78 Jim

1K 111 29
                                    




Hélène vient de partir dans sa chambre. Elle était à deux doigts de pleurer, je l'ai vu sur son visage. Et je sens bien que cette fois-ci, c'est différent. Je l'ai blessée en lui parlant comme ça, aussi méchamment.

Je sers les poings, furieux. Mais pas contre elle, non. Je suis fâché contre moi-même. Je n'aurais pas dû m'emporter de la sorte, elle ne pouvait pas savoir. Elle ignore mon plus sombre secret, celui qui me hante jour et nuit, qui me bouffe, me ronge de l'intérieur depuis bientôt trois longues années.

Je soupire. Me voilà tout seul comme un con devant mon deuxième mojito à peine entamé.

Qu'est-ce que je fais ?

Est-ce que j'ai le droit d'aller toquer à sa porte pour essayer d'arrondir les angles, pour m'excuser ?

J'avance d'un pas hésitant dans le couloir.

Je sens mon cœur se serrer quand je l'imagine en pleurs juste de l'autre côté du mur. Je dois agir, je dois arrêter de me conduire comme un con fini, son insulte favorite depuis que nous nous sommes rencontrés.

Toc toc toc.

Mes doigts sont moites, tremblants. Mon pouls s'accélère, il pulse contre ma tempe.

—Hélène, je peux entrer ? murmuré-je, incertain.

—ça dépend. Tu comptes encore me crier dessus ? dit-elle.

Je prends ça pour un oui.

Mais lorsque j'essaie d'ouvrir, la porte heurte quelque chose qui est juste devant et qui m'empêche de la pousser davantage. Je regarde à travers l'encadrement et découvre Hélène, adossée par terre de l'autre côté.

—Euh, je suis bloqué, tu peux te décaler un peu, s'il te plaît.

Je l'entends se laisser traîner sur le plancher qui se met à grincer.

—C'est bon... renifle t-elle.

Je peux enfin rentrer. Je m'agenouille aussitôt devant elle, triste de l'avoir mise dans cet état.

—Hélène, je suis sincèrement désolé, je n'aurais pas dû t'aboyer dessus, je ne sais pas ce qui m'a pris, je me suis emporté sans réfléchir, à tort, et je le regrette.

Elle relève lentement la tête. Ses yeux sont brillants, son nez tout rouge.

—Moi aussi, je suis... je suis désolée pour toutes mes questions qui t'ont...disons, désarçonné. Je n'aurais pas dû non plus.

Je lui souris tendrement.

—Haha, « désarçonné », répété-je. C'est joliment dit. Aller, tu ne vas pas rester toute la soirée par terre quand même, viens avec moi.

Je me redresse et lui tends le bras pour l'aider à se relever. Elle me sourit à son tour puis attrape ma main. Au moment où ses doigts entrelacent les miens, j'ai soudain tout mon corps qui s'emballe. Depuis notre dernier baiser, il y a plus d'un mois maintenant, je n'ai plus jamais osé l'effleurer, m'approcher de trop près, au risque de franchir la ligne rouge, la limite qu'on s'est fixée sans jamais finalement en avoir rediscuté.

Arrêt sur image.

Je reste figé, le souffle coupé. Nos deux mains sont toujours collées, entremêlées.

Je la fixe langoureusement. Elle aussi semble être subitement intimidée.

Son regard vient de changer du tout au tout. Il y a quelques secondes à peine, elle était triste et vexée par mon comportement. Maintenant, j'ai l'impression qu'elle est en train de me donner son feu vert pour me rapprocher, et plus si affinités. 

Sauf qu'à ce stade de notre relation, une relation alambiquée depuis le départ, ce n'est plus seulement une simple affinité en ce qui me concerne, c'est autre chose.

Un sentiment plus fort, plus intense et chaque jour un peu plus incontrôlable.

Un sentiment que je refuse de nommer.

Sinon, il va devenir concret, réel, et je ne suis pas prêt.

Hélène s'appuie sur mon torse pour finir de se relever. Elle en profite pour virer les quelques centimètres qui nous séparaient encore.

Nous nous fixons un très long moment, sans oser parler.

Ne pas l'embrasser, ne pas l'embrasser, ne pas l'embr....

—Hélène, je... tenté-je de me trouver une excuse histoire de me défiler.

Mais il n'y a rien qui sort.

Hypnotisé par ses lèvres pulpeuses et rosées, je n'arrive pas à me retenir plus longtemps, son doux parfum finissant de me convaincre.

Du bout des doigts, je lui attrape le menton que je relève vers moi.

Le cœur battant, je l'embrasse comme s'il s'agissait de notre tout premier baiser.

A suivre...

Confinée avec un Con finiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant