Beau-Parleur ~ Hyunchan

Chapitre 83

L'enchantement des vacances c'était bien vite dissipé sous la reprise du travail. Ça n'avait été qu'une parenthèse mais le quotidien était là. Nettoyer la merde des autres parfois au sens un peu trop littéral, servir des clients qui ne vous accordaient pas plus d'un regard comme si vous n'étiez que du mobilier.

Il était minuit et il rentrait de son service au restaurant. Il aurait quelques heures de sommeil dans le sang, à peine, puis enchainerait sur son second job. Ce serait uniquement en début d'après-midi qu'il pourrait se reposer un peu.

Une pensée lui permit d'activer ses jambes à grimper les six étages de son immeuble alors qu'il avait passé toute la soirée à courir partout. Tout là-haut l'attendait Hyunjin. Qu'importe le nombre de fois où il lui avait dit de s'endormir sans l'attendre, son colocataire patientait toujours jusqu'à son retour. Parfois il attendait véritablement uniquement qu'il passe le bas de la porte pour enfiler son casque et écouter la musique à fond en s'endormant. Parfois il lui demandait comment s'était passé sa journée, lui racontait la sienne et faisait perdurer la veillée. En ce moment il essayait de le motiver à sortir visiter Séoul. C'était sa nouvelle obsession et Hyunjin était tenace. Chan céderait ce soir, il lui dirait qu'à sa prochaine journée de repos ils iraient visiter la capitale. Cette idée le fatiguait d'avance...

Il avait fini par comprendre que Hyunjin ne pouvait dormir sur ses deux oreilles (déjà parce qu'il portait un casque) que s'il était là. Une supposition moins glorieuse était que leur taudis n'était pas un lieu sûr pour Hyunjin encore moins depuis que Felix les avaient retrouvés. Il devait craindre que durant cet état d'inconscient ses géniteurs ou Felix ne le prennent au dépourvu par une petite visite.

C'était une raison de plus pour laquelle l'idée de déménager tissait doucement sa toile dans son esprit. Il voulait que Hyunjin soit en sécurité. Et puis après des années à supporter cette daube au nom de sa famille, à se priver du confort minimal pour l'être humain il commençait à craquer. Grâce à ses vacances il avait goûté, non pas au confort mais à la décence. Liberté de mouvement, une véritable cabine de douche avec parois, un vrai lit avec sommier, des rangements pour leurs vêtements, des volets, rien de cassé ou de mal en point. Une décence nécessaire à l'amélioration de sa santé mentale. Ce qu'il devait nommer son chez lui le rendait de plus en plus malade. Il avait le droit au minimum syndical. Il avait le droit.

Aujourd'hui l'immeuble était étonnamment bruyant. Passé le quatrième étage il commença à entendre des éclats de voix, de rires. Il continua d'avancer, se concentrant uniquement sur l'effort qui brûlait ses cuisses. Il passa le cinquième étage et la vie humaine se fit plus distinctement entendre encore. Il tilta au milieu des marches. La fête ne venait pas du cinquième mais bien de chez eux...

Main sur la rampe il regarda le haut des marches sans comprendre. Il écouta encore, lui sembla reconnaitre quelques voix familières. Il vérifia sur son portable mais aucun message en provenance de Hyunjin. Juste l'heure qui le narguait : minuit quinze. Les sons étaient gais et frivoles néanmoins il avala les dernières marches.

Il leva le poing près à frapper le battant comme si ce n'était pas chez lui. Il reconnaissait les voix maintenant mais ne comprenait pas plus. Il ouvrit de lui-même. La porte buta contre toutes les paires de chaussures amassées-là. Kkami accourut pour faire la fête au nouvel arrivant. Les voix ne perdirent pas en intensité, changèrent juste de sujet, l'accueillant chaleureusement. Prit par le chien et les chaussures pour rentrer il ne leur accorda pas d'attention tout de suite. Jusqu'à ce qu'un éclair rouge récupère Kkami pour l'aider.

-Merci.

Il enjamba les chaussures, referma la porte. Il avait toujours du mal à se faire à la nouvelle couleur de Hyunjin. C'était d'un rouge camion de pompier assez virulent. Après quelques lavages cela se ternirait dans la couleur finale mais en attendant c'était assez tape à l'œil. Le matin au réveil il en finissait presque aveugle. Et le pire c'était que cela lui allait. Voyant oui mais pas choquant.