Chapitre 16-1

8.2K 1K 214
                                    





Je restai une bonne minute à fixer les taches de mon propre sang sur le sol, puis les marques sur mon bras. Je comprenais mieux leur état maintenant et le fait qu'ils aient mis si « longtemps » à guérir. Mes brûlures avaient dû se rouvrir au contact du sol pierreux sur lequel j'avais finis par me faire traîner, à bout de force. J'avais visiblement repeint tout le tunnel avec mon sang ! Mais, insensibilisée par mon état de choc, je ne m'étais rendu compte de rien et, avec le recul, heureusement. Il fallait que je trouve une bonne explication à lui fournir afin de calmer sa suspicion grandissante. Le pire était que je ne pouvais même pas lui en vouloir, c'était un peu dur à avaler. J'aurais eu la même réaction, il n'y avait pas si longtemps.

Ne trouvant aucune solution miracle, je décidai de tenter une diversion. Je me relevai et en profitai pour recouvrir mon bras d'un geste vif, avant de me retourner vers l'entrée du tunnel et faire mine de vouloir sortir de la grotte.

— Qu'est-ce qui brille là, par terre ? dis-je de ma plus belle voix surprise, le regard rivé au sol.

S'il fut étonné par mon changement peu subtil de conversation, il n'en laissa rien paraître et vint voir ce que je lui désignais. Il se pencha pour la ramasser et l'examina en la faisant tourner entre ses doigts d'un air songeur.

— C'est une balle. Qui plus est une balle ayant déjà été tirée. Maintenant... J'aimerais que vous m'expliquiez une fois pour toutes ce qu'il se passe exactement ?

Accroupi, le projectile entre les doigts, il me regardait d'un air à la fois courroucé et interrogateur.

— Je n'en sais pas plus que vous, commençai-je.

— Foutaises !

Il se releva brusquement et s'approcha de moi, son visage subtilement modifié par la colère. J'eus un mouvement de recul et me retrouvai dos à la paroi. Il s'avança encore jusqu'à ce que son visage ne soit plus qu'à quelques dizaines de centimètres du mien.

— Cette grotte est impossible à trouver sans une carte détaillée, à part par accident, me souffla-t-il doucement. Vous avez réussi à sortir de cet endroit, soi-disant seule, en ayant perdu au moins un litre de sang et à retourner en ville par vos propres moyens sans attirer l'attention de personne ? Déjà plus qu'improbable, mais bon ! Et enfin, pour finir, vous arrivez à distinguer une balle d'à peine un centimètre, qui soit dit en passant ne brille pas du tout, dans une caverne sombre et tout ça sans lumière ? Alors de deux choses l'une : soit vous avez une vue surnaturelle, soit c'est vous qui l'avez mise là. Je pencherais plutôt pour la seconde hypothèse, vu qu'en plus de ça la balle est propre comme un sou neuf. Alors je réitère ma question... Que se passe-t-il réellement, BORDEL ?!

Il n'avait élevé la voix que sur le dernier mot, me prenant au dépourvu. J'eus soudain envie de m'enfuir, mais son corps immobile me barrait la route.

— Très bien, vous avez gagné... J'ai une vue bionique ! ironisai-je avec un petit sourire, les yeux fixés dans les siens.

J'espérai que mon trait d'humour le désarçonnerait le temps de trouver une explication plausible ou, qui sait, un miracle. Évidemment, son regard resta froid et son visage impassible. Je fis mine de me dégager, ce qui eut pour effet de le faire s'approcher encore plus. Lentement, il prit appui de ses mains sur le mur, encadrant ma tête de ses bras, avant de se pencher vers moi.

— Il va falloir trouver mieux que ça, me murmura-t-il, à quelques centimètres de ma bouche.

Pendant un bref instant, j'envisageai de l'embrasser. Ses lèvres n'étaient qu'à un centimètre des miennes et cela ferait à coup sûr une diversion plus qu'efficace. Néanmoins, je restai figée devant lui perdant tous mes moyens, chose qu'il avait parfaitement anticipée vu le petit rictus satisfait qu'il arborait. Son regard pénétrant semblait vouloir me dire : « Dis-moi ce que je veux savoir ou embrasse-moi si tu l'oses ! »

Heureusement pour moi, sa position avait une faiblesse et j'en profitai pour me glisser sous son bras droit et sortir de la caverne aussi vite que je le pus. Dès que je fus dehors, je sus que Jude était toujours là et qu'il était tout sauf content. Comment je le savais ? Aucune idée, mais sa mauvaise humeur semblait parfumer l'air.

— Pourquoi vouliez-vous que je trouve cette balle ?

Mais c'est pas vrai ! Il était pire qu'un rottweiler ce mec, il ne lâchait jamais rien. Je ne me retournai pas, car je ne trouvais rien à lui dire. J'en avais marre de mentir, marre d'avancer à tâtons, et tout ça pour quoi ? Retrouver le cadavre de mon amie criblé de balles au fin fond d'un trou. Mes épaules s'affaissèrent et je me laissai aller au désespoir. Après tout qu'il m'arrête, qu'est-ce que ça changerait ? La seule personne pour laquelle je comptais était sûrement morte à l'heure qu'il est, vraisemblablement à cause de moi et de plus sans raison valable. Je n'avais même plus l'envie de bouger. Je restai là, les bras ballants, la tête basse, des larmes silencieuses coulant le long de mes joues. Je m'attendais à ce qu'il me crie dessus, qu'il me menace de poursuites, d'arrestation et de procès, au lieu de quoi je l'entendis s'approcher sans un mot derrière moi.

Il me prit doucement l'épaule avec sa main et me fit pivoter vers lui. Puis, sans même chercher à établir un contact visuel ou à me parler, il me prit dans ses bras. Il me maintint contre lui en me caressant doucement le dos d'un geste apaisant, tandis que je pleurais sur sa veste. C'était un geste inoffensif, mais tellement inattendu et inhabituel pour moi que cela me sortit de mon état dépressif momentané. C'était l'une des rares fois au cours de ma vie où quelqu'un m'apportait du réconfort spontanément et que je le laissais faire. En fait, la seule depuis que j'étais adulte.

Je me ressaisis et le repoussai doucement tandis que j'essuyais discrètement les larmes et la morve qui, je venais de m'en apercevoir, me coulait du nez. Pour ajouter à mon embarras déjà titanesque, il me tendit un mouchoir en papier qu'il avait sorti de sa poche. Je le pris, en prenant bien garde de ne pas le regarder, et me retournai pour me moucher le moins bruyamment possible.

— J'ai l'impression que vous êtes entraînée dans un truc qui vous dépasse complètement, reprit-il d'une voix neutre, mais douce. Ce que je ne sais pas, c'est si vous ne voulez pas m'en parler ou si vous ne pouvez pas m'en parler ? Ce dont je suis certain, par contre, c'est qu'il y a des choses que je ne m'explique pas, et une en particulier. Depuis que je vous ai rencontrée, mon instinct me dit qu'il y a un truc qui cloche dans votre histoire... mais je ne peux néanmoins pas m'empêcher de vous faire confiance. Alors que vous n'avez vraiment rien fait pour la mériter jusqu'à présent.

Il parlait doucement, d'une voix pensive et perplexe à la fois. Lorsqu'il se tut, je n'osai pas combler le silence.

— Je vous propose quelque chose, Christina, me dit-il gentiment en captant mon regard. Puisque mon instinct a bêtement décidé de vous faire confiance, je vous propose de faire de même. Parlez-moi franchement. Expliquez-moi réellement ce qu'il se passe et je ferai au mieux pour vous aider sans être trop indiscret. Qu'en pensez-vous ?



Féline. Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant