NARRATEUR EXTERNE

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                          * 31 ans plus tôt *

     La dame essayait comme elle pouvait de réveiller la pauvre petite Linguère. Elle apporte de l'alcool et le met sous le nez de la jeune fille. Quelques secondes, elle commence à bouger avant d'ouvrir les yeux.
     Linguère reste immobile quelques instants, le temps de reprendre ses esprits. Les dernières minutes lui reviennent petit à petit. Elle lève les yeux vers la dame qui la scrutait d'un regard inquiet.

          — Où est mon enfant ? demande-t-elle désespérément.

          — Je suis tellement désolée mon enfant, dit la dame d'un air désolé.

       Linguère se redresse difficilement et pose ses yeux amandes sur la dame.

          — Où est mon enfant ? répète-t-elle.
    La dame ne lui répond pas et essaye de la prendre dans ses bras mais Linguère la pousse de toutes ses forces, elle tombe violemment sur le sol mais Linguère ne lui accorde aucune importance. Elle ne faisait que répéter sans cesse: " où est mon enfant ?".

     La dame se relève et revient vers elle.

          — Je sais que c'est difficile pour toi mais crois en Dieu, tout va s'arranger, dit-elle.

          — OÙ EST MON ENFANT ?, hurle Linguère.

     Cette dernière commence à s'agiter, elle balance tout ce qui était à portée de main sur le mur et criait frénétiquement la même phrase telle une hystérique.

     Elle n'avait jamais ressenti un vide pareil. Un gouffre qui l'engloutissement à chaque inspiration.
     Ce tout petit être a été sa raison de vivre ces huit derniers mois, il lui tenait compagnie lorsque Nasir rentrait tard ou pas du tout. Linguère se sentait idiote par moment se disant que c'était bête de discuter avec un fœtus mais elle n'avait jamais été autant écoutée et comblée.

     Mais maintenant tout ce qui lui reste, c'est la tristesse, une tristesse incommensurable, une tristesse dont elle ne connaissait pas l'existence.
      Linguère se tait soudainement, comme vidée. Elle avait le regard vide, les yeux vitreux et une expression impassible sur le visage. Elle était comme déconnectée de la réalité. Elle n'était plus là. Ce qui alarmait la dame qui l'a secouait et l'appelait inlassablement. Elle s'arrête la regarde en se demandant comment un homme pouvait faire ce genre d'ignominie à une enfant si belle et si jeune. La dame décide alors de lui laisser le temps de digérer et la laisse seule prenant la précaution d'emporter avec elle tous les objets tranchants.

Linguère, elle, réalisait petit à petit ce qui venait de lui arrivait. La tristesse laisse alors la place à la haine, l'amertume et la rancoeur, ces sentiments qui la hanteront durant des décennies.

      Elle a tout perdu, l'homme qu'elle aimait, son enfant, ses parents. Il ne lui reste plus rien. Nasir lui avait tout pris. Pourtant elle l'a aimé d'un amour si pur et si sincère que même Aphrodite en serait jalouse. Elle ne comprend pas ce qu'elle a fait mériter cela. La plus grande douleur pour une mère est de perdre son enfant. Alors imaginer perdre son enfant avant même de le connaître est impensable pour certains.

C'est comme si elle sentait les mains de Nasir étrangler son cœur, le presser encore, encore et plus fort. Elle avait mal mais pas mal comme d'habitude, elle avait désespérément mal.
Un mal qui remplace l'amour qu'elle ressentait en haine et la joie en peine.

"Je ne veux plus ressentir cela de toute ma vie" pense-t-elle. Elle se demande quand cela allait s'arrêter, quand ce vide sera comblé. Une question qui la tourmentera jusqu'à la fin.

LINGUÈREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant