Chapitre 24-1

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Décidément, c'était toujours dans les moments où l'on aspirait le plus à l'oubli qu'il nous était refusé. Je n'avais pas dû rester inconsciente plus de cinq minutes quand le fameux John me sortit de ma petite sieste pour me soigner le genou. La bonne nouvelle, c'était que ma perte de connaissance avait dû le conforter dans l'idée que j'étais toujours sous l'effet de la drogue. Les « soins » qu'il me procura furent hâtifs et minimaux. Il se contenta de désinfecter la plaie et d'y appliquer une compresse qu'il fit tenir avec du sparadrap.

Une fois qu'il fut parti, j'osai enfin ouvrir un œil et essayai de déterminer où je me trouvais. J'étais à même le sol de béton d'une petite pièce carrée et dépourvue de fenêtres. Tout y était uniformément gris, du sol au plafond, sans rien de significatif. Ni meubles ou affiches ou quoi que ce soit d'autre. Je refermai les paupières avec lassitude. Rien que ce petit effort m'avait couté le peu d'énergie qu'il me restait. Leur sédatif n'avait peut-être pas eu l'effet escompté, mais il me vidait quand même de mes forces. À moins que ce ne soit la petite séance de torture, tant physique que psychologique.

Malgré tout, j'espérai qu'ils n'allaient pas tarder à venir me chercher, car cette position devenait de plus en plus insoutenable et je ne pensais plus pouvoir continuer très longtemps à simuler le sommeil. D'autant que le fait que je sois à moitié nue renforçait mon sentiment de vulnérabilité et mon désir presque viscéral de faire quelque chose, plutôt que de rester là, sans défense, à la merci de n'importe qui.

Je tentai de ne pas penser à toutes les horreurs susceptibles de m'attendre plus tard et me concentrai sur Jude... dorénavant mon unique espoir. Je me sentais beaucoup moins idiote maintenant et j'espérai de tout mon cœur qu'il avait joué la sécurité et ne s'était pas reposé uniquement sur le matériel de Worth. Si c'était le cas, j'étais vraiment dans le pétrin et me retrouvais totalement seule. Vu leur organisation et leurs contacts dans la police, on ne me retrouverait jamais.

Le problème était que nous avions été si choqués par la révélation de l'inspecteur que nous n'en avions pas reparlé. Du coup, je ne savais même pas s'il pouvait me retrouver grâce au sang que j'avais ingéré et, si oui, si cela était automatique ou si j'avais quelque chose à faire de mon côté. N'ayant aucune idée de comment m'y prendre, je commençai par penser à lui et à me remémorer son odeur et les sensations que j'éprouvais lorsque j'étais près de lui. Je sentis bien une très faible odeur d'air et de sous-bois, mais tellement ténue que je crus presque l'avoir imaginée, à moins qu'elle ne vienne de ma peau. Nous avions passé beaucoup de temps ensemble et je n'avais pas pris de vraie douche depuis deux jours. Puis il me sembla percevoir une bouffée de rage, suivie d'un sentiment d'impuissance écrasant, qui se transforma progressivement en espoir et finalement en une sensation de réconfort qui calma les battements effrénés de mon cœur et me redonna espoir. Ça ne pouvait être que lui ! Il ne nous avait pas abandonnés et il était sur ma trace.

Au bout de longues minutes, on vint enfin me chercher. Deux autres hommes, d'après leur démarche, car ils ne prononcèrent pas un mot. L'un des deux se contenta de me jeter sur son épaule comme un sac de patates, avant de me laisser tomber lourdement, quelques minutes plus tard, sur le plancher pourri d'une vieille camionnette.

— Bande-lui les yeux, on ne sait jamais, dit l'un des deux hommes avec une voix qui me confirma que je ne le connaissais pas.

— À quoi ça sert de toute façon toutes ces précautions ? Elle est complètement sonnée comme les autres, et ce n'est pas comme s'ils étaient censés s'en sortir.

Il me les banda quand même, avant de s'installer avec son comparse à l'avant et de démarrer le véhicule. Je réussis quand même à m'assoupir malgré l'inconfort extrême de ma situation. Ne pouvant rien voir, ni percevoir, le mieux était que j'essaie de récupérer des forces en attendant.

Féline. Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant