60 Hélène

996 110 10
                                    

Au moment où j'allais demander à Jim comment s'appelaient ses grands-parents et quel âge ils avaient, mon téléphone se met à sonner.

—Haha, tu vois, c'est ma grand-mère qui m'appelle, elle m'a devancée.

—Une vraie mamie poule, me sourit affectueusement Jim.

Je lui rends son sourire avant de décrocher en m'éloignant un peu dans le couloir :

—Allô ?

—Allô ma chérie, comment vas-tu ? J'espère que tu gardes le moral malgré l'annonce de ce soir, hein ?

Je trouve tout de suite sa voix un peu enrouée. J'ai l'impression qu'elle parle du nez.

—Hum... C'est surtout pour toi que je me fais du souci, mamie.

—Pour moi ? Ah bon, pourquoi ?

Je l'entends tousser à l'autre bout du fil.

—Ben oui, tu vis seule et puis ce virus me stresse. T'es malade, non ? m'inquiété-je.

—Oh un simple rhum, ne t'en fais pas, rien de grave, je prends du doliprane, un peu d'eau de mer pour les sinus et je suis certaine qu'après une bonne nuit de sommeil, ça ira mieux.

Elle tousse encore. Une toux grasse et bruyante.

—T'es sûre ? Tu as de la fièvre ?

—Non, je ne pense pas.

—Tu devrais la prendre pour vérifier quand même.

—Roh, arrête ma chérie, je te dis que je vais bien.

—Hum, soupiré-je, sceptique. Si je venais te voir demain soir après le boulot comme la dernière fois quand j'ai dû t'apporter tes médicaments ? T'en penses quoi ? J'ai vu personne ces derniers jours, pas même Marilyne qui, de toute façon reste derrière sa vitre en Plexiglas pour servir son pain, plus le port du masque, donc bon, je vois mal comment je pourrais être contaminée. J'ai juste à remplir l'attestation de déplacement, tu sais en cochant la case « Déplacement pour motif familial impérieux j'sais plus quoi là, assistance aux personnes précaires... » Tu as besoin de médocs ou d'autre chose ?

Elle rigole avant d'être prise d'une nouvelle quinte de toux, ce qui m'angoisse au plus haut point.

—Mamie, ça va ?

Elle se mouche.

—Oui oui, ça va. C'est cette phrase, "assistance aux personnes précaires", qui m'a fait rire. Tu me trouves précaire ?

—Mais non, pas du tout ! C'est juste que tu es une personne à risque et que je ne veux pas que tu sortes trop, pour tes courses ou autre, quand je peux, je préfère y aller à ta place, me rattrapé-je.

Ma grand-mère déteste se voir vieillir et se vexe facilement lorsqu'il s'agit de son âge et de tout ce qu'elle ne peut plus faire comme avant.

—C'est gentil ma chérie, mais je t'assure que je n'ai besoin de rien dans l'immédiat. Je préfère qu'on ne prenne pas de risque supplémentaire, ne viens pas, reste à l'abri chez toi. Tu sais qu'il n'y pas que les vieux qui finissent à l'hôpital. Hier, aux informations, ils ont même parlé d'un adolescent. En insuffisance respiratoire, il a fait un arrêt cardiaque, ils n'ont pas pu le réanimé. Un adolescent, tu te rends compte ?

J'ai un pincement au cœur en écoutant cette histoire.

—C'est affreux, prononcé-je, émue pour ce pauvre garçon. Sa famille doit être dévastée.

—Et c'est pour ça que je ne préfère pas que tu traverses Paris pour venir me voir.

—Mais mamie, je...

La sonnette de l'appartement retentit alors dans tout le couloir. Ça doit être le livreur de Delivroo. Je vois Jim passer en trombe derrière moi pour aller lui ouvrir.

—C'est qui ? me demande ma grand-mère qui elle aussi a dû entendre la sonnette.

—On a commandé un burger avec Jim, c'est le livreur qui vient d'arriver.

—Ah super ! Va manger avant qu'il ne refroidisse, on se rappelle demain ou après-demain, d'accord ?

—T'es sûre que tu ne veux pas que je vienne ? insisté-je.

—Sûre et certaine. Bon appétit ma chérie, je t'embrasse fort. Enfin de loin, puisque maintenant il faut éviter les accolades, pfff.

Je souris, même si une petite voix intérieure me chuchote de me méfier de son état de santé.

—Bonne soirée mamie, je t'appelle demain soir sans faute. N'hésite pas si jamais !

Au moment où je raccroche, j'ai comme un mauvais pressentiment.

A suivre...

Confinée avec un Con finiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant