Chapitre 27-2

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Puis il me poussa sans ménagement vers ses deux acolytes qui entre-temps s'étaient rapprochés de nous.

Très rapidement, je me retrouvai dans une espèce de chaufferie où l'on me fit assoir brutalement dos à un gros tuyau, avant de tirer douloureusement mes bras en arrière et de m'attacher les mains avec des menottes. Je ne pus retenir un cri de douleur lorsqu'il malmena mon épaule blessée. Un voile blanc passa devant mes yeux et une vague de nausée me submergea brièvement avant qu'ils ne quittent la pièce sans un mot et ferment à clef derrière eux. Ils ne comptaient pas se faire avoir deux fois, apparemment !

Je me demandai brièvement ce qu'ils entendaient par « grand ménage » et me donnai mentalement une gifle. Il ne fallait pas être sorti d'Harvard pour deviner ce que ça voulait dire. J'espérai juste que ma petite diversion avait laissé assez de temps à Aria et à Féline pour s'enfuir et croisai mentalement les doigts pour que le récent silence psychique que j'éprouvais soit déjà un bon indice.

Je me permis alors de me laisser aller à la douleur, puis à l'abattement. J'en avais bien le droit après tout ! me fit ironiquement remarquer une petite voix intérieure. J'avais tout de même réussi à sauver Aria, ce qui au vu de mon pedigree, était déjà pas mal, voire inespéré. Néanmoins, je ne pouvais pas m'empêcher de m'en vouloir de ne pas avoir pu retrouver les autres. La fatigue, l'incertitude, la peur et un horrible sentiment de vide et de solitude m'assaillirent, et je m'écroulai littéralement, autant physiquement que moralement.

C'est alors qu'elle fut là, remplaçant le vide et le désespoir. Cette sensation et cette odeur inimitable de sous-bois et d'air chaud qui commençait à me devenir familière. Jude. Il était bien là, mais pas seulement à l'extérieur du bâtiment. Il semblait me remplir de l'intérieur, m'insufflant de la force et de l'espoir. C'était tellement différent des fois précédentes, plus intense, plus intime et surtout, bizarrement réconfortant. Il semblait faire partie de moi, un peu comme quand j'étais près de Féline, quoique... non, c'était subtilement différent, bien que je n'eusse su dire exactement en quoi. Je ressentais à nouveau ses émotions, comme cette unique fois juste après avoir bu son sang. Il était à la fois soulagé qu'Aria soit sauve et fou d'angoisse à l'idée de ne pas me voir sortir du bâtiment. Il avait peur d'être arrivé trop tard pour me sauver et cherchait désespérément un moyen de pénétrer à l'intérieur pour me retrouver. Je le sentais.

Il ne fallait pas ! Je fus un instant prise de panique et cela me fit presque oublier ma douloureuse situation. S'il pénétrait dans le bâtiment, il se ferait capturer, ou pire... tuer. Il fallait que je le prévienne ! Je tentai de me concentrer malgré la douleur de plus en plus forte qui irradiait dans tout mon bras et la lassitude qui s'emparait de tout mon corps, mais c'était trop tard, le mal était fait. Il venait de se rendre compte en direct que j'étais blessée, prisonnière et donc dans l'incapacité de sortir seule du bâtiment. Ce qui, en tout bon mâle de Cro-Magnon qu'il était, le rendait dingue.

Je sentis qu'il essayait de me rassurer, de ne pas trop me faire sentir sa panique, mais c'était raté et si Jude paniquait, c'est que j'avais du souci à me faire. Je sentis sa résolution, maintenant qu'Aria était en lieu sûr, de s'allier à Worth et de tout mettre en œuvre pour me faire sortir de là avant que tout le bâtiment ne parte en fumée. La peur m'envahit instantanément, plus vite que n'importe quel brasier. S'il y avait bien une chose dont je n'avais pas envie, c'était de finir brûlée vive !

Féline. Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant