68 Hélène

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Jim et moi traçons vers l'hôpital où ils ont emmené ma grand-mère. J'ai tellement peur, tellement d'appréhension, mais je m'interdis de m'imaginer le pire, ça ne servirait à rien.

Tous les gens que nous croisons sur notre chemin sont masqués. Moi qui n'étais pas sortie de l'appartement depuis plus d'une semaine, ça me fait toujours autant bizarre.

Quel temps radieux aujourd'hui. La luminosité dehors en remontant les marches du métro me gêne presque.

Nous arrivons enfin. La Pitié Salpêtrière est gigantesque.

Le médecin au téléphone m'a parlé d'une aile spéciale « covid-19 » tant ce virus se propage rapidement, rameutant chaque jour un peu plus de patients positifs.

Jim m'aide à chercher. Apparemment, il connaît bien les lieux. Il m'a vaguement expliqué qu'il y connaissait des médecins bossant ici. Je n'ai pas osé lui poser davantage de questions à ce sujet pressentant que de toute manière, il les esquiverait.

—Bonjour, je viens voir ma grand-mère, Jeannes Fleury, elle a été admise tôt ce matin, elle était en détresse respiratoire, enfin, c'est ce qu'un médecin m'a dit en m'appelant, je n'en sais pas plus.

—Quel nom vous dites ? me demande la secrétaire qui ne doit quasiment rien entendre, cachée derrière son masque et sa vitre en plexiglas.

—Fleury, F-L-E-U-R-Y, comme une fleur avec un Y à la fin, épelé-je notre nom de famille en haussant le ton pour qu'elle m'entende mieux.

—Hum, oui. Je lis qu'elle est en effet arrivée ce matin à cinq heures trente. Veuillez patienter, un médecin va venir vous parler dès qu'il aura une minute.

—Mais je ne peux pas aller la voir en attendant ? Comment va-t-elle ?

—Je suis désolée mademoiselle, mais les patients atteints du Covid n'ont pas le droit aux visites. Vous devez attendre le médecin pour en savoir plus.

—Non, c'est impossible, je dois aller la voir. Je ne peux pas la laisser toute seule, je dois la voir, vous ne pouvez pas m'en empêcher !

Quelques personnes autour nous lancent des œillades curieuses.

Jim pose soudain sa main sur mon épaule, sentant sûrement que je ne vais pas tarder à péter un câble en plein milieu de l'accueil.

—Hélène, calme-toi, me chuchote t-il. Sinon, on va nous foutre à la porte, crois-moi, ils ne plaisantent pas avec ça, et surtout en ce moment.

Je me retourne vers lui et m'effondre dans ses bras.

—Je ne peux pas la laisser toute seule, Jim, c'est horrible. Elle est quand même âgée, et si le covid était en train de la tuer ? Je ne me le pardonnerai jamais.

—Chut, calme-toi Hélène, ça va aller, je te promets que ça va aller.

Je m'éloigne brusquement, énervée contre ses belles paroles qui, pour moi, ne sont que du flan.

—Et comment, hein ? Comment peux-tu me promettre une chose pareille ? C'est stupide, m'emporté-je, à bout de nerfs.

—Oui, pardon, excuse-moi, c'est vrai que je n'ai pas réfléchi en te sortant ça. Je comprends que tu sois fâchée contre la secrétaire, les médecins, l'hôpital, le monde entier, et okay, pas de problème, je veux bien être ton bouc émissaire si ça peut te soulager, mais s'il te plaît, arrête de crier, le vigile devant la porte nous regarde depuis tout à l'heure et j'en ai déjà vus qui ont fini dehors pour moins que ça.

J'inspire profondément.

Je sais que Jim a raison, que je dois arrêter de me donner en spectacle et attendre.

Attendre, impuissante, qu'un satané médecin daigne enfin venir m'expliquer comment va ma grand-mère et qu'est-ce qu'ils lui ont fait depuis son arrivée dans ce service.

—Aller, viens t'asseoir. Tu veux un café ? Un thé ?

—Tu as passé beaucoup de temps ici, je me trompe ? demandé-je à Jim.

—...Oui, beaucoup.

—Pour ta maman, c'est ça ? Quand elle était malade ?

—Oui.

Je vois tout de suite que cette conversation le rend très nerveux.

Je n'ai pas envie de ça. Je préfère m'arrêter là.

Remuer le passé de quelqu'un par simple curiosité mal placée, c'est super égoïste, et j'en sais quelque chose, moi-même ayant été harcelée toute mon enfance et adolescence de questions sur le suicide de ma mère.

—Je suis désolée si j'ai été indiscrète.

—T'inquiète ! Bon, tu ne m'as pas répondu, tu veux un café ? Un thé ? Je vais aller m'en chercher un.

—Un thé alors, c'est très gentil.

—Nature ? A la menthe ? Avec du sucre ?

—Nature sans sucre, s'il te plaît.

—Okay. Assieds-toi là, j'en ai pour cinq minutes, y'a un distributeur pas loin normalement.

A suivre...

Bon, j'avoue, ce chapitre, j'ai eu du mal à l'écrire, ça n'a pas été le plus fun à imaginer et à rédiger. Mais bon, il en faut bien pour placer correctement les évènements, l'histoire... 

Le prochain chapitre, je l'espère, devrait être un peu plus intéressant... :-) Après les souvenirs de Jim, je pense faire un petit saut dans les souvenirs d'Hélène...

Merci pour votre lecture <3

Confinée avec un Con finiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant