Chapitre 33-1

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Je n'eus heureusement pas besoin de m'expliquer sur ma subite crise d'hystérie. Le personnel médical avait mis mes larmes et mes tremblements incontrôlables sur le compte d'un état de choc post-traumatique. Vu la loque que j'étais, ils avaient probablement raison. Lorsqu'ils eurent fini de m'examiner sommairement, ils nous firent tous monter à l'arrière d'une voiture de police banalisée et non dans une ambulance, ce à quoi Worth s'était fortement opposé.

À peine fus-je assise dans la voiture que j'appuyai ma tête contre la vitre et sombrai dans une sorte de torpeur. Je me rendis à peine compte du bras de Worth délicatement passé autour de mes épaules qui attirait ma tête contre lui. Comme c'était plus confortable que la vitre froide et humide du véhicule, je le laissai faire et demeurai ainsi pendant tout le trajet jusqu'à l'hôpital. Parce que c'était bien évidement là que nous allions.

Je sortis enfin de ma catatonie quand ils voulurent me faire passer un examen gynécologique. La possibilité que je me sois fait violer ne leur avait pas non plus échappé. Néanmoins, plus je m'évertuais à leur dire que ce n'était pas le cas, plus ils pensaient le contraire. J'aurais peut-être dû accepter leur fichu examen et avoir ainsi la paix une bonne fois pour toutes, mais tout cela me rappelait trop l'hôpital psychiatrique. Sans compter que, depuis que nous étions arrivés dans le hall des urgences, une petite voix me disait que c'était une mauvaise idée d'être ici, sans pour autant que mon cerveau ne se rappelle pourquoi. Cassie, elle, dut s'en souvenir car elle chuchota quelque chose à Worth qui sembla, tout à coup, avoir une prise de conscience.

Une demi-heure plus tard, nous étions tous les trois dehors. Nos oreilles résonnaient encore des récriminations des médecins comme quoi il était suicidaire de quitter l'hôpital dans nos états, et nos mains étaient endolories d'avoir dû signer ce qui ressemblait à au moins une cinquantaine de décharges ! L'inspecteur leur avait assuré que nous reviendrions tous une fois nos dépositions enregistrées, et ils n'eurent d'autre choix que de nous laisser partir.

Ce petit intermède avait au moins eu l'avantage de me faire retrouver mes esprits, et j'étais soulagée d'avoir pu quitter l'hôpital où ma guérison miraculeuse aurait semblé plus que suspecte. Bien que, vu ce que la police avait dû trouver dans le labo et dans la ferme, le secret serait bientôt éventé. Je frémis d'horreur à l'idée de la réaction de la population face à cette révélation. Malheureusement, je ne pouvais rien y faire et je décidai donc de me concentrer sur le moment présent, c'est-à-dire la salle d'interrogatoire dans laquelle nous venions tous trois de pénétrer.

— Je pensais que cette histoire de dépositions était un prétexte pour m'éviter des analyses compromettantes et pas une triste réalité ? accusai-je Worth d'un ton pas très convaincant.

Il referma la porte derrière lui et je ne frémis même pas tellement j'étais épuisée. Je n'avais même plus l'énergie d'être claustrophobe !

— En partie. Ils s'attendent à ce que vous fassiez une déposition, et s'ils croient que vous l'avez faite avec moi, ils vous laisseront tranquille. Ce qui nous permettra, en prime, de mettre nos versions au point sans attirer les soupçons. J'ai fait en sorte que les caméras et les micros soient éteints. Je dirais que vu mon état, j'avais oublié de les mettre en marche, et personne ne m'en voudra. C'est donc l'endroit où nous aurons le plus d'intimité pour le moment, tout en sauvant les apparences.

Il se laissa alors tomber, plus qu'il ne s'assit, sur une des chaises inconfortables de la salle avec un soupir déchirant et une grimace de douleur.

— Excusez-moi. Je devrais savoir que vous n'agissez toujours qu'après mûre réflexion et ne faites, a priori, jamais les choses au hasard, soufflai-je. Merci d'avoir réagi pour moi lorsque je n'en étais plus capable. Pour ce que ça va changer de toute façon, terminai-je à voix basse, plus pour moi que pour le reste de la pièce.

Je m'assis à mon tour en me tortillant, de manière à ce qu'il y ait un bout de couverture entre mon postérieur et le plastique moulé de la chaise. Ce qui n'était pas une mince affaire lorsqu'on est privé de ses mains. Celles-ci étaient trop occupées à maintenir ladite couverture bien serrée autour de moi.

— Dépêchons nous de faire votre fameux « débriefing », car je n'ai peut-être pas besoin d'aller à l'hôpital, mais ce n'est pas votre cas à tous les deux, et je ne voudrais pas que vos blessures s'aggravent à cause de moi, leur dis-je d'une voix déterminée tout en les inspectant du regard.

L'inspecteur avait l'air d'aller un peu mieux maintenant qu'il s'était un peu débarbouillé et que la plupart de ses marques et contusions étaient cachées par le magnifique survêtement de la police d'un gris déprimant que ses collègues lui avaient fourni. Mais ce n'était qu'un cache-misère. Vu sa respiration et sa position avachie un bras autour des côtes, il n'allait pas mieux du tout, il faisait juste semblant. Quant à Cassie, elle était toujours debout et contemplait ses pieds d'un air gêné.

— En fait... moi non plus... Je n'ai pas besoin d'y aller, dit-elle d'une toute petite voix.

Quand son regard croisa enfin le mien après une lente remontée, je pus lire la peur et l'incompréhension dans ses yeux. Il lui arrivait quelque chose. Elle était complètement perdue et sa voix m'appelait à l'aide. 


Féline. Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant