69 Hélène

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Je regarde Jim s'éloigner en me disant à quel point la maladie de sa maman a dû être une terrible épreuve pour lui et toute sa famille, avec j'imagine, de longs mois d'hospitalisation, de longs mois de combat oscillant entre petites victoires et rechutes.

Assise dans la salle d'attente aux côtés d'autres gens qui semblent, eux aussi, attendre désespérément des nouvelles de leurs proches, je prie pour que ma grand-mère s'en sorte.

Les yeux emplis de chagrin, je la revois en train de me sourire tendrement quand je lui ai apporté son sac de médicaments au début du confinement. Puis, perdue dans mes pensées, je me remémore un souvenir précieux, l'un de ceux qu'on n'oublie pas...

J'étais à l'école primaire, en CE1 ou CE2, je ne sais plus exactement.

Et comme tous les ans, c'était le jour tant redouté où il fallait écouter attentivement les instructions de la maîtresse pour fabriquer nos futurs cadeaux de la fête des mères et de la fête des pères. Fêtes qui, forcément, me rendaient à chaque fois nostalgique d'un lien familial que je n'ai pourtant jamais connu et que je ne connaîtrai jamais.

Alors que mes camarades de classe, fières et enjoués, s'imaginaient déjà offrir leurs cartes faites avec amour à leurs parents, moi, j'avais l'impression que cette célébration était juste là, dans le calendrier, pour enfoncer le couteau dans la plaie, pour me rappeler que je n'avais ni père ni mère et qu'on pouvait me traiter d'orpheline.

En sortant de l'école ce jour-là, je me souviens que ma grand-mère, m'attendant devant, a tout de suite vu que quelque chose clochait.

—Qu'est ce qu'il y a, ma chérie ?

—Rien, t'inquiète mamie.

—Non, dis-moi, qu'est-ce qui te rend triste comme ça ?

—Ben, on doit commencer à préparer les deux trucs pour la fête des mères et des pères, tu sais, mais moi, comme d'hab, je n'ai personne à qui les offrir. Je trouve ça injuste et cruel !

—Oh ma chérie, bien sûr je ne suis pas à ta place et je devine à quel point ça doit être difficile pour toi, mais sache que l'amour que je te porte est tout aussi grand que celui d'un parent pour son enfant, si ce n'est plus. Et tu sais pourquoi ?

—Non...

—Toi, tu n'as pas un passé facile et malgré tous tes traumatismes, tu deviens chaque jour qui passe de plus en plus forte et exceptionnelle. Je suis tellement admirative, si tu savais. Tu es une petite fille merveilleuse, douce et bienveillante, maligne et courageuse. Je suis si fière d'être celle qui a le privilège de t'élever, tu es mon plus grand bonheur dans la vie, et je sais que tu aurais voulu ce que tous tes camarades ont, et c'est normal, mais sache que moi, je n'ai jamais hésité, jamais regretté. Tu es et resteras à tout jamais mon point d'encrage, ce bébé innocent qui m'a donné la force de continuer, la joie d'avancer. Et tu sais quoi ?

Je relève la tête, émue.

—On va aller s'acheter une glace, supplément chantilly pour la peine, ajoute t-elle en m'enlaçant.

...

—Tiens, un thé sans sucre, comme tu m'as demandé, attention, c'est chaud, apparaît Jim devant moi, ce qui me sort aussitôt de mes pensées.

Je saisis le gobelet en plastique, reconnaissante.

—Merci.

—Tu as vu un médecin ?

—Pas encore, répondis-je, la larme à l'œil.

Silence.

Il s'assoit à côté de moi puis m'attrape la main, comme dans le métro.

—Jim ?

—Oui.

—Je n'ai pas oublié ce que tu m'as dit tout à l'heure.

Il tressaute, sans doute gêné.

—De quoi ? J'ai dit quoi ?

Je me tourne vers lui pour le regarder dans le blanc des yeux.

—Tu m'as expliqué que ton cœur était insalubre, un vrai foutoir quoi.

—Ah ça...

—Oui, et du coup, tu le pensais vraiment ?

Il se gratte le derrière de la tête.

—De quoi ?

—...Ben que j'étais celle qui peut le rendre à nouveau... habitable, si je reprends tes mots.

—Euh... Ah... Euh...Ah

Nos deux mains sont toujours entrelacées malgré ses onomatopées incompréhensibles.

Je souris.

Je réalise alors que malgré la gravité de la situation, à attendre des nouvelles de ma grand-mère qui est peut-être entre la vie et la mort, cet homme d'un grand soutien depuis le début arrive même à me soutirer un léger sourire.

—Jim ? prononce soudain une voix inconnue.

Un monsieur d'une soixantaine d'années, les cheveux grisonnants, portant une blouse blanche, se tient juste devant nous.

—Papa ? se fige Jim, comme s'il venait d'apercevoir un fantôme.

A suivre...

Confinée avec un Con finiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant