Chapitre 8-3

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Il se releva souplement et se dirigea vers le fond de la grotte, par là où nous étions arrivés.

— Il faut que nous sortions d'ici et rapidement. Si nous ne voulons pas avoir le même comité d'accueil que Martha.

— Tu veux... Non ? Tu veux nous faire repasser par ce boyau interminable ? m'écriai-je.

— Tu as une autre solution ? À moins que tu ne préfères attendre une mort lente et douloureuse dans cette grotte irrespirable ? C'est ton problème, après tout.

Sur ces paroles chaleureuses, il se mit à quatre pattes et commença à s'introduire pour la seconde fois dans l'étroit tunnel.

— Tu viens ou pas ?

— Comme si j'avais le choix, grommelai-je.

Au fond de moi, j'étais terrifiée. Il m'avait fallu mobiliser toute ma volonté pour faire le trajet une première fois et je me sentais incapable de réitérer cet exploit. Surtout blessée, assoiffée et épuisée comme je l'étais. Il devait être parvenu au même constat que moi, car il s'immobilisa et se tourna à demi pour me faire face.

— Ce sera plus facile cette fois-ci.

— Ah oui ? ne pus-je m'empêcher de répliquer d'un ton sceptique.

— Oui, car à présent tu sais qu'il y a une sortie de l'autre côté. Alors ne réfléchis pas et avance. De toute façon, c'est notre seule issue.

Il se retourna pour commencer à s'engager dans le tunnel, avant de se raviser. Il fixa mes mains quelques secondes puis se releva brusquement pour retourner vers l'éboulement. Quand il revint, il tenait ma veste à la main, enfin, ce qu'il en restait, et la déchira à mains nues sans aucune difficulté, pour me tendre deux bandes de tissus.

— Tiens ! Enroule-les autour de tes mains et de tes bras pour les protéger.

Je le fixai bêtement sans réagir pendant quelques secondes.

— Ils ont assez souffert comme ça, tu ne crois pas ?

Mes esprits me revinrent tandis que je me saisissais machinalement des bandes improvisées et commençais à me protéger les bras du mieux que je le pouvais.

— Vous êtes tous aussi forts ou... c'est juste toi ?

Je m'étais retenue de justesse de lui demander si cela venait de sa forme animale. Comme il ne semblait pas vouloir en parler spontanément, je n'osais pas poser la question. Cela ne se faisait peut-être pas de demander ?

— Non. Nous avons tous des sens et une force plus développés que les humains. Cela peut varier d'un individu à l'autre, mais dans une faible mesure. J'en déduis que ce n'est pas ton cas, n'est-ce pas ? Note bien que j'avais déjà compris pour ta vue, persiffla-t-il avec un petit rire.

Ne trouvant rien de spirituel, caustique ou sarcastique à répondre, je préférai me taire. Après m'avoir jeté un dernier regard amusé, il s'engagea cette fois pour de bon dans cet horrible tunnel où je n'eus d'autre choix que de le suivre.

L'enfer commença presque immédiatement. Car même si l'idée de Jude était judicieuse, nous n'avions pas pu fixer les bandes de tissus qui commencèrent très rapidement à se défaire et à se révéler plus gênantes qu'autre chose. Au bout d'à peine quelques mètres, la tendre peau cicatricielle avait déjà cédé aussi facilement que du papier de soie que l'on déchire, au contact des pierres dures et tranchantes jonchant le sol.


Le sang, que je perdais à un rythme de plus en plus alarmant, rendait ma peau glissante et me faisait tomber de plus en plus souvent. Tellement fréquemment même, qu'au final, je n'eus plus la force de me relever. Je transpirais abondamment sous l'effet de la douleur, ma respiration était de plus en plus laborieuse et les minutes semblèrent se transformer en heures. Une terrible et brusque douleur me sortit momentanément de ma torpeur et j'eus la sensation d'être tirée brutalement par les mains. Je ne me souvins même pas d'être sortie du tunnel. C'est la sensation d'eau fraîche sur mes lèvres qui me sortit de la transe dans laquelle je me trouvais. Je bus l'eau que l'on me donnait. Elle avait un goût de terre et de vase, mais j'avais tellement soif que cela n'avait pas d'importance.

— Allez, il faut partir d'ici, m'encouragea Jude d'une voix inquiète. Un dernier petit effort.

J'entrepris de me mettre debout, mais ne réussis qu'à retomber lourdement. Il vint à mon aide, passa mon bras autour de son cou, puis nous nous mîmes en route difficilement. À moitié consciente, je me rendis lentement compte qu'il transportait aussi le cadavre de Martha sur son autre épaule.

— Je ne pouvais pas la laisser là-bas, me dit-il lorsqu'il croisa mon regard interrogateur. Voyant que nous étions sur leur piste, ils se seraient débarrassés du corps. Elle a droit à un rite funéraire, poursuivit-il d'une voix froide et fatiguée.

Le reste du trajet se fit dans une sorte de brouillard et je me concentrai avant tout sur ma respiration, de plus en plus difficile. Je sentis que l'on me faisait entrer dans un bâtiment et que l'on m'allongeait sur une surface dure. Je ressentis comme une légère piqure au bras et sombrai enfin dans une inconscience médicamenteuse et bienvenue.

Féline. Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant