57 Hélène

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Jim est mort de rire. Il n'arrive pas à me répondre tout de suite. Je prends mon mal en patience et tapote frénétiquement du pied.

—Crapaud baveux ? Sérieusement ? Et tu crois qu'à force de m'embrasser, je vais finir par me transformer en prince charmant, c'est ça ? prononce t-il, un large sourire s'étirant jusqu'aux oreilles.

—On peut toujours rêver ! soupiré-je en haussant les épaules.

—Hahaha !

Il se racle la gorge avant de reprendre la parole.

—Je suis désolée en tout cas, sincèrement Hélène.

Le voilà avec une tête de chien battu.

—Désolée pour quoi ? Je t'écoute Jim. S'il te plaît, va au bout de ton raisonnement, je t'en prie... J'aimerais comprendre pourquoi tu souffles le chaud et le froid avec moi.

—Hum... Ce qui est sûr, c'est que je ne fais pas exprès, je te le promets, tourne t-il autour du pot.

—Okay mais pourquoi réagis-tu comme ça alors qu'on était simplement en train de passer un bon moment ensemble ?

—Simplement ? répète t-il. C'est ça le problème, ce n'est pas un « simple » moment parmi tant d'autres...

—Que veux-tu dire ? Je ne comprends rien.

Le voilà qui se met à faire les cent pas entre la cuisine et le salon. Etrange. Il a l'air mal à l'aise à gesticuler de la sorte dans tous les recoins de la pièce. Je ne l'ai d'ailleurs jamais vu dans cet état. Où est passé le Jim si sûr de lui et de son charme légendaire ? Où est passé ce dragueur invétéré qui bombe le torse et roule des biscoteaux quand tu lui parles ?

Il me tourne le dos et fixe le poste de télévision qu'on a allumé en attendant l'allocution du président.

Bon sang ! Que va-t-il me sortir pour qu'il n'ose même plus me regarder en face ?

—Jim ? Que veux-tu dire ? insisté-je sur un ton plus sec que je l'aurais voulu.

Il revient vers moi en se grattant la tête. Il marque un temps d'arrêt.

Je m'exaspère :

—Je t'écoute !

—C'est que... je ne suis pas quelqu'un de bien, je ne peux pas t'offrir ce que tu attends d'un homme et je ne le pourrai jamais.

—Wow !

Les bras m'en tombent.

—Ah parce que toi, tu sais ce que j'attends d'un homme ? Première nouvelle ! m'enflammé-je, offusquée.

—Pff, pourquoi tu compliques toujours la situation ? souffle t-il, visiblement contrarié aussi.

—Jim, s'il y a bien quelqu'un qui complique la situation depuis le départ, je t'assure que ce n'est pas moi...

Et le voilà qui reprend ses cent pas. Il va abîmer le parquet à force. 

De toute évidence, ce n'est pas facile de discuter sérieusement avec lui. Je comprends mieux pourquoi il se cache constamment derrière son humour à deux balles. C'est son armure, son bouclier, une façon de se protéger. Et si finalement, cette personnalité extravertie qui drague tout ce qui bouge n'était qu'une mise en scène, un jeu qu'il joue pour cacher le vrai Jim.

Un garçon sensible qui semble plus malheureux et torturé qu'il n'y paraît.

—Jim, je n'attends rien de toi, ni de personne d'autre d'ailleurs. Ça fait belle lurette que je ne rêve plus du prince charmant si c'est là où tu veux en venir... Je trouve juste que c'était plutôt sympa et agréable ce qui vient de se passer entre nous, sur ce... plan de travail, balbutié-je en rougissant.

Ses yeux d'un coup s'illuminent.

Silence.

Pour une fois, je réussis à garder mon sang froid, je réfléchis longuement avant de parler, pesant mes mots, cherchant la bonne intonation, la bonne attitude. Je me suis déjà bien assez ridiculisée comme ça depuis qu'on se connaît.

—Du coup... je trouve ça dommage, voilà tout. J'ai l'impression que tu as peur d'être avec moi parce que tu crois que si on couche ensemble ce soir, alors notre histoire sera scellée, comme gravée dans le marbre de notre futur caveau familial... Je me trompe ?

—Caveau familial ? C'est un peu glauque comme déclaration d'amour quand même ! s'exclame t-il.

—Déclaraquoi ? Non mais t'es fou, je ne déclare rien moi, t'as tout compris à l'envers, m'étranglé-je avec une voix plus aigue que prévu.

Il explose de rire.

—Okay, donc tu n'es pas en train de me demander en mariage ?

—Mais noooooon ! m'égosillé-je.

—Hahaha, Hélène, calme-toi, t'es rouge comme une tomate et en panique totale, je te faisais marcher voyons, m'avoue t-il, espiègle. Et toi, tu ne marches pas, tu cours !

Je suis outrée, il m'a vraiment fait passer par toutes les émotions possibles et inimaginables. Je fonce sur lui. Et paf, le petit coup bien placé dans les côtes.

—Aïeuh ! se marre t-il.

—Ne te moque pas de ma force Herculéenne, m'esclaffé-je.

—Je n'oserai jamais me moquer de toi, Xéna la guerrière va... Et donc, si tu ne veux pas de contrat de mariage et que tu me dis que j'ai tout compris à l'envers, ça signifie que tu ne veux juste un coup d'un soir avec moi, c'est ça ? me demande t-il alors.

—Roh, je n'ai pas dit ça non plus, c'est dingue comme tu es extrême. C'est pile ou face avec toi, chaud ou froid, blanc ou noir. J'abandonne, tu ne m'écoutes pas et tu sais quoi ? Je pense que ton humour là, celui que tu sors à toutes les sauces, c'est ta technique. Tu le fais exprès, tu esquives habilement la discussion et ni vu ni connu je t'embrouille, on passe à autre chose. Ah tiens, regarde, tu vas être content, le président en personne arrive à ta rescousse, abandonné-je la partie. 

Je pars vite m'asseoir sur le canapé et attrape la télécommande pour monter le son.

—Punaise, j'espère vraiment qu'il va annoncer la fin du confinement, prié-je à voix haute.

A suivre... :-)

Prochain chapitre, c'est Jim qui parle !

Confinée avec un Con finiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant