Chapitre 11-1

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Il était terrifiant ! Son beau visage aux traits fins naturellement hâlé était blême et déformé par la fureur. Quant à son corps, il était si tendu qu'il paraissait plus grand et plus imposant. Le vent cinglant faisait voler ses cheveux devant son visage. On aurait dit... je n'en avais pas une idée précise, mais certainement pas un humain. Ma réflexion me frappa de plein fouet et je pris réellement conscience que l'homme qui se tenait devant moi n'en n'était pas complètement un.

Il se dégageait de lui une aura de puissance latente et de violence difficilement contenue. Je me rendis alors compte que je le voyais tel qu'il était pour la première fois. Il avait laissé tomber le masque et, le moins que l'on pouvait dire, c'était qu'il était intimidant. Mon instant de stupeur passé, je refusai de me laisser impressionner et avant que la peur n'ait réussi à prendre le pas sur mon courage, décidai de contre-attaquer.

— Tu te répètes. Il me semble que c'est moi qui l'avais suggéré en premier avant que tu ne m'envoies sur les roses ! lui assenai-je d'un air bravache, tandis que je lui lançai un regard noir et me redressai de toute ma hauteur. Mais je ne demande que ça ! À quelle question veux-tu répondre en premier ?

Il poussa une espèce de son inarticulé, auquel le vent sembla répondre en redoublant de virulence. Un peu comme s'il réagissait à son humeur. C'est alors qu'il tenta de m'empoigner le bras. J'esquivai, me déportai sur la gauche et en profitai pour le contourner et continuer à avancer d'un pas rapide, qui se transforma vite en course. Je ne pensais pas qu'il me ferait de mal, du moins pas intentionnellement, mais je n'allais pas parier mon avenir dessus non plus. Je ne le connaissais pas vraiment après tout et il avait l'air d'avoir de sérieux problèmes de gestion de la colère.

Le temps que je parvienne jusqu'à la rue où nous étions garés, le vent s'était arrêté aussi subitement qu'il était apparu, et Jude avait disparu. Bizarrement, cela ne me rassura pas. Une fois à la voiture, je dus m'arrêter pour rechercher mes fichues clefs, lorsqu'une ombre sortit d'une ruelle adjacente et s'approcha prudemment de moi, comme pour ne pas m'effrayer.

— Tu comptes aller où comme ça ? me demanda-t-il sur son habituel ton dédaigneux.

Au son de sa voix, il avait dû se calmer. Un bref coup d'œil à son apparence, redevenue « normale », confirma ma déduction. J'arrêtai de farfouiller fébrilement et au hasard dans mon sac, pour le poser sur le capot de la voiture et reprendre une fouille plus organisée, à la lumière du réverbère, en l'ignorant royalement.

Néanmoins, incapable de me concentrer, je repoussai le sac avec un grognement de frustration et croisai le regard de Jude qui m'observait de l'autre côté du capot.

— C'était quoi ça au juste ? lui demandai-je d'une voix un peu tremblante, au lieu de répondre à sa question.

— Ça, comme tu dis, c'était la réaction d'un métamorphe poussé à bout ! me répondit-il d'une voix qu'il tentait de maîtriser sans grand succès. Bon sang, mais qu'est-ce qui t'a pris d'aller tout lui raconter ? T'es devenue suicidaire ou quoi ?

— Pas suicidaire... désespérée ! Sur l'instant, j'ai trouvé que c'était une bonne idée. De toute manière, je n'avais pas beaucoup d'autres options et je ne lui ai pas tout raconté, me défendis-je d'un ton offusqué.

— Non c'est vrai tu as raison, rien de bien intéressant ! Je t'av...

— Ah non, m'écriai-je avec colère. Ne me fais pas le coup du « je te l'avais bien dit » ! Après tout, votre sacro-saint secret est sauf, alors où est le problème ? Je me doutais bien que tu ne sauterais pas de joie, mais tu n'étais pas pour autant obligé de jouer les anges exterminateurs. Tu m'as fait une peur bleue, terminai-je dans un souffle.

Je vis son regard s'attendrir l'espace d'une seconde, pour finalement reprendre son air froid et arrogant.

— Tu n'espères tout de même pas que je vais m'excuser ? Ton comportement aurait poussé à bout n'importe qui, gronda-t-il d'une voix dangereusement basse tandis qu'il contournait la voiture pour s'approcher de moi. Alors je me répète, où comptes-tu aller comme ça ?

— Chez moi, lui répondis-je sur la défensive. Il faut que je me change et que je vérifie que je n'ai aucun message qui m'attende. De plus, c'est un endroit comme un autre pour notre petite discussion, lui dis-je en ouvrant triomphalement la portière de la voiture.

— Ah oui bien sûr, très malin ! grinça-t-il entre ses dents tandis qu'il me foudroyait du regard par-dessus le toit de la voiture. Tu ne crois pas que c'est là que « Colombo » ira en premier ? Il m'a paru plutôt du genre tenace et pas porté sur la confiance. Il va te faire surveiller, à moins qu'il ne le fasse lui-même. Sans oublier que c'est l'endroit idéal pour une embuscade. C'est stupide et surtout beaucoup trop dangereux.

Il secoua la tête et siffla entre ses dents d'un air exaspéré, comme s'il parlait à une gamine.

— Bien sûr que j'y ai pensé, mais ce serait aussi une belle occasion de savoir enfin qui est derrière toute cette histoire, rétorquai-je pleine de mauvaise foi.

Son raisonnement était logique et j'étais tellement vexée de ne pas y avoir pensé que je m'étais braquée instinctivement. Je ne voulais pas lui donner la satisfaction d'avoir raison, mais son petit sourire suffisant me fit comprendre que je n'avais berné personne.

À l'instant où j'allais ouvrir la bouche pour le lui faire savoir, j'entendis une sorte de sifflement strident suivi d'un bref son métallique, avant de me retrouver violement plaquée au sol par quatre-vingt-dix kilos de métamorphe en cuir. Je grognai sous le choc de l'impact et tentai déjà de me dégager, quand d'un seul mouvement, Jude se releva et m'entraîna avec lui. Il me fit faire volte-face, puis me poussa sans ménagement d'une main au creux des reins.

— Cours !

Féline. Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant