LINGUÈRE

Je le regarde partir me laissant vide mais pleine de regrets. Mon expression reste impassible mais je meurs de douleur.

Je me retourne et vais dans mon bureau, claquant la porte. Ma robe me coupe l'air. J'enlève mes talons à la hâte, refoulant un sanglot. Je fais les cents pas.

Qu'ai-je fait ?
Mon Dieu, qu'ai-je fait !

     J'étais tellement aveuglée par ma vengeance que je n'ai pas vu à quel point mes enfants en souffraient.

    En voulant les endurcir pour qu'ils ne deviennent pas la personne naïve que j'étais, j'ai fait d'eux des âmes damnées.
J'ai eu tord.

    Une larme rebelle tombe sur ma joue, puis une autre, encore une autre et encore et encore , je les essuie rageusement, sentant mon estomac se tordre et ce qui reste de mon coeur s'éteindre.

La porte s'ouvre sur Sofia, elle accoure vers moi et me prend dans ses bras en sanglotant, m'étreignant douloureusement.

Je me détache d'elle, colérique. Je lui lance un regard noir.

— Je... je suis désolée Linguère, je voulais te le... te le dire mais... je... je, hoquette-t-elle.

— Tu aurais dû me le dire Sofia, tu aurais du me le dire qu'il n'allait pas bien, tu aurais dû me dire ce qu'il vivait, c'est mon enfant, MON ENFANT ! PERSONNE N'A LE DROIT DE FAIRE DU MAL À MON - ENFANT !

Elle me regarde tristement avant de hocher la tête.

— Je sais... je sais et je suis désolée, je suis vraiment désolée, murmure-t-elle avant de fondre en larmes.

Mon regard se radoucit.

— Merci, soufflais-je.

— Qu... quoi ?

— Tu as protégé Karim, tu as fait ce qu'il fallait et je t'en remercie.

Elle me sourit en hoquetant comme une enfant.

— C'est ce que ferait toute marraine. Maintenant, tu dois aller le chercher, me dit-elle.

          — Je crois que je suis la dernière personne qu'il ait envie de voir.

          — Va le voir et excuse-toi, montre-lui que tu es là maintenant, que tu es là pour lui.

          — Pas maintenant, il faut d'abord que je les protège.

          — De qui ? demande Sofia, le regard inquisiteur.

Le téléphone fixe sonne, Linguère va répondre sans hésiter.

— Ma chère reine, je t'appelais pour te remercier pour tous ces dons qui viennent de blanchir mon argent, je vois que ta communauté est très généreuse.

— Écoute, tu n'as vraiment pas choisi le bon jour pour tes conneries, crache Linguère.

— Wow wow wow tout doux, pourquoi tant d'hostilité ? Je voulais juste t'annoncer une magnifique idée qui propulsera ton entreprise au premier rang mondial. Dans deux jours, la plus importante de mes cargaisons amarrera sur les côtes de Dakar, alors je te demande de prendre soin de mon bébé.

— Je refuse.

— Quoi ?

— Je ne céderai plus à tes chantages, je ne te laisserai plus menacer mes enfants, désormais, tu me trouveras devant eux. Je ne te laisserai plus tuer un de mes enfants.