103 Jim

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La journée m'a paru durer une éternité. Il est presque dix neuf heures et Hélène n'est toujours pas rentrée.

Qu'est ce qu'elle fout, putain ?

Louise m'a pourtant confirmé qu'elle ne dormirait pas chez elle ce soir, qu'elle voyait son mec.

J'ignorais d'ailleurs qu'elle avait un mec.

Impatient, je piétine et fais les cents pas dans le salon en répétant mon texte dans ma tête, comme s'il s'agissait d'une pièce de théâtre dont j'avais obtenu le rôle principal. Je me prépare depuis hier à monter sur scène avec Hélène, à lui prêter la réplique pour la convaincre que nous deux, c'est loin d'être une erreur, et qu'elle doit me laisser une seconde chance en lui expliquant toute l'histoire. J'espère ensuite pouvoir l'embrasser sous une foule d'applaudissements fictifs qui forcément, ne pourra qu'acclamer ma performance.

—Jim, je crois qu'elle arrive, bonne chance, je vous laisse, chuchote Sophia en éteignant fissa la tv.

Ni une ni deux, je la vois partir en courant pour aller s'enfermer dans la salle de bain et ainsi nous laisser tranquille.

Putain, on y est. Jim, sors toi les doigts du cul pour une fois ! me motivé-je en imitant un boxeur se préparant à monter sur le ring.

Euh, il faut savoir.

Combat sur le ring alors, ou joute verbale au lever de rideau ?

Connaissant le tempérament d'Hélène, ce sera certainement un peu des deux à la fois, et je dois avouer qu'un petit corps à corps final ne serait pas pour me déplaire.

La porte d'entrée s'ouvre enfin. Je déglutis péniblement avant d'aller la rejoindre.

—Coucou, la salué-je maladroitement tout en me grattant le derrière de l'oreille.

Elle plonge son regard dans le mien. Je peux lire une lueur d'espoir dans ses jolis yeux en amande.

Est-elle revenue pour qu'on se réconcilie ?

Je pense qu'elle aussi a eu le temps de gamberger et surtout, de s'apaiser un peu. Ça me rassure. J'espère juste que ce n'est pas le calme avant la tempête...

—Je suis très heureux que tu sois enfin rentrée, je t'attendais avec impatience. Est ce qu'on peut parler ?

—Sophia n'est pas là ? me questionne t-elle aussitôt.

—Euh, si, mais elle tenait à nous laisser tranquille pour discuter posément. Je te promets Hélène que je ne t'ai pas trompé, qu'il n'y a absolument rien entre nous.

Silencieuse, elle retire ses sandales puis part dans la cuisine, presque comme si je n'existais pas.

Et moi, je la suis la queue entre les jambes, si je puis dire. Et clairement, cette expression prend tout son sens ce soir. Je donnerai n'importe quoi pour qu'elle me la retouche à nouveau.

—Tu veux une bière ? me demande t-elle alors en ouvrant le frigo.

Je suis étonné, pensant que la présence de Sophia l'avait trop énervée pour pouvoir continuer cette discussion à cœurs ouverts. Je pensais que j'allais ramer encore et encore pour qu'elle daigne enfin m'écouter prononcer mon texte, appris par cœur depuis la veille.

—Euh, oui, c'est gentil, merci, lâché-je, décontenancé par son attitude limite normale.

Elle ouvre deux bouteilles de 1664 et m'en tend une.

—Tchin Jim, à notre coloc !

—A notre coloc ? m'étouffé-je avant même d'en boire une gorgée. Comment ça à notre coloc ?

Elle s'assoit sur l'un des tabourets autour du comptoir de la cuisine.

—Ecoute, Jim, j'ai beaucoup réfléchi... et je suis vraiment désolée pour mon comportement d'hier, j'ai dépassé les bornes, je le sais.

Hé, mais c'est ma réplique ça, voleuse !  pensé-je, blasé. 

—De plus, j'ai jugé Sophia sans même la connaître, et ça clairement, ça ne me ressemble pas, ce n'était pas sympa. Si tu m'affirmes qu'elle a besoin d'aide et qu'elle n'a nulle part ailleurs où aller, alors je comprends et il n'y a aucun problème pour moi.

Elle boit quasiment cul sec la moitié de sa bouteille. Je l'observe, choqué.

Qu'est-ce qui lui prend ?

Qu'est-ce qu'elle essaie de prouver à la fin ?

—Jim, ne me fixe pas comme ça, je te dis que c'est cool. Alors, oublions toute cette histoire si tu veux bien et repartons du bon pied, toi et moi.

Stupéfié, je crois que j'ai la bouche à moitié ouverte en mode gobage de mouches.

Me voilà complètement paumé. Je n'avais pas du tout prévu qu'elle réagisse de cette manière, que nos retrouvailles seraient aussi faciles.

Il y a quelque chose qui cloche, je le sens.

Mais quoi ?

—Ah ben, super alors ! m'exclamé-je en balbutiant.

D'une traite, elle boit l'autre moitié de sa bière.

—Wow, mais fais gaffe Hélène, tu ne tiens pas l'alcool, je te rappelle, et tu bosses demain, m'inquiété-je en m'avançant.

Mais elle ne me laisse pas la toucher en s'éloignant subitement pour aller se chercher une seconde bière dans le frigo.

—ça va Hélène ? lui demandé-je, perplexe.

—Nickel, cher coloc. Bon aller, je suis vannée. Je vais aller lire un bon bouquin dans ma chambre tiens, et puis peut-être aussi m'inscrire sur Tinder, je n'ai jamais essayé après tout, c'est bien ?

Sans voix, je la regarde disparaître dans le couloir avec sa bouteille à la main.

Okay, je suis vraiment nul à chier en réconciliations. Bon, à défaut de l'avoir embrassée, elle ne me fait plus la gueule au moins...

A suivre...

Confinée avec un Con finiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant