j'ai échoué. Gagner le cœur de mes enfants.

LINGUÈREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant