Deuxième silence.
—Bon, j'en conclus que tes trois entretiens ne se sont pas bien déroulés ?
—Non, tu crois ? m'exclamé-je, sarcastique. Bref, file-moi le nouveau mot de passe que t'as paramétré pour que je puisse refaire mon annonce, s'il te plaît. Une annonce qui ME ressemble. A moi. Pas à toi. A moi !
—C'est HélèneCélib@taire75 avec un @ à la place du premier « a » et une majuscule à Hélène et à Célibataire.
—T'es sérieuse ? halluciné-je.
—Ben quoi, ils sont super chiants à demander des caractères spéciaux maintenant ! dit-elle innocemment.
Au même moment, la petite clochette de la pâtisserie se met à nouveau à retentir. Par automatisme, je lève aussitôt les yeux et découvre alors, stupéfaite, que Jim vient de franchir le seuil, un grand sourire fendu jusqu'aux oreilles.
—Je... je... Louise, y'a... je... bégayé-je.
—Hein ? Tu fais un AVC ou quoi ? s'exclame Louise.
—Il y a Jim, tu sais, le coloc potentiel de ce matin, qui vient d'entrer chez Marilyne, chuchoté-je à mon téléphone.
—Ouais, et bien quoi ? m'interroge-t-elle. D'ailleurs, tu ne m'as toujours pas parlé des trois mecs que tu as rencontrés ? Ils étaient si horribles que ça ? Ce Jim là, qu'est-ce qui ne va pas avec lui par exemple ?
—Je te raconterai plus tard. Il faut que je te laisse, lui raccroché-je au nez.
Alors que je stresse à l'idée que Jim me rejoigne, je réalise que son sourire ne m'était pas du tout destiné.
—Oh, re-bonjour jeune homme, l'accueille Marilyne d'un timbre enjoué.
Je deviens livide.
Ils se connaissent ?
—Alors, mes chouquettes ? lui demande t-elle.
—Elles étaient délicieuses. Tellement délicieuses que je ne peux plus m'en passer, la taquine t-il. Il vous en reste, j'espère ?
Les pommettes de Marilyne sont à présent aussi rouges que ses cheveux colorés. Elle est toute émoustillée, ça se voit. Complimenter ainsi ses pâtisseries, c'est saupoudrer sa vie de petits copeaux de bonheur. Je la connais, elle va chantonner et se pavaner tout le reste du week-end. J'aime tellement la voir rayonnante comme ça que je me surprends alors à sourire à mon tour.
A croire que la joie est contagieuse par ici.
Mais je croise soudain le regard de Jim qui vient de tourner la tête dans ma direction.
Je ravale tellement vite mon sourire que je m'étouffe avec tandis qu'il s'avance vers moi. Je toussote pour me débarrasser du chat que j'ai dans la gorge.
Jim se tient juste devant ma table.
—Comme on se retrouve, miss Léopard ! Bon, ça y est, tu as fait signer ton bail long de cinq cent pages recto verso avec une liste soporifique de règles et interdictions à suivre pour le bien être de la vie en colocation ?
Ses yeux clairs me perturbent. Je mets plusieurs secondes à réaliser qu'il est en train de se foutre de moi.
—Très drôle, tenté-je de me ressaisir. Sauf que je ne suis pas la propriétaire de l'appartement, ce n'est donc pas moi qui rédige le bail, gros malin.
—Si tu le dis ! lance t-il nonchalamment. En tout cas, vu ta tête, je devine que tu n'as trouvé personne d'assez bien pour ta petite personne.
Mon sang ne fait qu'un tour.
—Tu te trompes, mentis-je sans réfléchir.
—Ah bon ? insiste t-il, sceptique.
Je rosis, quand Marilyne, toute guillerette, apparaît devant nous.
—Oh Hélène, tu connais ce jeune homme ?
—Pas vraiment non, répondis-je sur un ton qui se veut le plus neutre possible.
—Je ne me suis même pas présenté d'ailleurs, je m'appelle Jim, enchanté, lui dit-il alors poliment en lui serrant la main.
—Enchanté Jim, moi c'est Marilyne, comme écrit sur la devanture, glousse t-elle.
Elle nous jauge l'un après l'autre pendant plusieurs secondes.
—Mais j'y pense ! crie t-elle soudain dans toute sa pâtisserie, ce qui fait sursauter la cliente assise deux tables plus loin. Jim, vous m'avez expliqué ce matin, si je me souviens bien, que vous cherchiez un appartement dans le quartier, non ?
—Exactement... Ce qui s'avère plus compliqué que prévu, lui explique t-il en me jetant discrètement une œillade narquoise.
—Oh, c'est une super coïncidence, parce que figurez-vous que ma jolie Hélène ici présente recherche activement un colocataire pour son appartement juste au-dessus de ma pâtisserie, dans le même immeuble ! Ce n'est pas formidable, ça ?
Marilyne frôle l'hystérie tant elle croit avoir trouvé l'idée du siècle. Elle se tourne brusquement vers moi.
—Tu vois, ma chouquette au sucre, après tes trois horribles entretiens qui n'ont rien donné, tu l'as peut-être en face de toi, ton futur colocataire. Crois-moi, rien ne vaut une vraie rencontre dans la vraie vie plutôt que tes applis bizarres ! Bon, les jeunes, je vous laisse faire plus ample connaissance, j'ai des muffins à sortir du four.
Je ne sais plus quoi dire, je ne sais plus où me mettre.
Jim sourit de plus bel pendant que Marilyne disparaît dans l'arrière-cuisine.
—Ma chouquette au sucre ? répète t-il, hilare, en ne me lâchant pas du regard.
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Confinée avec un Con fini
RomanceEt si le nouveau colocataire d'Hélène, boulimique de yoga et accro aux plats healthy, s'avérait aussi sexy et rock'n'roll que bordélique et imbu de sa personne ? Bières vs eau chaude citronnée. Peau tatouée vs petites chemises repassées. Delivro...