73 Hélène

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—Soyez rassurée Hélène, votre grand-mère, Madame Fleury, est encore sous assistance respiratoire, mais ses constantes sont bonnes, son état n'est plus préoccupant pour l'instant.

—Oh, merci docteur ! m'exclamé-je, soulagée.

J'ai envie de lui sauter dans les bras mais bien sûr, je me retiens.

Je sens mes muscles, mon corps tout entier, se détendre au fur et à mesure de ses explications, presque comme si j'étais en pleine séance de massage et qu'on était en train de me débarrasser des tensions accumulées.

—Nous préférons la garder en observation 48 heures, je pense que déjà demain, nous serons fixés. Nous lui retirerons l'aide en oxygène dont elle a encore besoin. Mais vraiment, ne vous inquiétez pas trop Hélène, votre grand-mère n'a aucun autre signe clinique alarmant. Cette forme de covid-19 est plutôt légère si je puis dire, je pense qu'elle ne devrait en garder aucune séquelle malgré son âge.

—Merci docteur, répété-je, reconnaissante.

—Vous avez l'air fatigué, vous devriez rentrer chez vous, le médecin en charge de son dossier vous rappellera. Nous prenons soin d'elle, vous pouvez repartir l'esprit tranquille.

—Okay, super, on y va, viens Hélène, prononce Jim, indifférent.

Pressé, il a déjà tourné les talons en direction de la sortie sans daigner jeter un dernier regard à son père. Quant à moi, je n'ose pas bouger, gênée par la situation. Je vois bien que son père aimerait le rattraper pour essayer à nouveau de lui parler, mais il se ravise au dernier moment lorsque son bipper, accroché à sa blouse, se met à vibrer.

—Merci encore, et je... je suis vraiment désolée pour votre fils, ne puis-je m'empêcher de dire.

—C'est gentil, me sourit-il poliment. J'espère juste qu'il est heureux. Bonne journée Hélène, ravi d'avoir fait votre connaissance, rentrez bien.

Puis, il s'en va.

Je rejoins Jim dehors. Il fume une cigarette, adossé contre le mur de l'hôpital. Son masque est baissé sous son menton. Je le regarde sans oser m'approcher, voulant lui laisser un peu de temps seul pour digérer sa rencontre fortuite d'avec son père.

Pensive, je n'arrive pas à détourner mon regard de son profil qui disparaît derrière d'éphémères petits nuages de fumée.

Je repense alors à la phrase de son père à son sujet :

« —J'espère juste qu'il est heureux. »

Je me surprends moi aussi à l'espérer. Qu'il soit heureux depuis qu'il a emménagé avec moi.

« —Je... Avant, mon cœur était insalubre, inhabitable...Et puis, tu es entrée dans ma vie. » m'a avoué Jim pendant que nous étions dans le métro pour aller voir ma grand-mère.

Cette phrase, je la retourne dans tous les sens depuis qu'elle est sortie de sa bouche.

Est-ce qu'il le pensait vraiment ou était-ce sur le coup de l'émotion, simplement pour me réconforter, pour me déstresser un peu ?

Et puis, être entrée dans sa vie, c'est une chose, mais éprouver de réels sentiments, c'en est une autre. Peut-être qu'il parlait juste de notre colocation qui se passe plutôt bien, de notre bonne entente au quotidien. Enfin, la plupart du temps.

Il se retourne vers moi après avoir écrasé sa cigarette sur le bord du cendrier extérieur. Mon cœur s'accélère, je sens mon pouls battre plus fort contre mes tempes. Je me décide à avancer vers lui.

—Je suis content pour ta mamie, prononce t-il.

—Oui, moi aussi. Je revis ! Plus de peur que de mal si j'ai bien compris. Bon, je reste encore un peu stressée tant qu'elle ne sera pas rentrée chez elle et que je ne l'aurais pas vue mais c'est quand même une bonne nouvelle. Par contre, c'est vraiment affreux de ne pas avoir pu lui rendre visite, c'est franchement inhumain ce protocole à la noix.

—C'est difficile oui, mais ils ne peuvent pas prendre de risque. T'imagines si tous les proches repartaient contaminés eux aussi, ce serait l'hécatombe.

—Hum, oui, j'imagine que tu as raison, mais ça me rend triste de la laisser ici toute seule.

—Je comprends.

—En tout cas, un grand merci à ton père car sans lui, je serai encore là-bas à me faire du mauvais sang, je pense. Tu as vu tous ces gens, les pauvres, qui attendaient aussi pour avoir des nouvelles de leurs proches hospitalisés. Quelle angoisse ! Je crois que ne pas savoir, c'est le pire.

—Non, le pire, c'est quand au contraire, il n'y a plus aucun espoir, réplique t-il sèchement.

Ma gorge se noue en repensant à la mort de sa mère après des années de maladie.

—Oui, excuse-moi Jim, je... je ne voulais pas te blesser en disant ça.

—T'inquiète. Aller viens, rentrons chez nous.

« Rentrons chez nous », que cette phrase sonne bien à mon oreille.

Je souris niaisement tout en lui emboîtant le pas.

A suivre...

Confinée avec un Con finiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant