Chapitre 62

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Il sortit de l'immeuble en bousculant ceux qui y entraient sans même leur accorder un regard. La rue était bouillante tant par le soleil qui cuisait tout sur son passage que par les voitures qui allaient et venaient sur la route. Avec son bob sur la tête, son t-shirt trop grand, son jogging serré et ses basket Hyunjin n'en menait pas large.

Il aurait mieux valu qu'il opte pour un café ou autre espace climatisé mais il avait l'impression que s'il se rendait dans l'un de ces endroits il aurait plus de chance de se faire aborder. Mis-à-part si c'était par Chan, il ne voulait pas. Alors comme à son habitude, l'esprit hagard, il traversa la route sans regarder au préalable, longea la rue jusqu'à un parc dans le quartier suivant.

Normalement il se serait assis sur le premier banc venu mais à force d'en chercher un à l'ombre il finit par descendre jusqu'au fleuve Han. Des mioches barbottaient aux abords mais il faisait tellement chaud qu'il décida de tolérer leur présence. Il ignora leurs cris stridents et s'assit dans l'herbe. Ses chaussures et ses chaussettes quittèrent ses pieds qu'il immergea ensuite avec une lenteur fascinée.

C'était toujours la même chose quand il sortait d'un rendez-vous avec Madame Moon. Il avait l'esprit si embrumé, comme prit dans un étau cotonneux, que l'extérieur lui arrivait plus vif. Il ressentait toute la brûlure du soleil sur sa peau qui ne sortait pas assez, le vrombissement assourdissant de toutes ses voitures, la brise entre les branches, les discussions des mamans qui surveillaient modérément leurs bambins, le clapotis de l'eau... Tout cela il le percevait avec une perspicacité vive et pour autant tout se mélangeait dans un trouble bruit de fond. Il ne savait pas comment l'expliquer. Il se sentait toujours étrange en ressortant de chez sa psy.

Le rendez-vous qui venait de se terminer était le second en trois jours. Il en avait besoin alors Madame Moon lui avait trouvé une petite place, réarrangeant un peu son emploi du temps pour lui. Il lui en était reconnaissant. Il lui était aussi reconnaissant de l'aider à mettre de l'ordre dans ses pensées, de l'aider à démêler ses sentiments conflictuels et de lui donner les clés pour avancer.

En rentrant de chez ses géniteurs lui et Chan n'avaient pas couché ensemble. Il aurait préféré mais il avait été incapable de repousser tous les doutes qui l'assaillaient. Revoir ses géniteurs après de longs mois, retrouver leurs faux semblants, retomber dans la docilité apeurée... Cela avait tout retourné dans son cerveau. L'euphorie qui avait libéré leurs ardeurs n'était plus. Il était envahi par les remises en question, les doutes, les craintes. D'où ces deux rendez-vous si rapprochés chez sa psy.

Il savait, en était intimement persuadé, que ses géniteurs ne porteraient pas plainte pour le saccage de leur maison chéri. Parce que la police demanderait les enregistrements des caméras de vidéosurveillance et que Hyunjin, leur progéniture pas si parfaite que cela, serait révélé comme le coupable. Impossible pour les Hwang aux apparences si importantes. Pourtant... Et s'il se trompait ? Et s'ils trouvaient un moyen de le faire chanter avec ? Et si sur l'une des bandes Chan était seul et qu'ils parvenaient à l'incriminer seulement lui ? Il était reconnaissant à son ami de l'avoir dissuadé de coucher devant lesdites caméra. Le baiser avait suffi à leur prouver combien il ne répondait à aucun de leur critère d'enfant parfait, pas la peine de se débaucher complétement pour eux.

Encore une fois Chan avait su le protéger.

Mais ce n'étaient pas ses seules incertitudes. Il était terrifié à vrai dire. Terrifié qu'à chaque coin de rue, qu'à chaque heure de la journée dans son chez lui, ses géniteurs le retrouvent. Il savait qu'il n'était ni sur écoute, ni tracé par une puce, ses géniteurs connaissaient les lois encore mieux que lui, s'ils venaient à le retrouver par l'un de ces moyens alors Hyunjin pourrait porter plainte pour violation de sa vie privée. Mais s'ils engageaient un détective privé ? Là il ne s'y connaissait pas assez pour savoir s'il y avait une mesure juridique qui allait à l'encontre de cette méthode. Et puis il devait aussi se rendre à la banque pour que son compte ne soit plus relié à ses géniteurs. Il y avait le droit et devait le faire avant que ses géniteurs ne lui retirent toutes ses économies ou pire ne le trace grâce à ses prélèvements aux bornes.

Beau-Parleur ~ HyunchanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant