70 Jim

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—Jim ?

Mon cœur rate un battement. Cette voix grave me tétanise sur place. J'ai prié dans le métro tout à l'heure pour ne pas le croiser à l'hôpital. Je me suis fait discret, j'ai rasé les murs, car c'est bien connu qu'ils ont des oreilles et qu'elles pouvaient remonter jusqu'à lui.

Cet hôpital est pourtant immense de plusieurs étages, truffé d'interminables et longs dédales de couloirs où j'ai cru me sentir à l'abri, caché de surcroit derrière mon masque blanc.

Et pourtant, le voilà qui se tient devant moi, la moitié du visage que je déteste tant dissimulée lui aussi derrière son masque FFP2, en forme de bec de canard.

Je me relève brusquement, lâchant la main d'Hélène qui n'ose pas bouger.

Je fronce les sourcils.

—Papa ? Putain, qui t'a dit que j'étais là ?

—Personne. Je t'ai reconnu au distributeur. Même avec ton masque, je te reconnaitrai entre mille.

Sans déconner, quelle était la probabilité pour que je tombe sur lui dans un endroit pareil, dans une période pareille ? pensé-je, énervé.

—Jim, j'aimerais beaucoup que tu me laisses une chance de te parler... sans que tu ne partes en courant, cette fois-ci.

—Je n'ai rien à te dire !

—Mais moi, si. J'ai beaucoup de choses à te dire et ça fait dix ans maintenant, tu ne peux tout de même pas me fuir éternellement ?

—Détrompe-toi, je peux.

—Jim, je t'en prie, je ne sais plus quoi tenter pour que tu m'écoutes enfin. Je... je pensais qu'au procès de ton frère, on aurait pu discuter, mais même là, où on aurait dû se montrer soudés pour le bien de Gaspard, tu ne m'as pas adressé la parole. C'est ta grand-mère qui m'a annoncé pour tes études, alors que tu venais de valider ton internat. J'ai été atterré.

Je lève les yeux au ciel. Je décide d'esquiver la partie concernant l'abandon de mes études de médecine. ça ne le regarde pas !

—Le bien de Gaspard, répété-je hargneusement. Depuis quand tu te soucies du bien des tes gosses, toi maintenant ?

—Jim ! Tu es injuste.

Je le fusille du regard, les mains tremblantes de colère. Une colère enfouie en moi depuis la mort de ma mère.

C'est à ce moment-là qu'Hélène, sentant sans doute que je ne vais pas tarder à péter une durite, décide de se relever à son tour pour se présenter.

—Bonjour Monsieur, je suis Hélène, la colocataire de Jim.

Mon père, qui jusque là ne lui avait prêté aucune attention, se tourne vers elle en souriant malgré la tension palpable entre nous.

—Enchantée Hélène, je suis le père de Jim, mais je ne pense pas qu'il vous ait déjà parlé de moi, si ?

—Euh... un peu, enfin pas vraiment non.

—Bon, stop, t'as pas du boulot ? Une patiente ou une secrétaire à baiser ? les interrompté-je, furieux.

—Jim ! s'insurge mon géniteur.

Les quelques personnes assises autour se demandent ce qu'il se passe en nous jetant quelques œillades indiscrètes.

—Bon écoute, il faut vraiment qu'on parle toi et moi, ça ne peut plus durer, me réprimande t-il comme s'il pensait en avoir encore le droit, comme si j'étais encore un gamin de dix ans vivant sous son toit.

Il m'attrape par le bras.

—Viens avec moi, s'il te plaît, on ne va pas se donner en spectacle ici.

Je sens une sorte de décharge électrique me traverser de part en part tant son geste déplacé me sort de mes gonds.

—Je te conseille, PAPA, de me lâcher immédiatement.

Hélène, qui a senti que je pouvais dérailler d'un instant à l'autre, intervient et attrape mon père par l'autre bras.

—Monsieur, j'ai un service à vous demander, dit-elle, les yeux larmoyants.

Il me relâche enfin pour écouter Hélène.

—Si nous sommes là, je suis désolée de vous décevoir, mais ce n'est pas pour vous rendre visite. C'est ma grand-mère, elle a été admise ce matin pour une suspicion de covid. Je sais qu'elle était en détresse respiratoire quand ils l'ont emmenée mais depuis, je n'arrive pas à obtenir la moindre information.

Quant à moi, je le fixe sans rien ajouter, ravalant ma haine derrière mon masque.

—Je... Okay, je vois bien que vous êtes une personne spéciale pour Jim, je vais me renseigner, je reviens.

—Merci infiniment, docteur !  Nous attendons là, on ne bouge pas.

Et le voilà qui repart enfin, pour mon plus grand soulagement.

Je regarde Hélène, extrêmement reconnaissant d'avoir fait diversion, même si je sais bien qu'elle était sérieuse en lui demandant ce service et que la pauvre est en train de se rendre malade à ne toujours rien savoir sur l'état de sa grand-mère.

J'espère de tout cœur que les nouvelles seront bonnes, ou du moins, pas trop alarmantes.

A suivre...

Oh oh, je crois qu'il est tant pour Hélène d'en savoir un peu plus sur le passé de Jim...

Confinée avec un Con finiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant