KHADIJA

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     J'entre dans le restaurant le Lagon pour y retrouver Fatima, quoi de mieux qu'un brunch du dimanche pour se changer les idées, c'est pour moi un moyen de fuir la maison et Amath.

      Depuis l'incident à la boîte de nuit, je ne suis plus capable d'être dans la même pièce que lui ou même de le regarder dans les yeux, peut-être parce que j'ai honte ou parce que j'ai peur après l'avoir vu tabasser un homme à mort et d'avoir vu la noirceur qui émanait de ses yeux.
      Je la trouve assise dans le fond du restaurant, concentrée sur son téléphone, toujours à se faire toute petite pour ne pas se faire remarquer. Elle a toujours été comme ça discrète, calme et prête à se plier en quatre pour le bien des autres, malheureusement sa mère ne le voit pas de cet œil.
   Elle avait même déjà commandé mon plat préféré. Je lui touche l'épaule pour la faire sortir de sa léthargie.

          — Désolée, un problème au cabinet, me dit-elle en éteignant son téléphone.

   Je m'assoie et la regarde avec compassion.

          — C'est n'est pas facile d'être une Niane, je te comprends que trop bien, lui dis-je en souriant.

          — Comment ça va ? Tu m'as dit qu'un enfoiré a voulu abuser de toi, qu'est-ce qu'il s'est passé ?

          — C'était Khalil du bureau, il voulait me forcer mais Amath est arrivé à temps.

          — Pourquoi est-ce tu ne portes pas plainte Kadia ? reprend ma meilleure amie, hors d'elle, ce connard mérite de pourrir au fond d'une cellule.

          — Ce n'est pas la peine et en plus j'ai entendu dire qu'il avait fuit le pays, problème réglé, dis-je en haussant les épaules.

          — Ça a du te traumatiser, je suis désolée, le dit-elle.

          — Je vais bien Ima, c'est juste que je n'ai pas de chance en matière d'homme dans ma vie, mon père, ton frère et maintenant Khalil, lui dis-je en essayant de détendre l'atmosphère.

          — Alors là on est deux.

          — De quoi tu parles ?, ton père t'adore même si il n'est pratiquement jamais là et en plus tu as Ablaye qui ne vit que pour toi, je ne vois toujours pas pourquoi vous ne vous mettez pas ensemble, ça se voit à des kilomètres que vous vous kiffez, dis-je en la voyant baisser la tête.

          — Nous avons des priorités différentes, dit-elle avec un sourire triste.

          — C'est toi qui ne veux pas parce que tu appréhendes la réaction de Linguère, Ablaye était même prêt à fuir avec toi, si ça s'était pas mignon, la taquinais-je.

          — C'est le passé tout ça Kadia, je suis sûre que lui aussi est passé à autre chose, dit-elle en jouant avec ses doigts.

          — Tu dis ça parce que tu ne vois pas ce que moi je vois. C'est vrai qu'il a un petit problème pour exprimer ses sentiments mais je vois comment il te regarde quand tu entre dans son champ de vision et crois-moi j'aimerais que l'on me regarde de cette façon, la dernière personne qui me regardait comme ça c'était...

    Je me tais, ne pouvant pas terminer ma phrase.

          — C'était Cheikh, continue Fatima.

          — Oui.

          — Ça ne  doit pas être facile depuis qu'il est revenu.

          — Je le vis plutôt bien, je l'évite autant que je peux, dis-je en prenant une bouchée de mon plat.

LINGUÈREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant