Chapitre 9-1

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Je ne sais combien de temps je restai inconsciente. Lorsque je revins à moi, je me trouvai dans un lit situé dans une sorte d'infirmerie. L'arrière-goût médicamenteux et la sensation d'avoir la tête dans du coton me firent comprendre que j'avais été droguée. À moins que ce ne soit les différents tubes qui semblaient sortir de mon corps et menaient à deux poches à perfusions qui me mirent la puce à l'oreille. L'une des deux devait contenir un antidouleur très puissant, car je ne sentais presque plus rien et avais l'impression, quelque peu troublante, de flotter. Ce qui, au vu des bandages sur mes bras, devait être une bonne chose. Je m'adossai prudemment à la tête de lit et jetai un œil autour de moi, pour tomber avec stupéfaction sur Jude, assis sur une chaise à l'air inconfortable, à mon chevet.

— Qu'est-ce que tu fais là ?

Ma voix était enrouée mais reflétait bien ma surprise pour que je n'aie pas besoin d'en rajouter.

— Où sommes-nous ? Qu'est-ce que je fais là et... que s'est-il passé exactement ? demandai-je à nouveau, lasse d'attendre qu'il me réponde.

— Nous sommes revenus à Nemain. Tu es dans notre dispensaire...

— Nemain ?

Qu'est-ce que c'était encore que ça ? me dis-je en constatant que, dans ma surprise, je venais de lui couper très impoliment la parole, mais... nous n'étions plus à ça près.

— C'est le nom de cet endroit, mais nous ne l'utilisons qu'entre nous. Excuse-moi, j'ai tendance à oublier que tu n'es pas au courant de grand-chose.

Le petit sourire contrit qui vint nuancer ses paroles acerbes réussit à m'empêcher de monter sur mes grands chevaux, avant que ma curiosité ne reprenne le dessus.

— Qu'est-ce que cela signifie ?

— Crois-moi, tu n'as pas envie de le savoir ! me répondit-il avec un petit rire amer. De plus, pour toi qui ne connais pas notre culture, cela n'aurait pas une grande signification.

Quand il vit que je m'apprêtais à répliquer, il m'arrêta d'un geste apaisant.

— Quand toute cette crise sera terminée, nous prendrons le temps qu'il faut et je t'expliquerai. Mais ce n'est ni le lieu, ni le moment.

La fatigue et la lassitude que je vis passer sur ses traits me convainquirent d'en rester là, du moins pour l'instant, ce que je m'empressai de lui faire savoir.

—Tu peux peut-être m'expliquer ce qu'il s'est passé, maintenant que je sais où nous sommes ? persifflai-je.

— Nous t'avons placée sous sédatif pour atténuer ta douleur et aider ton organisme à récupérer. Ton corps n'arrivait pas à tout régénérer seul, tu avais trop de blessures internes graves dues à l'explosion.

— Finalement, la première hypothèse était la bonne ? dis-je avec une grimace lorsque l'aiguille plantée dans mon bras se rappela à mon bon souvenir.

Sans compter l'effort que je dus faire pour me redresser davantage, et qui me laissa essoufflée et tremblante.

— Oui, dit-il en souriant doucement. Bien qu'il semble quand même que ton métabolisme soit plus lent que celui d'un vrai métamorphe. La bonne nouvelle, c'est que tu es complètement guérie.

— Et la mauvaise ? l'interrompis-je. Car je me doute bien que si tu as commencé par la bonne...

— Les mauvaises, en fait. Tes brûlures et tes lacérations aux bras étaient assez graves et elles ont mis tellement de temps à se refermer que tu garderas sans doute des cicatrices. De plus, nous avons dû te maintenir dans l'inconscience deux jours et la piste que nous suivions a dû s'estomper, voire carrément disparaître. Sans oublier, et c'est le plus grave, que nous avons une nouvelle disparition à déplorer.

Je restai un instant sans voix. Sur le moment le fait de savoir que je garderais des cicatrices m'avait atterrée. Puis il était très vite apparu que ce n'était rien au regard des deux autres nouvelles. Deux jours de ma vie étaient partis en fumée ! En prenant conscience de ce que cela impliquait, un nœud se forma dans mon ventre... Cassie !

— Où sont mes affaires ? demandai-je fébrilement tandis que j'essayais de me lever.

— Tes vêtements n'étaient plus récupérables. Ils ont fini à la poubelle.

C'est à ces mots que je me rendis compte que j'étais vêtue uniquement d'un tee-shirt noir qui m'arrivait aux genoux.

— C'est de mon portable dont j'ai besoin.

— Il est là, mais il n'a presque plus de batterie, dit-il en me tendant l'appareil. Tu peux me dire ce qui te préoccupe autant d'un seul coup ?

Ne prenant pas la peine de lui répondre, j'accédai fébrilement à ma messagerie, en priant intérieurement pour qu'elle soit pleine de messages inquiets de ma colocataire. Mais rien, mis à part deux messages furieux de mon patron, dont le second me fit froid dans le dos. Il confirmait que je n'étais pas la seule à avoir manqué le travail depuis trois jours : Cassie aussi manquait à l'appel. La boule dans mon ventre ne cessait de grossir et je composai malgré tout son numéro de portable ainsi que notre fixe, mais sans résultat. Je sentis l'inquiétude se muer en panique quand je me rendis compte que Cassie avait bel et bien disparu. Qui plus est, le jour où toute cette histoire avait commencé. Des tremblements incontrôlables commencèrent à agiter mes membres tandis que je restais assise sur le lit, tenant mon téléphone d'une main inerte, qui finit par glisser et tomber sur le sol dans un bruit mat. Jude se leva, s'approcha de moi et me souleva le visage pour me regarder dans les yeux.

— Tu vas me dire ce qui ne va pas à la fin ou il faut que je te l'arrache de force ?

L'étincelle d'inquiétude que je perçus dans ses yeux et le ton de sa voix me firent comprendre que mon comportement le déstabilisait.

— C'est ma colocataire... Elle a disparu. Et je pense de plus en plus que... c'est peut-être lié à vos problèmes.

— Qu'est-ce qui te fait penser ça ? me demanda-t-il d'un air surpris.

Je lui racontai ce qu'il s'était passé le soir de la disparition de Cassie, cette sensation constante d'être observée. Après coup, j'en avais déduit que ce devait être Hannah qui m'espionnait ce soir-là. Peut-être avais-je eu tort...

— C'est une possibilité. Mais pourquoi s'en prendre à ta colocataire si ce n'est pas pour te faire chanter ? Ça n'a pas de sens. À moins qu'elle ne soit aussi une créature surnaturelle ?

— Non, répondis-je par réflexe. Quoique maintenant... je ne suis plus sûre de rien, ajoutai-je en soupirant. Il faut que je la retrouve.

Féline. Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant