Chapitre 13-1

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C'est à l'instant où je me réveillai que je compris que je m'étais endormie. La peur suivie d'un sentiment de honte me submergea brièvement lorsque je pris conscience que n'importe qui aurait pu entrer et nous attaquer sans que je m'en rende compte.

Je me souvenais avoir lutté obstinément contre mon épuisement, mais c'était lui qui avait finalement remporté la bataille. Sans réfléchir, je baissai les yeux vers mes genoux et me rendis compte que je n'avais plus le couteau. Je redressai brusquement la tête pour regarder autour de moi et vis Jude assis un peu plus loin, entre moi et la porte, l'arme à portée de main. Il s'aperçut que j'étais réveillée et se leva gracieusement pour s'approcher de moi. Il était torse nu et même si je n'avais pas beaucoup de points de comparaison, ça valait le coup d'œil.

Me rendant compte que je le fixais bêtement, je détournai brusquement la tête et regardai plutôt mes genoux. Je n'osais pas croiser son regard, de peur qu'il n'ait remarqué ma réaction. De plus, mon visage devait certainement avoir pris une magnifique teinte pivoine. Seigneur, je devais vraiment être en manque pour réagir comme ça. À moins que ce ne soit la fatigue et le stress ? Oui, c'était surement ça !

Il vint s'assoir presque en face de moi et s'adossa à notre rempart de fortune. Il tendit le bras et du bout de son index sur mon menton, me releva doucement la tête, puis planta son regard sombre dans le mien.

— Merci, me souffla-t-il d'une voix très douce.

Je ne savais pas quoi répondre, à la fois gênée par sa gentillesse inhabituelle et sa proximité physique. Je dégageai doucement mon menton et portai mon regard ailleurs, n'importe où plutôt que dans sa direction, et dis la première chose qui me passa par la tête.

— Comment tu te sens ? bredouillai-je me rendant compte de l'absurdité de ma question.

— Bien... et c'est grâce à toi. Encore merci, sourit-il. Tu vas me dire pourquoi tu as l'air si gênée en ma présence d'un seul coup ? Il s'est passé quelque chose ? Un truc dont je ne me souviens pas ?

— Quoi ? mais non... heu... pas du tout ! C'est juste que... le fait que tu sois torse nu... me perturbe, voilà, répliquai-je instantanément sur la défensive en rougissant de plus belle.

— C'est de ton fait, je te signale ! dit-il en rigolant doucement.

— C'était pour la bonne cause, me justifiai-je. Sur le moment, je n'avais pas vraiment d'autres choix.

Il se leva, son sourire goguenard aux lèvres, et alla chercher sa veste passablement abîmée, qu'il enfila et boutonna. Ce léger déplacement me permit de voir que ses blessures étaient complètement refermées, mais qu'il garderait certainement des cicatrices. Les plaies étaient encore rouges et boursouflées. Pas très belles, en vérité.

Je remarquai également une vilaine marque de brûlure au niveau de son épaule gauche. La cicatrice, quoiqu'ancienne, avait l'air profonde et semblait former comme un motif. Cela avait dû être une blessure passablement grave pour qu'il en garde une telle marque. Mon premier réflexe aurait été de le questionner. Premièrement par curiosité et deuxièmement pour détourner l'attention de la conversation présente que je trouvais gênante. Néanmoins, quelque chose me retint et je me contentai de me taire, alors qu'il revenait vers moi enfin un peu plus habillé.

— Tu aurais pu tout simplement m'enlever mon tee-shirt au lieu de le déchirer, non ? constata-t-il en se rasseyant, ses sourcils haussés d'un air interrogateur. En plus, j'aurais eu moins froid !

Son ton légèrement moqueur, me fit partir au quart de tour.

— Mais tu serais mort ! Sans compter que tu aurais souffert le martyre avant. Désolée pour tes fringues et ta température corporelle, la prochaine fois, tu te débrouilleras tout seul !

— Je plaisantais, sourit-il en levant les mains. Je ne te reproche rien, bien au contraire. Sans toi et tout ce que tu as fait, je serais mort en effet.

Son ton soudain sérieux me fit relever la tête et il en profita pour me regarder de nouveau dans les yeux.

— À ce propos justement... Pourquoi m'as-tu donné ton sang ?

— Parce que tu en avais besoin, lui répondis-je du tac-au-tac sans réfléchir.

— La majorité des gens auraient pensé à une transfusion, pas à me le faire boire.

— Écoute... je n'en sais rien ! Sur le moment j'ai paniqué et... j'ai aperçu les morceaux de verres par terre... Ça été comme une évidence, alors j'ai suivi mon instinct.

Il me regarda fixement, un drôle d'éclat dans le regard. Mélange de différents sentiments que je ne parvenais pas à démêler.

— J'ai eu tort ? C'est dangereux pour toi ? m'inquiétai-je, soudain un peu paniquée.

Il avait l'air d'aller bien. Mais pour ce que j'en savais, cela pouvait peut-être provoquer des complications à plus ou moins long terme. Après tout, il n'avait pas vraiment eu l'air d'apprécier.

— Non, ce n'est pas dangereux. Mais je me demandai simplement, comme tu n'es pas au fait de notre culture, d'où t'était venue cette idée que me donner ton sang de cette manière pourrait me sauver ?

— Je n'en savais rien, mais tu en avais perdu tellement, et tu... tu étais en train de mourir à mes pieds. Il te fallait du sang, je t'en ai donné, voilà.

Mon ton hésitant me fit frémir intérieurement. Mais pourquoi réagissais-je comme ça ? Je n'avais rien à me reprocher, après tout.

— Bon, où veux-tu en venir à la fin ? Visiblement j'ai bien fait, et tu ne risques pas de séquelles irréversibles. Donc je me répète, où est le problème ? Peut-être le fait d'avoir dû être sauvé par une « humaine » ? Ton orgueil en a pris un coup, c'est ça ? lui assenai-je méchamment.

Ma réaction pouvait sembler plus agressive que nécessaire, mais son rappel de ma « différence » m'avait blessée à nouveau et je ne voulais pas qu'il s'en rende compte. Ne dit-on pas que la meilleure défense, c'est l'attaque ?

Il me jeta un regard étrange et sans savoir pourquoi, je sus qu'il me cachait quelque chose. Avant que je n'aie pu lui poser la moindre question, il prit mes mains dans les siennes et se pencha vers moi.

— Excuse-moi, tu as raison. Ma réaction est idiote, tu as très bien réagi. Ça m'a surpris c'est tout, mais ça n'aurait pas dû. Tes capacités semblent se développer extrêmement rapidement, tu as réagi comme une vraie métamorphe, et heureusement pour moi. Je ne pourrai jamais assez te remercier, me dit-il d'une voix calme et amicale qui me surprit.

Il avait certainement utilisé ce ton à dessein pour contrer ma tirade agressive et, tandis que je m'interrogeais sur la meilleure attitude à adopter, la dernière partie de sa phrase raisonna soudain dans mon esprit, me donnant une idée.

— Si, justement. Je sais très bien comment tu pourrais me remercier, lui dis-je d'un ton espiègle un peu forcé. Tu me devais une petite discussion avec explications, si tu te souviens bien. Je trouve le moment bien choisi, pas toi ?

Féline. Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant