Chapitre 30-1

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Ne dit-on pas : « La nuit, tous les chats sont gris » ? Eh bien, les arbres aussi. Toute cette végétation propice à la détente et la sérénité en journée devenait de nuit un fouillis de formes fantomatiques plus étranges et effrayantes les unes que les autres. J'avais l'impression d'apercevoir et d'entendre les tireurs derrière chaque arbre et chaque buisson, et ma concentration en pâtissait sérieusement. Je savais que Worth couvrait mes arrières, mais je n'étais pas rassurée pour autant. Surtout que dans ce milieu plus qu'hostile mon instinct reprenait le dessus. Je me maudis encore une fois de ne pas avoir osé dépouiller un des gardes morts de ses vêtements pour m'en couvrir, car par cette froide nuit d'octobre j'étais littéralement frigorifiée. Ajoutez à cela l'adrénaline, la fatigue extrême et le manque de nourriture, j'avais de plus en plus de mal à ne pas trembler.

Après être déjà tombée à deux reprises, je commençais à être couverte d'égratignures en tout genre, mais malgré mes pieds nus qui me faisaient souffrir, je me forçais à accélérer l'allure. Déjà les bruits de la forêt se modifiaient et je sentais que les quelques animaux présents aux alentours se préparaient à fuir, percevant le danger.

Je décidai d'arrêter de faire une parfaite cible au stand de tir et choisis de monter à mon tour dans un arbre. En même temps en forêt, les possibilités de cachettes originales étaient plus que limitées. Je me recroquevillai sur moi-même pour me tenir chaud et attendis, tous les sens aux aguets. Il était très discret, mais je finis quand même par déterminer l'endroit approximatif où il se trouvait. Il s'était arrêté à l'instant où il avait cessé de m'entendre et, tout comme moi, il attendait.

Son comportement suggérait qu'il devait suspecter un piège ou qu'il me surestimait. Curieusement, je penchais plutôt pour la première option. Ce qui sous-entendait qu'ils étaient au courant pour l'accident et savaient donc que nous n'étions plus des proies faciles. Nous avions rétabli un tant soit peu l'équilibre : nous aussi, nous étions armés à présent ! Les minutes passèrent avec une lenteur débilitante. Je ne pouvais pas rester là indéfiniment à perdre un temps précieux. Adam et Cassie comptaient sur nous. D'ailleurs, en parlant de nous, qu'attendait donc Worth pour tirer ? Je ne pouvais pas jouer les oies perchées indéfiniment. D'autant plus que je me sentais de plus en plus mal.

J'étais seule, perdue et j'avais peur. Mon cerveau primaire me disait de fuir comme les animaux que je percevais autour de moi, alors que mon côté rationnel, lui, me disait que si je bougeais, j'étais morte ! J'avais beau croire le second, le premier me faisait me sentir piégée dans cet arbre. Une sueur glacée commença à me couler dans le dos et mon cœur se mit à battre la chamade. Ensuite vinrent les difficultés à respirer, une bonne vieille crise d'angoisse quoi ! Sauf que ce n'était pas du tout le moment.

Je luttai pour faire pénétrer un peu d'air dans mes poumons, quand une balle me siffla aux oreilles et atterrit dans le tronc de l'arbre, à peine à un centimètre de ma tête. Malgré la panique qui avait occulté tous mes sens, mon corps, lui, avait instinctivement réagi à la détonation, si faible fût-elle, car j'avais déjà commencé à bouger à l'instant même où une deuxième balle percuta de nouveau le tronc, me manquant de peu pour la seconde fois. L'adrénaline fusa dans toutes mes cellules et redonna le contrôle à mon corps qui prit le relais sur mon cerveau en surchauffe. Je dégringolai au bas de l'arbre comme un singe. Une fois au sol, je ne pris pas le temps de réfléchir et filai aussi vite que je le pouvais en slalomant entre les arbres, afin de donner le moins de fenêtres de tir possibles à l'homme qui me poursuivait.

Au bout de quelques minutes de course effrénée, j'entendis d'autres détonations plus éloignées, et les tirs dans ma direction cessèrent brusquement. Je ralentis l'allure et tentais de retrouver une respiration plus normale quand les bruits caractéristiques d'une personne courant dans les sous-bois, sans aucun souci de discrétion, se firent entendre. Cela me déconcentra l'espace d'un instant et, me prenant le pied dans une racine, je m'étalai de tout mon long sur le sol spongieux, qui heureusement pour moi amortit ma chute. J'entendis deux balles passer au-dessus de moi en sifflant ; l'une des deux me frôla le bras alors que j'étais déjà à terre, tandis que l'autre passa à un bon mètre au-dessus de mon dos. Ce qui ne pouvait signifier qu'une chose : celui qui venait de ma gauche et fonçait comme un éléphant au milieu des bois tirait pour blesser, alors que celui qui me suivait en silence depuis que j'étais descendue de mon arbre, lui, tirait pour tuer. Et de toute évidence, Worth n'avait fait que le ralentir. J'eus un pincement au cœur à l'idée qu'il soit mort ou peut-être grièvement blessé seul dans les bois, mais la réalité de ma situation se rappela à moi de manière brutale quand une balle me frôla à nouveau.

Féline. Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant