Chapitre 8-2

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***

Merde ! C'était la troisième fois de la journée que je tombais dans les pommes. Un record assurément, mais pas très rassurant sur mon état de santé. J'émergeai difficilement. J'avais la tête dans un étau, la bouche aussi sèche que le Sahara et mes bras m'élançaient méchamment. Néanmoins, je respirais plus facilement. Mes yeux eurent du mal à faire le point, pour enfin s'ouvrir sur le visage de Jude qui me couvait d'un regard inquiet. Ça, c'était assurément bizarre ! Voire carrément flippant. Je devais être à l'article de la mort pour qu'il me regarde comme ça.

— Bon retour parmi nous, dit-il d'une voix douce et inquiète, tandis qu'il me caressait tendrement les cheveux d'un geste calme et apaisant.

— Je vais mourir ? lui demandai-je faiblement, désarçonnée par son attitude étrange.

— Mais non, petite idiote ! me sourit-il gentiment. Qu'est-ce qui te fait penser ça ?

Tiens, on était passé au tutoiement tout à coup ?

— Pas de vannes blessantes, ni de remarques sarcastiques. J'ai pensé que mon état devait être grave pour un aussi radical changement de comportement ! expliquai-je d'une petite voix essoufflée, tout en peinant pour me redresser.

Je l'entendis rire doucement pendant que je m'asseyais. Une fois stable, je profitai du fait d'être dos à lui pour examiner mes bras pour la première fois, et cela n'avait rien d'encourageant. Des brûlures à divers stades de cicatrisation s'étalaient du bout de mes doigts jusqu'au coude. C'était moche, mais ça aurait pu être pire. Ça aurait dû être pire, en vérité.

— Combien de temps suis-je restée dans les vapes ? demandai-je, tandis que je me tournais pour pouvoir le regarder.

— Ici, la notion du temps est un peu faussée, mais je dirais une heure ou deux.

— Je comprends mieux ton air inquiet.

— Non, ce n'est pas ça qui m'inquiétait. En fait, tu ne t'es réellement évanouie que quelques minutes. Ensuite, tu as sombré dans un profond sommeil, ce qui n'a rien d'inhabituel pour un métamorphe blessé. En revanche, les brûlures mettent généralement plus de temps à guérir. Néanmoins, la cicatrisation devrait être beaucoup plus rapide que ça, m'expliqua-t-il avec un signe de tête en direction de mes bras.

— Et ça t'inquiète parce que... commençai-je intriguée.

— Ça peut vouloir dire que tu as des blessures internes graves que ton corps doit soigner en priorité. Au-delà d'un certain nombre de dégâts, la capacité de guérison accélérée dont nous bénéficions ne suffit plus, dit-il d'une voix grave.

Je n'avais pas complètement tort finalement de demander si j'allais mourir. A priori, ce n'était pas passé loin.

— Il y aurait une autre hypothèse envisageable ? demandai-je en me retournant doucement pour lui faire face.

— Tes gènes déficients... peut-être ? dit-il l'air moqueur, alors qu'il penchait la tête sur le côté un petit sourire aux lèvres.

— Ah ça y est, ta commotion cérébrale est guérie, tu retrouves ton vrai caractère !

Il avait beau l'avoir dit sur le ton de la plaisanterie, sa remarque avait fait remonter des sentiments tout sauf agréables. Il rigola doucement et se leva.

— Et toi, tu es guéri ? lui demandai-je sèchement.

— Évidemment ! me rétorqua-t-il d'un air supérieur.

Ah, c'était officiel : le « sale con » était de retour. Je secouai la tête d'un air résigné.

— Que s'est-il passé exactement ? me questionna-t-il, alors qu'il inspectait prudemment l'éboulis qui obstruait à présent le tunnel.

— Je crois que quand ça fait un gros boum, on appelle ça une explosion, non ? me moquai-je à mon tour en reprenant sa phrase.

Il ne daigna pas répondre à mon trait d'humour et se retourna pour me décocher un regard mauvais.

— J'ai cru sentir comme une sorte de résistance au niveau de la cheville et... un petit bruit métallique. Mais je ne suis sûre de rien.

Il fronça imperceptiblement les sourcils et émit un petit bruit de langue agacé.

— Cela voudrait dire que la galerie était piégée ? réfléchit-il à voix haute. Mais ça n'a pas de sens !

— Si. Si ceux qui ont enlevé Martha voulaient nous empêcher de remonter sa piste.

— Et ils auraient posé un piège si sophistiqué en si peu de temps ? D'autant plus qu'ils ne pouvaient pas savoir que nous étions là, à moins de nous espionner. Ce qui est improbable, je l'aurais remarqué. Non... Ce piège était déjà là, mais la question, c'est pourquoi ?

— Ton raisonnement est bancal. Puisque Martha venait de ce tunnel, elle aurait dû le déclencher ce fameux piège, lui précisai-je acerbe.

— Pas si elle l'a évité, elle ! Sous sa forme reptilienne, elle est certainement passée sans le déclencher.

Je décidai de ne pas relever l'accusation implicite et me concentrai sur son raisonnement.

— Et elle était ? Un reptile, ça je sais, le coupai-je avant qu'il n'ait le temps de me reprendre. Mais de quelle espèce ? Car il y en a de toutes les tailles des serpents, il me semble ! terminai-je.

— Une vipère. Bien assez petite et vive pour passer sous le dispositif.

— Alors pourquoi l'a-t-on retrouvée sous forme humaine ?

— Elle devait se croire en sécurité, énonça-t-il d'un ton sinistre. Une erreur de jugement, de toute évidence...

Féline. Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant