37 Hélène

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Je pose mon téléphone sur le comptoir de la cuisine, juste à côté des deux petits verres que Jim a rempli de rhum Diplomatico. Il en attrape un, qu'il me tend.

—Tiens, ça va te réconforter un peu, dit-il en se fendant d'un doux sourire.

—Merci. On trinque à quoi ? A une fin du monde imminente ?

—Si tu veux, et aussi, à notre colocation.

Son si joli sourire s'élargit alors.

—Tchin, oui, à nous, enfermés ici à durée indéterminée, m'exclamé-je en avançant mon verre vers le sien.

La première gorgée a, comme je m'y attendais, beaucoup de mal à passer. J'ai les lèvres qui piquent et la trachée en feu. Mais ce soir, rien à cirer, j'ai vraiment besoin de ce remontant. Je grimace à chaque lichée, ce qui a l'air de divertir Jim qui, après avoir bu cul sec son rhum, ne rate rien du spectacle.

—Tu n'aimes pas, si ? finit-il par demander, moqueur.

La dernière gorgée manque presque de remonter pour ressortir tel un geyser tout droit sur le sol. J'en ai des hauts le cœur.

—Je préfère les liquoreux, m'exclamé-je en toussotant.

Jim rigole, puis nous sert deux autres verres.

—Et sinon, j'ai un peu entendu la conversation avec ta... grand-mère. Tu as l'air très proche d'elle, s'enquiert-il.

—Oui, c'est vrai.

—Et tes parents, ils vivent aussi sur Paris ?

—Non.

Oula, Jim s'aventure sur un chemin semé de sombres et douloureux secrets. 

Et hop, une autre gorgée qui m'arrache aussitôt les amygdales ! 

—Tu n'as pas envie d'en parler ou je me trompe ? Tu as l'air sur la défensive.

—Tu ne te trompes pas. On peut changer de sujet, s'il te plaît.

—Désolée. Et si on parlait du discours de Macron ? Tu vas pouvoir télétravailler depuis ici, j'ai cru comprendre ?

—Ah non, stop, ce soir, on oublie le confinement et tout ce que cela implique.

—Okay. Ben matons Gossip Girl, propose t-il, avant de nous servir deux nouveaux verres de rhum.

Nous nous posons sur le canapé, chacun assis sur l'une des extrémités, comme si notre dernière dispute le lundi précédent, avait érigé une sorte de mur maintenant entre lui et moi. Je voyais bien que Jim, depuis le début de la soirée, ne s'autorisait plus ses blagues et allusions constantes auxquelles il m'avait habitué. Il avait pris ses distances, et je ne pouvais que le comprendre, vu le discours menaçant que je lui avais tenu à peine une semaine avant.

Le truc, c'est que plus la bouteille de rhum posée sur la table basse était en train de se vider, et plus le côté dragueur de Jim me manquait.

—Et du coup, toi, le confinement va t'empêcher de travailler ? le questionné-je soudain entre deux épisodes de Gossip Girl, pour tenter de savoir enfin quelle profession il exerce ou quelles études il suit.

—Non, aucun problème pour moi, vu que je ne bosse pas.

Sa réponse me laisse perplexe. Je décide de creuser un peu.

—Mais comment tu vas payer le loyer si tu ne bosses pas ?

—T'inquiète pas pour ça, okay ! Ton loyer serait payé en temps et en heure, je te l'ai déjà dit, me répond t-il légèrement agacé.

—Okay okay.

Et comme l'alcool délie les langues, je me sens pousser des ailes en l'interrogeant ensuite sur son tatouage qui dépasse de son sweat et que je n'arrête pas de regarder du coin de l'œil.

—Ils signifient quoi tes espèces de serpents entortillés ?

Il me sourit.

—Je te trouve trop curieuse pour une fille qui joue les meufs mystérieuses quand on lui pose des questions sur sa famille.

Je soupire.

—Ben quoi ? Peut-être que je préfère m'intéresser aux autres plutôt que de raconter ma vie, me justifié-je. Ça prouve que je ne suis pas égocentrique, que je m'écoute pas parler.

Contrariée qu'il n'ait pas répondu au sujet de son tatouage, je me surprends à me servir moi-même un fond de rhum.

—Mais dans quel état je vais finir ? Il est drôlement bon ton Diplomatico. Et il fait chaud tout d'un coup ou c'est moi ? poursuivis-je en sirotant mon verre, les jambes en tailleur sur le canapé.

Jim rigole.

—Tu as les joues toutes rouges. Tu devrais enlever ton pull.

Je rigole avec lui.

—Non mais chassez le naturel, il revient au galop. Ça te ferait trop plaisir si je me mettais à poils.

Quoi ? Oh bon sang ! Est-ce que c'est vraiment moi qui viens de sortir ça ?

—Haha, tu vas loin là. Retirer ton pull pour ton propre confort, ce n'est pas non plus te demander un effeuillage.

—Un effeuillage ?

—Un striptease, si tu préfères.

—Oh, en effet, ça j'en serai incapable. Je m'entreverrai dans les jambes de mon jean et me coincerai la tête dans le col de ma chemise.

—Je suis sûr que même en trébuchant et en titubant, empêtrée dans tes fringues, tu serais hyper sexy. Une adorable petite sexy bourrée.

—N'importe quoi, je ne suis pas bourrée du tout.

—Haha, si tu le dis, s'esclaffe t-il. 

A suivre... ;-) 


Confinée avec un Con finiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant