Nous restâmes figées au milieu du couloir, là où n'importe qui aurait pu nous voir. Ce qui n'allait pas tarder à arriver si nous ne bougions pas très vite de là ! Maintenant que les lumières étaient rallumées, ils allaient très rapidement s'apercevoir que je n'étais plus dans ma cellule, et la chasse serait alors ouverte. C'est ma compagne féline qui reprit la première ses esprits et m'indiqua d'ouvrir la seconde porte sur la droite, ce que je fis sans prendre de précautions particulières. Après tout, le temps n'était plus à la discrétion. La chance semblait être de notre côté car la pièce était vide et apparemment sans caméra. Je commençais à trouver ça bizarre, tous ces couloirs et ces pièces vides sans le moindre garde ni matériel de surveillance.
Ce que j'avais pris pour une pièce était en fait un petit couloir, une sorte de sas, avec un ascenseur, surmonté d'une caméra à son extrémité. Je me figeai et la panthère m'imita, ayant instantanément partagé mes inquiétudes. Comment faire pour passer cette caméra sans se faire repérer ? Réponse : aucune. À part croiser les doigts et espérer que personne ne regarde les écrans à ce moment-là.
Je m'avançai donc d'une démarche rapide et assurée, la tête légèrement baissée afin de ne montrer que ma chevelure à la caméra et appuyai sur le bouton. La porte s'ouvrit immédiatement avec le petit ding propre à tous les ascenseurs du monde et nous pénétrâmes rapidement à l'intérieur. Je cherchai des yeux le tableau de commande qui se trouvait sur la paroi de gauche et ne comprenait qu'un seul bouton, m'évitant au moins le problème du choix. J'appuyai dessus et la cabine amorça sa descente qui me parut interminable. Lorsqu'elle s'arrêta, je me rencognai dans un coin, mon arme de fortune brandie devant moi, prête à toutes les éventualités. Du moins, c'était l'idée.
Je sentis comme un rire moqueur résonner dans mon esprit et la panthère me projeta la vision qu'elle avait de moi. Une grande fille trop maigre et tout en jambes en sous-vêtements grisâtres et parsemés de taches de sang, qui brandissait une clef à molette d'une main tremblante, ses cheveux auburn tout emmêlés lui retombant sur le visage. Pas très effrayant, en effet ! Je lui rendis son rire psychique, un peu teinté d'amertume je dois bien l'avouer puis, au retentissement du ding universel, me tendis dans l'attente de ce que nous allions trouver de l'autre côté.
Devant nous s'étendaient encore et toujours les mêmes couloirs carrelés de blanc, à la différence qu'ici tout paraissait neuf et aseptisé. En avançant un peu, nous découvrîmes une grande porte vitrée qui donnait sur un laboratoire flambant neuf. Une personne en blouse blanche était en train d'utiliser une machine à l'air complexe et nous tournait le dos. Nous en profitâmes pour passer rapidement et discrètement, avant qu'il ou elle ne se retourne et ne nous aperçoive. Arrivées au bout du couloir, un autre nous accueillit. Ma compagne, semblant savoir où elle allait, continua à me donner ses indications mentales jusqu'à une énième porte.
Face à cette dernière, équipée d'une serrure magnétique à carte, je compris qu'il était temps de sortir mon outil miracle numéro deux. Je le plaçai comme on me l'avait expliqué, puis attendis nerveusement que l'appareil fasse son travail, en croisant les doigts pour que personne ne fasse son apparition entre-temps. Encore une fois, la chance nous sourit et je commençai à douter sérieusement que ce ne soit que cela. Personne n'a autant de chance que ça et surtout pas moi... Il y avait quelque chose d'anormal.
Et si les renforts étaient arrivés ? Cela expliquerait la cavalcade de tout à l'heure, le fait qu'il y avait si peu de monde à l'intérieur et pourquoi personne ne réagissait à ma disparition. Cela signifiait aussi que si Worth avait réussi à me retrouver, c'est que Jude devait être avec lui. Je me rendis alors compte qu'il me manquait et que j'avais eu peur au fond de moi de ne plus jamais le revoir, tout aussi énervant soit-il. Mais je prenais peut-être mes désirs pour des réalités ? Peut-être qu'après tout, j'avais une veine de tous les diables ! Quoi qu'il en soit, la porte n'était toujours pas ouverte et je décidai d'en profiter pour tester ma théorie. Je fis le vide dans mon esprit et recherchai son empreinte caractéristique parmi toutes les autres signatures alentour. Un court instant, je crus l'avoir trouvée et mon cœur fit un bond dans ma poitrine, avant que tous mes sens ne soient submergés par les pensées rigolardes d'une panthère indiscrète.
« Tu m'as l'air sacrément mordue, dis-moi ? Mais crois-tu que ce soit bien le moment de chercher ton chéri ? Je te signale, si ça t'intéresse toujours, que la porte est ouverte ! »
« Féline... Bon sang ! Reste en dehors de ma tête, tu m'empêches de me concentrer ! Et ce n'est pas mon « chéri », mais les renforts ! »
Je ressentis son étonnement puis son amusement dans ma tête. Il fallait vraiment que je me débarrasse de ce lien télépathique le plus vite possible, ou j'allais finir schizophrène !
« Féline ? » m'interrogea-t-elle doucement.
« Oui, c'est comme ça que je te vois et je ne connais pas ton nom, alors... À moins que tu ne me le donnes, pour moi, tu seras Féline. »
« Ça me plaît, Féline. Mais pourquoi veux-tu que je m'en aille ? »
Elle paraissait triste de cet état de fait et surtout ne comprenait pas ce qui me dérangeait.
« On verra ça plus tard, car comme tu me l'as si gentiment fait remarquer, la porte est ouverte. »
J'avais à peine fini ma pensée qu'une douleur violente et sourde à la fois explosa sous mon crâne, comme si une force cherchait à en chasser une autre. J'avais l'horrible sensation que mon cœur battait derrière mes yeux. Je ne pus retenir un gémissement et pris ma tête entre mes mains. Je sentis, plus que je ne vis, Féline s'agiter près de moi. Mais bien que je perçoive toujours sa présence, je n'entendais plus ses pensées. Je n'entendais plus grand-chose en vérité, obnubilée que j'étais par la sensation que ma tête allait exploser. Je me forçai à ouvrir les yeux et fus soulagée de constater que j'y voyais toujours clair. Je tentai d'oublier la douleur et l'inquiétude que trahissait le comportement de Féline et me forçai à avancer.
Nous pénétrâmes dans un énième couloir blanc, et c'est là que je la sentis. Une odeur indéfinissable, à la fois douce et aigre. En voyant Féline se figer à mes côtés, je me demandai un instant si je sentais cette odeur par moi-même ou par son intermédiaire, car depuis que notre connexion avait pour ainsi dire « sauté », mon odorat semblait comme... boosté ! À moins que ce ne soit moi qui ne m'en serve davantage pour compenser ? Celle-ci nous mena alors à la dernière porte à l'extrémité gauche du couloir et devint plus prégnante une fois que j'en poussai le battant.
Nous nous trouvions à l'entrée d'une sorte de pièce rectangulaire d'une dizaine de mètres de long, fermée par un mur aveugle et nu, à l'exception d'un râtelier en bois auquel étaient accrochés six jeux de clefs. Les deux murs latéraux étaient percés de trois portes munies de verrous, chacune placée à intervalles réguliers. Il ne fallait pas être un génie pour deviner à quoi servait cet endroit. Nous avions trouvé « leur prison ». Selon moi le meilleur endroit où trouver nos disparus. Galvanisée par l'espoir et un sentiment d'urgence, je m'empressai de me ruer sur les clefs et commençai à essayer d'ouvrir les cellules, en débutant par la première à droite de la porte d'entrée qui s'avéra porter le numéro 1. Tant qu'à commencer quelque part, autant avoir un minimum d'organisation. Comme nous n'avions aucun moyen de contrôler si les cellules étaient ou non occupées, je déverrouillai la porte et entrai sans autre forme de procès.
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Féline. Tome 1
Paranormal*Vainqueur des Wattys 2016 dans la catégorie "Lectures Assidues"* Christina, orpheline de Détroit, vit enfin une existence normale après des années de galères. Mais la mise en garde d'une mystérieuse inconnue va la plonger au cœur d'un...