99 Jim

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Non mais comment ai-je pu en arriver là ? Frôlant l'infarctus, titubant maladroitement vers Hélène sous l'œil pantois de Sophia.

Hier encore, j'avais l'impression de tout recommencer à zéro, d'ouvrir enfin un nouveau chapitre d'un tout nouveau genre. Un feel good romantique au beau milieu des vignes de mon enfance, cette partie de ma vie encore vierge des souffrances que j'allais accumuler et endurer dès le début de l'adolescence.

Hélène, c'est cette fille, cette femme, qui je ne sais comment, a su tendre la main à mon petit garçon intérieur, recroquevillé dans son coin et ne voulant plus jamais sortir de sa cachette.

Et maintenant que je suis prêt à me relever, prêt à affronter la réalité, j'ai tout gâché en lui lâchant la main.

—Hélène, viens avec moi s'il te plaît, allons discuter dans ma chambre rien que tous les deux, tenté-je de l'attirer vers moi pour éviter de continuer cette conversation gênante devant mon ex.

—Ne me touche pas ! m'aboie t-elle dessus.

—Euh, Jim, je pense qu'il vaut mieux que j'y aille, intervient soudain Sophia sur un ton embarrassé et malhabile. Je... je ne voulais pas foutre la merde entre vous. Hélène, je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais je t'assure qu'il ne s'est rien passé entre lui et moi. Jim voulait juste m'aider, c'est tout.

—T'aider à faire ta lessive ? lance alors Hélène en jugeant sa tenue.

—Bon ça suffit ! m'emporté-je, à bout.

Après deux jours sans dormir, je manque forcément de patience.

—Sophia, tu ne t'en vas nulle part, c'est hors de question car tu n'as nulle part où aller de toute façon. Et toi, s'il te plaît, tu viens avec moi, sortis-je de mes gonds.

J'attrape Hélène par la main et l'oblige à me suivre jusqu'à ma chambre dont je referme la porte derrière nous.

A croire que le petit garçon qu'elle a aidé à se relever apprend maintenant à s'affirmer.

—Je t'écoute.

Elle s'assoit sur le rebord de mon lit. Je préfère rester debout.

Jim, putain, arrête de chercher désespérément tes mots, et montre-toi convaincant !

Tout ce que j'ai à dire, c'est la vérité. Ce n'est quand même pas sorcier d'avouer la vérité.

—Par où commencer... réfléchis-je à haute voix.

—Facile, qui est Sophia ? Ah oui, ton ex, c'est ça ? Marceau m'a dit, te fatigue pas. Mais pourquoi tu ne m'as jamais parlé d'elle et pourquoi elle porte ton t-shirt ? Et pourquoi tu ne m'as pas écrit ni appelé ? T'imagines tout ce que j'ai pu ressentir depuis ton départ ?

Oula, je n'aime pas ça.

Quand elle empile comme ça un tas de questions les unes sur les autres juste devant moi, c'est systématique, je panique et me renfonce dans ma coquille déjà fissurée de partout.

—Marceau ? Putain, mais il ne pouvait pas fermer sa grande bouche, lui aussi ! m'énervé-je.

—Ne commence pas à accuser les autres, j'avais vu son prénom sur ton téléphone avant que tu ne t'en ailles, il n'a fait que confirmer mes doutes.

—Tu as fouillé dans mon téléphone ? me renfrogné-je direct.

Non mais pourquoi à chaque fois que j'essaie de parler avec elle pour arrondir les angles, on finit à la place par tailler deux pieux pointus et acérés en guise d'armes ?

—Jim, tu t'es barré sans explication ! Alors oui, j'ai voulu savoir, c'est humain.

Hum, je sais en plus qu'elle a raison. Mais impossible de lui montrer.

—Sophia est effectivement mon ex mais je n'avais plus de nouvelle d'elle depuis deux ans, je te le promets, et si j'ai dû partir à la sauvette comme ça, c'est parce que j'estimais qu'elle était en danger et que je devais agir sans attendre.

—En danger ?

—Oui.

—En danger de quoi ?

—Je... Je n'ai pas le droit de t'en parler, ce serait déplacé, ça ne te concerne pas. Mais putain, j'aimerais juste une fois dans ta vie que tu me fasses confiance.

—Te faire confiance ? Mais Jim, à chaque fois que j'essaie d'apprendre à te connaître, à te faire confiance comme tu dis, tu fuis, tu me baragouines, tu ne peux JAMAIS en parler justement ! J'en ai ras le bol de ces fichues énigmes autour de ta petite personne, de tous ces points floutés sur ton passé. Soit, c'est sérieux entre nous et tu n'as plus rien à me cacher, soit ça ne l'est pas, et on arrête là avant que ça ne dégénère davantage encore.

—C'est un ultimatum ?

Elle marque un temps d'arrêt. Elle hésite. Mais je la connais, tout comme moi, une fois qu'elle est lancée, elle arrive rarement à faire machine arrière.

—Appelle ça comme tu veux, finit-elle par me répondre, ce qui me fait littéralement dégonder.

—Okay, sortis-je furax. Et pour Sophia, qui n'a nulle part où aller, est-ce que j'ai l'autorisation de MADAME la propriétaire pour l'héberger quelques jours ?

—Rien à foutre, je me casse, tu paies la moitié du loyer après tout, c'est chez toi aussi donc, ô mon très cher colocataire !

Elle se relève furibonde et quitte la pièce sans se retourner.

Putain, je fulmine, j'ai envie d'enfoncer mon poing en plein dans la porte qu'elle vient de claquer bruyamment derrière elle.

Cette nana me rend dingue. Hors de question que je lui cours après.

Et en même temps, j'ai l'impression à chaque fois que je veux communiquer avec elle qu'on ne parle pas la même langue.

Un vrai langage de sourds. Ou alors, c'est peut-être parce qu'on se ressemble plus qu'on ne veut se l'avouer depuis le début.

Et alors que sur le papier, les choses me paraissaient plutôt simples à expliquer, encore une fois, lorsque je me suis retrouvé face à elle et son regard inquisiteur, j'ai perdu tous mes moyens et je me suis conduis comme un ado rebelle doublé d'un parfait idiot.

Et merde !

A suivre... ;-)

J'ai beaucoup aimé rédiger ce chapitre qui m'a rappelé leur début tumultueux... hahahah

Confinée avec un Con finiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant