36 Hélène

1.1K 114 2
                                    

20h30, le président vient de parler à l'ensemble de ses concitoyens français.

J'éteins la télé, muette. Jim, quant à lui, fixe l'écran noir, la bouche entre-ouverte, les yeux ronds comme deux billes.

—Non, mais c'est un truc de fou, s'étrangle t-il. Le mec vient de tous nous enfermer chez nous, comme des gamins punis, mis au coin.

—Non, mais ça doit être une blague, c'est pas, c'est pas possible, bafouillé-je, la respiration haletante. La France entière cloitrée et on ne sait même pas pour combien de temps. C'est tellement flippant, oh punaise, je sens que je suis en train de faire une crise d'angoisse.

Jim vient aussitôt jusqu'à moi et s'agenouille devant mon fauteuil.

—Zen, Hélène, évite de nous faire une syncope. Respire, prends ton temps, concentre toi uniquement sur ta respiration.

Il pose ses mains sur les miennes. Son contact m'aide à me canaliser pour ne pas tomber dans les pommes. Je remplis le plus possible mes poumons dans une profonde et longue inspiration, puis j'expire doucement, au ralenti, en écoutant l'air ressortir. Je fais ça plusieurs fois avant de me sentir un peu mieux. Je baisse alors les yeux vers Jim, reconnaissante.

—Merci, je ne sais pas ce qui m'a pris.

—Tu as paniqué, c'est normal. Tu veux un verre d'eau ? Ou tu préfères peut-être un grand shoot de rhum pur à quarante degrés, histoire de mieux digérer la nouvelle ? Au pire, ça t'aidera à dormir.

Je rigole.

—Bah, au point où on en est, pourquoi pas !

—Sans déconner ? Je pensais que tu refuserais direct, s'étonne t-il en se relevant.

—Oui et bien ça, c'était avant d'apprendre que demain je ne pourrais pas aller au boulot ni nulle part ailleurs. Olala, j'ai tellement de mal à réaliser que ce soit notre nouvelle réalité. C'est si bizarre, si stressant.

—Ouais, on arrive à se demander quand est-ce que Will Smith va débarquer pour nous sauver de la fin du monde.

—Ou Bruce Willis, ajouté-je, perdue entre les larmes et le fou rire.

—Hahaha, ou Bruce Willis, t'as raison. Du coup, en attendant que l'un des deux se bouge le cul, je vais nous servir deux verres de Diplomatico, tu aimes ?

—Je n'ai jamais goûté. Je ne bois pas souvent. Un demi verre pour moi, s'il te plaît.

Alors que je me lève à mon tour pour aller le rejoindre derrière le comptoir de la cuisine, mon portable se met tout à coup à sonner. C'est ma grand-mère. Je réponds aussitôt. La pauvre doit être dans le même état que nous. Sous le choc, hallucinée et impuissante.

—Allô, mamie ?

—Coucou ma chérie, tu as écouté le discours de Macron ?

—Bien sûr, et je suis totalement assommée par la nouvelle. Comment tu te sens toi, mamie ? Tu n'as pas de fièvre au moins, ou la gorge qui gratte ?

—Non non, tout va bien.

—Ouf, tant mieux. Je suis rassurée. Et du coup, on fait quoi ? Tu veux venir à l'appartement ou que je vienne vivre chez toi ? lui proposé-je automatiquement, sans réfléchir une seule seconde.

Je vois Jim esquisser une drôle de tête derrière le comptoir.

—Par contre, je vis en colocation maintenant, tu sais, me rattrapé-je. Du coup, c'est peut-être plus logique si je viens chez toi.

—Oh mais non, ma petite chérie, ne t'inquiète surtout pas pour moi, je n'ai pas besoin que tu viennes me chaperonner. Tu ne vas quand même pas tout quitter pour t'enfermer avec une vieille dame, fan de séries policières.

—Si cette vieille dame, c'est toi, bien sûr que si, rétorqué-je. Par contre, tes policiers, ce sera sans moi.

—Tut tut tut, restez entre jeunes plutôt. Faite connaissances, toi et ton nouveau colocataire. Jim, c'est ça ? Ça te fera le plus grand bien d'avoir un nouvel ami dans ta vie bien rangée et millimétrée.

—ça veut dire quoi, ça ? Que je n'ai pas d'ami ? Que ma vie est ennuyante ? boudé-je instinctivement.

—Roh, tu réagis au quart de tour, ma puce. Je dis juste que le confinement sera plus sympa avec un jeune homme de ton âge plutôt qu'avec ta grand-mère. Et puis, je ne suis pas encore grabataire que je sache, non mais oh !

Je ris de bon coeur avec elle.

—Oui, excuse-moi. Et pour toutes tes aides, femme de ménage, infirmière, kiné, tes paniers repas, comment ça va se passer ?

—Ecoute, laissons le temps au temps, on vient juste d'apprendre le début du confinement. Ce n'est pas comme si tu vivais de l'autre côté de la France en plus. Pense à toi plutôt là. Et d'ailleurs, toi, du coup, tu vas procéder comment pour ton travail, tu as eu des informations ? Ils parlent de ... comment ils ont dit déjà... ah oui, du télétravail. Tu en auras ?

—Je n'ai aucune nouvelle pour l'instant mais ça ne saurait tarder. Et oui, vu mon poste, je présume que je vais le poursuivre en télétravail depuis chez moi. Par contre, il va bien falloir que je récupère mon matériel pour pouvoir bosser. Demain, j'imagine.

J'entends soudain des bips dans mon oreille.

—Ah, il y a Jeannine qui essaie de m'appeler, mais je ne comprends rien au double appel. Bon, ma chérie, je te laisse. Tu me tiens au courant, hein ? s'exclame t-elle.

—Oui oui, je t'appellerai, promis. Bonne soirée mamie, fais attention à toi, je t'aime.

—Je t'aime aussi, ma petite fille. Gros bisous.

A suivre...

Prochain chapitre, une soirée un peu trop alcoolisée entre Jim et Hélène... ;-)

Confinée avec un Con finiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant