88 Hélène

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Alors que la grosse horloge comtoise derrière la table indique déjà minuit passé, Jim s'étire d'un coup et se met à bailler tellement grossièrement que je me demande s'il est réellement fatigué ou s'il joue la comédie.

—Mamy, Papy, merci pour votre accueil et ce délicieux dîner. Par contre, les six heures de route m'ont épuisé...

—Oh bien sûr mon chéri, il est tard, allez vous reposer. Marceau va m'aider à débarrasser.  

Je me lève brusquement, gênée.

—Oh, mais je vais vous aider aussi !

J'attrape mon assiette à dessert ainsi que celle de Jim, posée juste à côté.

—Non non, vous plaisantez,j'espère ! Vous êtes notre invitée Hélène, filez donc, allez vous coucher, me gronde gentiment Madeline, les deux mains posées sur ses hanches.

—Mais oui, t'inquiète pas va Hélène, Marceau va aider mamy. Marceau adore nettoyer, c'est une vraie fée du logis, se bidonne Jim.

Caché dans le dos de sa grand-mère, il offre un sourire narquois à son frère qui essaie alors de le viser avec le bouchon en liège de la bouteille de vin. 

Mort de rire, Jim l'esquive de justesse.

—Raté !

—Mais vous avez quel âge, sérieusement ? les sermonne Jean en se levant de sa chaise pour aller ramasser le bouchon par terre, tombé devant la cheminée en marbre rosé. 

—Quoi ? Qu'est-ce qu'ils ont encore fait ? se retourne Madeline qui n'a rien capté de la petite guéguerre entre frères.

Et voilà que les deux explosent de rire comme deux gamins de dix ans en pleine connivence.

Non, mais quel phénomène celui-là ! le jugé-je en repensant à notre première rencontre et à son sacré toupet.

—Jim, au lit, lui ordonne sa grand-mère pour rigoler. Bonne nuit Hélène, à demain. Si vous avez froid, il y a des couvertures supplémentaires dans l'armoire.

—Merci, c'est gentil. Bonne nuit à vous aussi.

Jim me fait signe de le suivre. Nous quittons la salle à manger et longeons un étroit couloir qui mène à un magnifique escalier en colimaçon.

—Le château de tes grands-parents est extraordinaire, dis-je, ébahie.

—Oui, il est cool, j'avoue. Quand on était gosse et qu'il pleuvait dehors, on jouait à cache-cache. Et vu le nombre de pièces et de recoins, je te laisse imaginer combien de temps pouvait durer une partie. En tout cas, tu vas voir, ma chambre est super aussi.

—Vous avez chacun votre chambre attitrée ?

—Oui. Enfin... Gaspard n'a jamais aimé dormir seul, il a toujours squatté la mienne.

—Pourquoi pas celle de Marceau ?

—Parce qu'il pète quand il dort !

Je pique un fard avant d'exploser de rire.

—Je ne m'attendais pas à cette révélation. Je ne verrai plus jamais ton frère comme avant.

Nous arrivons enfin en haut des escaliers, directement dans une immense pièce mansardée dont la déco me fait penser à l'esprit d'un vieux pub irlandais.

C'est trop beau, prononcé-je, essoufflée.

Il y a un billard, un babyfoot, un jeu de fléchettes et même un flippeur, un vrai, comme dans les films et séries des années 80/90.

—Non, mais c'est abusé, j'adore.

—Ouais, c'est notre salle de jeux, enfin, c'était l'excuse toute trouvée de mon grand-père pour la faire faire, pour ses petits enfants tu comprends, haha. Mais on a tous grandi depuis hein, et lui, je sais qu'il adore toujours venir ici. Il y boit son petit whisky confortablement installé dans ce fauteuil club là et regarde les matchs de rugby sur cet écran.

—Roh, trop bien ! Tes grands-parents sont géniaux, tu as beaucoup de chance.

Mais au moment où je sors ça sans réfléchir, je me rends compte que j'aurais dû tourner ma langue sept fois dans ma bouche avant de parler.

Parce que non, la vie de Jim n'est pas si chanceuse et rose que ça.

Que lui aussi n'a plus de maman.

Que son petit frère, avec qui il semblait tellement proche, est en prison pour je ne sais quelle raison sordide, et qu'il est en froid avec son père depuis très longtemps sans jamais avoir réussi à lui pardonner sa liaison.

—Je suis désolée d'avoir dit que tu avais de la chance, je sais que ta vie n'est pas facile...

Il m'attrape tendrement la main.

—Non, mais t'as rien dit de méchant, ne t'inquiète pas, me coupe t-il avant de m'embrasser. Tu as raison en plus, j'ai vraiment beaucoup de chance de les avoir et tu vois, je n'ai pas su m'en rappeler ces dernières années, je n'ai pas été super présent ni reconnaissant pour toute l'aide et l'amour qu'ils m'ont toujours apporté. Ce week-end, ici avec toi, me fait beaucoup de bien. Je crois qu'il me remet les pendules à l'heure.

Il m'embrasse une seconde fois, plus intensément, plus sensuellement.

—Bon, trêve de papotages, j'ai envie de toi !

A suivre... :-)

J'espère que ce petit séjour à Sauternes qui touche bientôt à sa fin vous plaît !

Et je sais, on a pas appris grand chose finalement sur Jim et ses secrets, mais ça ne serait tarder, enfin... en tout cas, on va en apprendre davantage... ;-)

Confinée avec un Con finiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant