Confinée avec un Con fini

4 Jim

Cette fille est belle. Pas juste jolie ou avec du charme, non, vraiment belle.

Chez une femme, c'est vrai que je trouve toujours un truc qui me plaît. Un petit minois, un regard de braise, des lèvres pulpeuses ou je ne sais quoi d'autre encore. Mais cette fille-là, sortie tout droit d'un film Coréen, c'est tous ces trucs à la fois, sans aucun défaut apparent. Et je dois avouer que c'est déstabilisant. Quant à son appart, il n'est pas aussi canon qu'elle certes, mais qu'importe, il me le faut à tout prix, je ne peux plus me permettre de squatter le canapé schlinguant de Pierrick qui a déjà été cool de m'héberger aussi longtemps.

Sauf que depuis quelques mois, Pierrick a trouvé une meuf et ne se gêne pas pour me le faire savoir de l'autre côté de la fine cloison qui sépare sa chambre du coin salon dans lequel je suis censé dormir. Je le soupçonne d'ailleurs de me pousser gentiment vers la sortie, sans oser être franc et direct. Je suis donc obligé chaque nuit de décamper, cherchant dans les bars et after un nouveau plan d'un soir chez qui pioncer sans les gémissements gutturaux de Pierrick et de sa nana en fond sonore.

—Et donc, tu disais dans ton annonce, 855 balles chacun. Est-ce 850, ça t'irait ?

Elle me fusille du regard.

—C'est 855 par personne, ce n'est non négociable, me répond-elle en fronçant les sourcils.

—825 ? plaisanté-je avant de reprendre une gorgée de café au léger goût de coco.

—Bon écoute Jim, je ne sais pas quel jeu tu joues mais franchement, je suis un peu paumée là. Déjà, je t'avais donné rendez-vous cet après-midi et tu déboules ce matin. Ensuite, sache que je rencontre deux autres candidats tout à l'heure et que je vais ensuite me laisser le temps de la réflexion pour me décider, donc, si tu veux bien, j'ai juste quelques questions à te poser. Et inversement, je répondrai avec plaisir aux tiennes, ça te va comme ça ?

Je suis interloqué. Miss Léopard a un sacré mordant finalement. Et mince, moi qui la pensais déjà tombée sous mon charme légendaire, ronronnant comme un chaton à l'idée de vivre sous le même toit que moi, je commence un peu à douter. Sa gestuelle me laisse même deviner le contraire. Elle pince les lèvres, c'est mauvais signe.

Cette Hélène a l'air totalement psychorigide, il n'y qu'à écouter sa façon de prononcer sèchement « Je rencontre deux autres candidats ».

Candidats ? Elle s'est prise pour qui ? Une présentatrice télé ?

Mais qu'importe, je n'ai plus le temps de faire ma fine bouche, je veux me barrer de chez Pierrick et fissa. Des annonces de colocation au mois de mars avec ce Covid qui traîne dans les parages, ça court de moins en moins les rues.

—Excuse-moi, je sens bien que mon humour ne passe pas ce matin, me rattrapé-je. Je plaisantais pour la négos « marchant de tapis ». Je voulais simplement détendre l'atmosphère car tu me semblais un peu... tendue.

Elle lève les yeux au ciel, agacée. Décidément, j'ai tout faux.

—Reprenons à zéro. Moi, c'est Jim, enchantée Hélène.

Je lui serre la main.

—Je t'écoute, quelles questions veux-tu me poser ? continué-je.

Je lui offre mon plus beau sourire comme si je venais de me pointer à un entretien d'embauche, puisque c'est apparemment ça qu'elle attend de cette rencontre. J'ai presque l'impression de porter un costard cravate. Je repense alors à la fin de son annonce sur le bon coin :

« Tu aimes la série Friends ? Chandler et Joey te disent quelque chose ? Alors t'es fait pour moi, n'hésite pas, écris-moi. »

Moi qui pensais être le parfait mélange de Joey et de Chandler justement, entre mon côté séducteur et mon humour, je réalise que c'est finalement le personnage de Ross que je dois jouer pour obtenir cette coloc.