Chapitre 37-1

8.1K 940 185
                                    


Sans surprise je me retrouvai une nouvelle fois sur le seuil de leur foutue salle de réunion. Hannah me suivait de près, de tellement près même qu'elle était presque collée à mon dos et faillit me rentrer dedans lorsque je m'arrêtai, hésitant à pousser la porte. Fidèle à elle-même, elle se décala et l'ouvrit tout en me poussant sans ménagement dans le dos. Le battant se referma derrière moi, me laissant seule. N'ayant d'autre choix que d'avancer, je m'exécutai, bien que la peur me nouât le ventre. J'avais beau mépriser Charles au plus haut point, je n'avais pas pour autant la bêtise de le sous-estimer.

Ce que je vis en premier furent les six poutres latérales espacées d'environ un mètre, qui soutenaient la charpente apparente de l'édifice. Troisième fois que je venais ici et c'était pourtant la première fois que j'y prêtais attention, et pour cause. Mon regard s'était rivé presque instantanément sur le crochet situé aux deux tiers de la hauteur de la première poutre de droite. De toute évidence, l'endroit où ils avaient attaché Jude avant que Charles ne le batte comme plâtre. Ce petit crochet n'avait rien de particulier et semblait là depuis longtemps, vu son aspect rouillé. Mais maintenant que je savais... je ne pouvais plus en détourner le regard. Charles, qui m'attendait nonchalamment assis sur les marches de l'estrade, s'en aperçut et me lança un sourire mauvais sans même essayer de s'en cacher. J'avais le sentiment de plus en plus déplaisant que notre entrevue n'allait pas me plaire du tout et qu'en prime, il allait prendre plaisir à faire durer les choses.

— Christina ! J'ai cru pendant quelques minutes que vous n'auriez pas les « couilles » de venir, susurra-t-il méchamment.

Je restai quelques secondes interdite par sa vulgarité, puis, comprenant que tout cela était savamment étudié, entrai dans son jeu du mieux que je le pouvais. Pas question que je lui laisse l'avantage.

— Effectivement, je n'en ai pas ! répondis-je sur le même mode tout en écartant les bras avec un demi-sourire. Mais comme vous le voyez, cela ne m'a pas empêchée d'être là. Qu'est-ce que vous me voulez ?

— Tu as interféré dans la justice d'une communauté métamorphe dont tu n'es même pas membre. Tu te doutais bien qu'il y aurait un prix à payer pour ça... D'autant plus que tu n'es même pas des nôtres, en fin de compte.

— Venant de vous, je ne m'attendais pas à autre chose, lui répondis-je avec tout le sarcasme dont j'étais capable. Et il ne me semblait pas vous avoir permis de me tutoyer, continuai-je avec aplomb, du moins je l'espérais.

— Comme tu peux le constater, je n'ai aucun besoin et surtout rien à faire de ta permission ! Je ne vouvoie que les personnes que je rencontre pour la première fois et celles que je considère comme mes égales. Tu n'es plus l'une des premières et ne seras jamais l'une des secondes, continua-t-il à m'expliquer en me toisant. Tu ne mérites donc plus ce traitement de faveur.

— Espèce de connard prétentieux... ne pus-je m'empêcher de lui répondre sous le coup de la colère, avant qu'il ne me fasse taire de façon très efficace en se mettant debout d'une seule poussée, et en s'approchant de moi d'une démarche souple et on ne peut plus menaçante.

Instinctivement je reculai, même si je m'en voulais d'avoir ainsi montré ma peur.

— Je crois que tu oublies un petit peu trop facilement que tu te trouves seule avec moi dans cette pièce pour le moment, me gronda-t-il d'une voix à peine maîtrisée. Mais tu aurais malgré tout intérêt à prier pour que cela dure, car si j'implique le conseil, la punition sera publique et c'est moi qui la choisirai, me menaça-t-il tout en me tournant autour comme un requin affamé.

— Laissez-moi deviner. Encore une quelconque torture moyenâgeuse ? essayai-je d'ironiser tout en me redressant de toute ma hauteur.

— C'est ça, joue les malignes. Tu rigoleras moins si on doit en arriver là. À moins que le petit échantillon de tout à l'heure ne t'ait plu ?

Féline. Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant