95 Jim

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Putain, je me demande encore combien de temps je vais devoir poireauter dans cet hôpital que je déteste tant. Caché derrière mon masque, j'espère que cette fois-ci, mon père ne passera pas par là. Peut-être a-t-il posé quelques jours de repos pour le week-end de l'ascension ? Espérons.

Assis sur ma chaise depuis plus d'une heure, stressé, je tapote frénétiquement du pied, partagé entre le soulagement d'avoir sorti Sophia de ce merdier et l'angoisse d'avoir perdu Hélène à cause de mon départ précipité.

Et puisque je ne peux pas partir tout de suite, que je suis bloqué ici dans cette salle d'attente austère et franchement déprimante, je sors pour la énième fois mon téléphone portable de ma poche pour commencer à rédiger une ébauche de message que je souhaiterais envoyer à Hélène...

Putain, non, c'est pourri ça ! Je ne peux lui écrire ça ! m'énervé tout seul en me tapant le front.

Et pour la énième fois depuis que je l'ai laissée toute seule hier soir à six heures de route d'ici, je remets mon téléphone dans ma poche sans oser lui envoyer de message.

Quant à Sophia, elle a été prise en charge assez vite finalement, mais vu que je ne la voie toujours pas revenir, je commence un peu à m'inquiéter. J'espère que sa cheville n'est pas cassée et surtout que ses douleurs abdominales ne sont pas le signe d'une hémorragie interne.

Je me demande quand est-ce que j'aurais enfin de ses nouvelles.

Peut-être qu'ils ont deviné en l'auscultant que sa version de l'histoire n'était pas plausible. Que ses propos décousus de sens ne tenaient pas la route. Après tout, son excuse de s'être entravée et tordu le pied dans le tapis du salon, ce qui l'aurait faite tomber pile sur le coin de sa table basse, me semble plus que fantaisiste. Surtout que moi, je connais la vérité, et ça me rend complètement fou qu'elle m'ait interdit de tout raconter en l'emmenant à l'hôpital.   

Toujours assis comme un con impuissant sur ma chaise, je sers la mâchoire en repensant à mon arrivée chez Sophia et Thomas, au beau milieu de la nuit...

Ah, ce connard de Thomas, ce lâche.

Si j'avais su l'homme qu'il deviendrait en devenant ami avec lui à l'école maternelle, alors je lui aurais enfoncé la tête dans le bac à sable ou poussé dans le toboggan.

Et bordel, je n'ai jamais compris comment Sophia pouvait l'aimer aussi fort, même à l'époque où elle sortait avec moi.

Et oui, je sais, parfois, l'amour ne s'explique pas, mais pourquoi lui ?

Pourquoi Thomas, ce misogyne et pervers narcissique devenu violent, a-t-il toujours eu autant l'effet sur elle ? Jusqu'à qu'il le comprenne et me la pique dans la période la plus sombre de ma vie. Jusqu'à ce qu'il commence à en venir aux mains. Jusqu'à ce qu'elle m'appelle à l'aide et en pleurs...

Je fulmine en repensant à tout ça, j'ai presque envie de shooter dans la poubelle en face. Comme quoi, on n'oublie jamais la peine et la colère qu'on nous a infligées.

Et le pire, c'est qu'il y a trois ans, lorsqu'elle m'a quittée pour lui, j'ai quand même décidé de leur pardonner. Parce que je me disais que de toute manière, je n'étais plus que l'ombre de moi-même et qu'il valait mieux pour Sophia qu'elle me laisse et s'en aille avec quelqu'un d'autre. Une personne qui saurait sûrement la rendre plus heureuse. Sauf que non, ça ne s'est malheureusement pas passé comme ça et j'ai très vite compris au fil des mois qui ont suivi leur début de relation que quelque chose clochait, que Sophia, petit à petit, était en train de perdre sa lumière, son énergie, sa joie de vivre communicative. Et puis, il y a eu ce bleu, ce coquard. Une première fois. Un violent coup de vent dans une porte qui s'est refermée sur elle apparemment... Puis, il y a eu cette deuxième fois, un hématome au milieu de sa joue. Et là, j'ai réussi à la faire parler, à lui faire avouer l'inavouable. Thomas l'avait frappée. Sauf qu'elle ne voulait rien entendre. On s'est alors disputés car elle m'a fait promettre de ne pas intervenir, que ça la regardait et qu'elle ne me le pardonnait jamais si je dénonçais Thomas. Elle lui a toujours trouvé toutes sortes d'excuses, et moi, à cette époque, je ne pouvais plus encaisser, c'était trop. Alors, égoïstement, j'ai coupé les ponts. Parce que c'est la seule chose que je sais faire de toute façon dans les moments difficiles... Fuir.

Mais aujourd'hui, cette nuit, quand elle m'a appelé, j'ai décidé de ne plus fuir et de me dresser enfin contre ce connard de Thomas qui, je l'espère, s'en souviendra.

Alors Thomas, ça fait quoi d'être frappé par plus fort que soi ?

Mais maintenant...

Comment convaincre Sophia de porter plainte ?

Comment l'empêcher définitivement de retourner avec lui envers et contre tout ?

Et surtout...

Comment je vais m'y prendre pour qu'Hélène me pardonne ?

A suivre...

Confinée avec un Con finiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant