Chapitre 7-2

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Je m'arrêtai à deux pas derrière Jude qui me tournait le dos. Il se trouvait debout à quelques centimètres du cadavre, son regard toujours rivé sur celui-ci.


— C'est sûr que d'où vous vous trouvez, vous n'êtes pas près d'arriver à grand-chose ! persiffla-t-il en se tournant vers moi avec un regard moqueur, qui s'évanouit à l'instant où il croisa le mien.


Vu l'éclair de commisération ou plutôt de consternation que je vis passer dans ses yeux, je devais vraiment avoir l'air pitoyable. Néanmoins, au lieu de la vacherie à laquelle je m'attendais, il me prit au dépourvu et s'approcha de moi pour me poser doucement une main sur l'épaule.


— Premier cadavre ?


Question à mon avis superflue, puisque le petit sourire entendu qu'il arborait signifiait qu'il en connaissait déjà la réponse. Raison pour laquelle, je ne pris même pas la peine de lui en donner une et rassemblai tout mon courage défaillant pour faire un pas de plus en avant.


— Si vous comptez réellement essayer, vous allez devoir vous approcher. Fermez les yeux, ça peut aider, me dit-il avant de s'éloigner en direction de l'entrée, où il s'arrêta et se mit à scruter les environs, comme s'il montait la garde.


Si je n'avais pas été aussi mal et aussi stressée, je lui aurais sans doute répondu de garder ses conseils pour lui et en des termes moins polis, mais je me retins. Après tout, à sa manière, il avait quand même fait un effort pour me réconforter ; et puis ce n'était pas comme si j'avais le choix. J'avais déjà décidé de le faire, je n'avais donc plus qu'à m'y mettre. Je m'agenouillai prudemment à côté du corps et pris bien garde à ne pas le regarder, ni le toucher, avant de baisser les paupières.


J'attendis quelques secondes d'avoir retrouvé un semblant de calme, puis j'inspirai profondément, sauf que je ne distinguais aucune odeur. Pourtant, au bout de quelques minutes, la sensation froide et visqueuse, que je commençai à associer aux serpents, revint. Elle semblait venir de la droite, la partie de la grotte dissimulée dans les ténèbres. Si sombre d'ailleurs, qu'il était impossible d'en déterminer la taille exacte.


Je rouvris les yeux, me relevai et commençai à me diriger dans cette direction, Jude sur mes talons. Lorsque je stoppai au bout de quelques pas, faute de lumière, il faillit me rentrer dedans et poussa alors quelques jurons très créatifs. Il pouvait me traiter de tous les noms si cela lui chantait, il était hors de question que je fasse un pas de plus alors que je ne voyais pas plus loin que le bout de mon nez. J'allais me rompre le cou !


Il me dépassa en grommelant entre ses dents des paroles incompréhensibles, même s'il me sembla discerner le mot « taupe », avant qu'il ne s'enfonce dans les ténèbres. Je préférai ne pas relever et attendis que Monsieur revienne. Ce qu'il fit relativement rapidement, pour s'arrêter devant moi dans un soupir déchirant.


Il chercha quelque chose dans l'une de ses poches et finit par me tendre un petit cylindre argenté, qui s'avéra être une lampe de poche, pour enfin se décaler et attendre que je reprenne là où je m'étais arrêtée. J'allumai la lampe tout en lui jetant un regard noir auquel il répondit par un petit ricanement moqueur. Comprenant que sur le plan de la communication nous étions dans une impasse, je tâchai de me reconcentrer et repris mon chemin d'un pas prudent tout en suivant le petit faisceau lumineux. Au bout de quelques mètres, le sable et la terre cédèrent la place à de la roche brute et nous arrivâmes au fond de la grotte, devant une paroi de pierre impénétrable.

Féline. Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant